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Journal Supramental

Bali


9 Avril 2003




La force a vraiment beaucoup travaillé pendant quarante-huit heures, c'est rare que ce soit si long, et la manière a varié. Avec un peu de chance, c'est le Supramental du dedans qui commence à œuvrer. Celui qui se réveillerait de l'intérieur. En effet, pour une fois, ce n'est pas la première certes, mais c'était encore plus marqué, tout le corps était pris dans un effet astringent. J'avais l'impression d'être comprimé dans un gabarit légèrement inférieur à mon volume, avec une énergie chaude qui ressemblait à Mahakali, mais qui aurait été mélangée à quelque chose de plus doux quand même. Hier après-midi, le cerveau a été enveloppé, surtout ce qui est au-dessus du cou, par une énergie très puissante, qui force à dormir, au moins une heure, rien à voir avec le pétillement sur la nuque des premières années de transformation . C'est beaucoup plus profond, je sens que la substance même de mon corps physique dépend maintenant de la manifestation de la Force, qui fait vraiment ce qu'elle veut.



Il y a sans doute deux causes à ce travail très puissant, d'abord un contact avec la Mère divine deux ou trois jours après mon arrivée, où tout le corps a été enseveli d'une manière agréable dans un océan étrange où de la conscience se mêlait à l'énergie. Je crois que j'ai été définitivement nettoyé de la force magique de Poona, qui m'était tombé dessus quand I m'avait trompé et s'était payé une initiation à cent roupies. On avait renoué à Goa sexuellement, car je ne voulais pas la quitter. J'ai eu des images de cette période pendant le contact avec la Mère divine, puis je me suis retrouvé dans la cour de la maison de Saint-Raphaël où j'aimais tant jouer entre 6 et 10 ans. J'ai pleuré tellement je me suis retrouvé à cette époque avec une foule de sensations et les images de la cour et de la maison. C'était si vivant que je n'avais pas l'impression que ce fussent des souvenirs. Après cette expérience, j'ai éprouvé de la reconnaissance pour le Divin et je crois que ma confiance en Lui augmente encore. La deuxième raison de l'implication exceptionnelle de la Force (à moins que cela continue à ce rythme ! ) est que c'était ici à Bali la fête de Saraswati, très puissante dans l'île. Or, sémantiquement parlant, c'est l'aspect de Mahasaraswati, une des quatre faces du Supramental, qui me travaille le plus et le mieux depuis 1977. Cela doit avoir eu une incidence.




14 Avril 2003




incroyable expérience. J'ai voyagé seul avec la voiture. Deux jours fantastiques dans un bon hôtel où j'ai marchandé, pris deux bons massages, où j'ai fait du snorkelling et nagé. La deuxième nuit je me suis réveillé, et j'ai senti l'atmosphère très bienveillante de Bali, et j ai écrit un roman de science-fiction dans ma tête. Suis reparti ensuite à Lovina, où je me suis senti au fond d'un tunnel, portant un tas de choses à transformer, et quelque chose se plaint de ne plus avoir de femme, mais cela n'a pas duré. Reparti vite fait pour Amed où je passe une bonne journée et nage dans la piscine où l'eau est très chaude en devenant bien conscient de mon corps. Je ne dîne que de letchees et de durian, et me couche à sept heures du soir en prévision d'une sortie de chasse sous-marine le lendemain matin. Je dors 12 heures et n'arrive pas à me lever ! Pas bien. Je dois faire une méditation spéciale pour que la lumière descende et cela marche. Finalement, je pleure un peu, car je me rends compte qu'une force agit pour m'empêcher de sentir l'amour du monde, pour m'empêcher de le recevoir. Puis je comprends que c'est la vibration de ma mère, c'est étonnant, mais c'est ça. Je vais quand même chasser, car je rééquilibre, et sens à nouveau l'amour m'envahir. Mais après le bateau, je ne suis pas quitte avec cette force. Je laisse Amed pour Candi Dasa et tout le long de la route, j'ai envie de serrer les dents, mon corps penche dans les virages sur le volant, je sens que la conscience de ma mère est là en moi, et ça dure...



A l'arrivée, j'ai l'impression que je peux communiquer avec cette conscience, et QU'ELLE ME TEND LA PERCHE: ne vois-tu pas tout ce que je peux te donner, susurre-t-elle, et je me vois avec beaucoup de pouvoir, et la satisfaction de réaliser mes désirs. En allant faire quelques courses, j'étudie mon état d'âme, de plus loin, c'est bien ma mère, je me sens fort, tout est fait pour moi; j'existe seul au milieu du décor. Je souris et sais que l'expérience va bien tourner car la force commence à prendre le cerveau, en tout cas le cervelet, je me sens triple, moi, ma mère et le Divin qui veut transformer tout ça: j'aurai des bons souvenirs même si personne ne me croit. Et cette force qui verrouille l'amour, invraisemblable, d'où vient-elle?



Ce n'est quand même pas ma mère qui l'a inventée, que je sache, mais elle vivait avec, c'est une force de pouvoir personnel, assez panoramique, cérébrale et peu sensuelle, mais c'est vraiment loin de moi et surtout c'est antidivin. En tout cas j'ai avancé ces derniers jours car j'ai vu que seul le Divin peut faire ce boulot: l'homme n'est pas de taille. Il faut le croire, puis le saisir intellectuellement, il faut le comprendre, et tout ça ne suffit pas, il faut le vivre, et puis des forces arrivent qui font oublier cela, et il est alors nécessaire de revenir là-dessus, l'ancrer davantage, jusqu'à la prochaine attaque. Un travail de titan si j'ose dire. Natarajan fait du surf dans le ressac.




17 Avril 2003


Ubud.



Pour une fois je suis fier. Je commence à comprendre ce qui se passe réellement. En fait, je grimpe, et plus je grimpe, plus la force descend bas, mais dans des univers dont on ne sait même pas qu'ils existent. Je me farcis alors une crise: un logiciel archaïque débarque, monte à la surface et cherche à me bousiller. L'autre matin à Amed, j'ai été le plus fort. Je suis arrivé à faire descendre de la lumière-force (petit mélange de conscience et d'énergie supramentale) par la fontanelle et j'ai senti la différence. A un moment, j'ai dû fermer les yeux et j'ai perdu le contrôle du cerveau, mais avec le mantra j'ai senti que je n'avais pas à m'inquiéter, et j'ai laissé faire (une suggestion m'a dit quand même que j'allais délirer, sacré cerveau ! ). Au bout d'un moment, le sale état de conscience était bien dissipé, chassé du cerveau, mais il est resté longtemps dans le corps. Il n'y a qu'à Candi Dasa que j'ai récupéré, à la tombée de la nuit, et depuis, je me sens bien, mais comme d'habitude je n'ose pas espérer rester là, alors que cela m'est vraiment conforme. Toute l'activité mentale est en retrait et en même temps à l'entière disposition de quelque chose que je ne peux pas définir. Ce n'est pas un état humain. C'est un état nouveau, étrange, il n'y a pas de centre, je me reconnais dans tout, mais ce n'est pas clinquant comme Vasudeva ( sentiment hyper mystique) de 1978, que j'avais expérimenté à Auroville. Cela ne voit pas les choses du dessus, mais du dedans !



Inexplicable, mais confortable et extrêmement approprié à ma personne. Cela ne se doute de rien. C'est une sorte d'innocence absolue fondue dans une connaissance intuitive instantanée. Il n'y a plus besoin de saisir les choses, car elles sont la perception même. Ce sont les fleurs qui me regardent, le ciel qui m'observe, le temps qui me nourrit.



La grande révélation, c'est que le cerveau est un organe comme les autres. J'ai mis près de deux ans à m'approprier les intestins de ma mère, et depuis novembre, je m'approprie les poumons de ma grandmère, et d'ailleurs je crache encore pas mal. Bien sûr, le cerveau est déjà à moi par tout le travail que je fais depuis l'âge de cinq ans, mais cet organe est divisé en trois, et il est clair que depuis Mayotte où la mort programmée et les peurs ancestrales sont remontées, mon cerveau est en pleine réorganisation. Des logiciels chimiques extrêmement puissants semblent pouvoir profiter de mon sommeil pour me balancer des états d'âme parasites de première grandeur.



Je tiens le coup parce que je sens physiquement la force qui intervient, dès que c'est possible. Souvent, je pense que quelque chose va péter quelque part, et en général la Force se calme et me laisse un peu de répit. Les jours comme aujourd'hui, je pourrais dicter un livre entier sur de nombreux sujets qui concernent la transformation.



Je répète pour tous ceux qui n'ont pas compris, le Supramental ne supériorise rien de ce qui est ancien. Je ne suis pas le prolongement supérieur d'un sage ou d'un saint, ou même d'un avatar. Le Supramental veut créer une conscience divine dans le monde sensible, dans le monde sublunaire. Guénon doit se retourner dans sa tombe, mais il pourrait comprendre s'il revenait. Je ne suis pas un homme amélioré. Aucune éthique humaine ne peut embrasser le plan. Il faut se laisser envahir par un autre type de conscience, renoncer à se l'approprier, et alors, une nouvelle perception cherche à se faire jour. Mais on subit à quatre-vingt dix pour cents, ce qui revient à dire qu'il y a peu d'humains assez souples pour faire ce travail.



En comparant ma vie à une partie d'échecs, je viens de prendre une pièce importante à l'adversaire, il n'avait pas prévu mon changement de stratégie. Si je devais perdre quand même, car la partie s'éternisera peut-être, je sais que les suivants étudieront mon ouverture avec soin. Le plus drôle c'est que j'ai conçu la «théorie des survivances dynamiques», clé de la mutation solaire de l'humanité ( Les principes de la Manifestation, dans Ecrits) avant d'être réellement confronté de près à ce qu'elles sont.





Cela aurait été plus logique dans l'autre sens: que j'en bave autant et qu'il en sorte la vision des survivances dynamiques. Mais non ! Il est vrai que le Supramenral commence par le dessus, et que son pétillement dans la matière grise (1980/81) a été la période la plus gratifiante de ma vie, d'un point de vue intellectuel. Puis il y a eu cette descente à Sri Lanka en 90 me semble-t-il, d'une sorte d'intelligence spontanée exhaustive, qui a servi de base au livre en question. Maintenant, je suis confronté à ce que j'ai vu, et donc pré-vu.



Le Divin n'a qu'à se débrouiller.




18 Avril 2003




Ai fini de lire le livre de G Van Krekken, vraiment excellent. Grande précision historique, exagération involontaire sur le feu brûlant de l'énergie divine, en réalité, le Supramental est assez supportable. Il précise que Satprem semble se considérer comme le seul héritier, il ne commente pas cette attitude, mais cite par la suite des passages de Savitri et Nolini pour laisser entendre que d'autres suivent la même route.



Le titre c'est « au-delà de l'espèce humaine » et la couverture ne paie pas de mine, mais c'est vraiment une synthèse magnifique. Je me suis rendu compte grâce à ce livre que j'avais sous-estimé Mère, d'une part, et que je n'avais pas saisi d'autre part à quel point sri Aurobindo était un grand intellectuel (à l'aise dans plusieurs langues). Finalement, j'ai réfléchi sur leur histoire et pour les deux personnages, c'est le début qui est le plus difficile à gober. C'est-à-dire la révélation en prison qui change toutes les cartes du jeu, mais cela passe encore, on peut lâcher prise et admettre que la vie d'un avatar commence ainsi, mais pour Mère, pour un esprit moyen, non intuitif, toute l'histoire du début est fort indigeste, en particulier son mariage avec P Richard, à n'y rien comprendre puisque elle le considère comme un être particulièrement hostile au Divin. De même, la formation par Théon, dont on ignore pourquoi il l'aide et ce qu'il lui apporte vraiment. Une fois passé le cap d'Alipore pour aurobindo Ghose et l'histoire du mariage pour Mirra, tout tourne comme sur des roulettes, mais vraiment, pour un néophyte, les éléments invraisemblables du début n'aident pas à entrer en communion avec le projet supramental.



Je tiens à préciser, si le Divin me fait l'honneur de continuer à me transformer, que mon itinéraire possède un trait commun avec celui du Lion (plus facile à taper que Sri Aurobindo). J'ai été emporté par une vision dynamique à 17 ans (décembre 67) et elle a largement précédé la réalisation du silence mental intégral, qui a surgi six ans révolus plus tard presque jour pour jour. Je ne crois pas qu'on puisse utiliser correctement les illuminations dynamiques, même celles provenant du Surmental, si le silence ne s'installe pas en profondeur. Quand j'ai réalisé le soi, j'ai senti que c'était en quelque sorte moins élevé que l'expérience de 67, mais au moins ça restait là et je touchais enfin une clarté omniprésente. Soyons donc prudents sur les procédures, on n'est pas forcé de commencer par le soi, mais de toute façon il faut passer par là pour exploiter ce qui vient de plus haut. C'est mon avis, qui n'est pas une autorité suprême, mais qui doit faire réfléchir, en particulier les femmes douées, qui feraient bien l'économie du silence mental, histoire d'escamoter ce qui détache des sentiments et des émotions, et de la prise directe sur la vie.



Mes bien chers frères, je plaisante aujourd'hui car j'ai remporté une victoire, mais il faut en baver un maximum, et pour certains, réaliser le soi pose des problèmes difficiles, mais les serrures sans clé ne servent à rien et réciproquement.



Je suis désolé de confirmer que ce yoga est très difficile mais c'est le seul moyen de ne pas récupérer le Supramental en pavoisant. Le Divin doit descendre dans des profondeurs inconnues sinon le cerveau ne change pas. Or il est le centre de la perception, mes bien chers frères, et c'est vraiment pas la peine de transmuter les cellules des muscles sans transformer celles du cabochon. Mais le cabochon, comme son nom l'indique, est cabochard. Hier, c'était bien, j'ai senti un tyranosaurus rex, le même que celui de Jurassic park, sourire au fond de mon cerveau reptilien. La mort s'est prise une sacrée claque, et je m'attends à ce qu'elle se venge, mais je ne sais pas encore comment. Un peu d'euphorie de temps en temps, ça ne fait pas de mal.




6 Mai 2003




Je me suis quelque peu étonné de rester dans une conscience stable depuis la libération du mental génétique de ma mère survenue à Amed. J'en ai profité pour faire un travail physique intense sur une petite île où j'ai fait de la chasse sous-marine tous les jours pendant une semaine, Nusa Lembongan, en louant un bateau chaque matin. Ce séjour a été en quelque sorte décoré d'une attaque mentale inconnue le second soir. J'ai eu une sorte de paranoïa dans une chambre chargée de vibrations lourdes de drogues dures, et les forces adverses en ont profité pour jouer à me déstabiliser. Je me suis profondément recueilli en acceptant le Divin, ce qui a fait monter à la surface une voix très puissante, mécontente, impérieuse, qui semblait m'appartenir: «Ainsi, tu n'es plus qu'une marionnette», m'assène-t-elle, et je ressens comme une morsure profonde ou un coup de couteau. Je reste le bec dans l'eau et les larmes me montent aux yeux une ou deux minutes. Puis la solution se forme, et prend donc une allure sémantique et je réponds: «Je préfère être une marionnette divine qu'une marionnette de la nature.» En fait, une semaine après, je n'ai toujours pas découvert à qui pouvait appartenir cette voix qui me reprochait d'être une marionnette. Après cette réponse j'ai pu m'endormir facilement et il ne s'est plus rien passé de nouveau sur cette île.



Avant hier soir à Ubud, alors que j'étais très décontracté et serein, une voix immense à parlé en moi et m'a dit: « Tu n'as rien à craindre ». J'ai apprécié cette injonction, car je suis encore parfois traversé par des souvenirs de toutes les épreuves que j'ai subies dernièrement. Mais en l'occurrence, l'injonction semblait hors de propos car je me sentais très bien quand elle se forma dans mon esprit. Hier après déjeuner, je me suis soudain senti mal, et mon corps est devenu tout « spongieux ». En allant me reposer à ma chambre, ma personnalité s'est en quelque sorte effondrée, et heureusement je n'ai eu absolument aucune réaction. C'était comme si soudain j'étais privé de moi-même, et qu'il ne reste que l'individu biologique et physique, englué dans la matière, et sans aspiration. J'ai dormi un peu et somnolé tout l'après-midi en acceptant cet état désagréable. J'ai dormi à la tombée de la nuit, me suis réveillé un peu plus tard, et là, une expérience formidable a commencé !



La conscience supramentale du premier degré s'est installée. C'était très étrange: le moi qui formait le discours intérieur à ce moment-là ne voulait absolument pas se reconnaître dans l'individu habituel que je suis. Ce moi m'a affirmé qu'il n'était jamais allé faire de la chasse sous-marine à Nusa Lembogan, et j'ai trouvé ça très drôle. Ensuite, la conscience d'Ishwara s'est manifestée, et j'ai vu qu'on vénérait une partie de mon être psychique en Inde, car je voyais une sorte d'effigie, portée par un groupe, effigie qui me représentait. Le moi immense m'a alors dit ou révélé quelque chose qui ne peut pas être compris par l'intellect ordinaire. La phrase très puissante qui s'est formée est la suivante: C'est le dialogue du Moi avec lui-même qui détermine tous les événements extérieurs.



Sur le moment, c'était très clair que c'était vrai, et cela m'a confirmé que mon enseignement sur la volonté solaire est vraiment d'origine supramentale. A force d'être si conscient, je me suis rendu compte que je m'étais installé dans une dimension où le temps ne s'écoulait pas !



C'était très agréable, absolument immense, une réalité dans laquelle les distances sont abolies. Il me paraît assez évident que le jour où il sera possible de s'installer physiquement dans cette dimension, le processus de vieillissement du corps sera pratiquement ajourné. Je dois cependant ajouter que dans ce lieu, toute la manifestation apparaît comme irréelle, si elle n'est pas faite pour mener précisément là. C'est donc tout à fait normal qu'une demi-journée plus tard, je ne me sois pas encore vraiment remis d'une incursion aussi précise dans l'avenir très lointain de l'humanité. Expérience vraiment exceptionnelle, d'où sortait ce Moi ? Impossible à savoir, ai-je été «adombré» sans m'en rendre compte ? Ou est-ce le fond le plus profond de tout être psychique ? Pas de réponse.





PS. Ai rencontré la veille de cette expérience un homme au karma occulte gigantesque, avec une intelligence vraiment très large, mais qui est très attaché aux sensations, puisqu'il se définit lui-même, sans la moindre trace de culpabilité, comme étant bisexuel. Sa maison est habitée par un pouvoir tantrique puissant, malheureusement vrillé de l'intérieur par l'énergie diabolique que X. a ramassé chez un célèbre personnage parisien. X a admis que son énergie pouvait être purifiée, d'autant que le tarot que je lui ai interprété correspondait exactement à ce que je venais de lui dire. Je lui ai aussi affirmé qu'aujourd'hui l'énergie divine pouvait descendre très bas sur les plans de la manifestation, et qu'il était possible qu'il soit purifié par la Mère Divine si son aspiration était sincère et qu'il se soumettait. Mais X est profondément rebelle et il n'a finalement pas voulu considérer comme un avertissement la menace inscrite dans son tarot : modérer ses appétits ou bien finir dans la fausse force de la luxure et de la volonté personnelle chaotique. La conscience qui est descendue en moi, hier soir, pourrait facilement aider ce genre d'individu, s'il l'accepte, et si elle continue à se développer en moi. J'ai besoin que les meilleurs représentants des spiritualités archaïques reconnaissent l'évolution divine de la Terre, alors que pour le moment ils s'acharnent à vouloir la sauver, principalement pour préserver leurs propres prérogatives: une célébration de l'existence où les sensations immédiates jouent encore un trop grand rôle pour ne pas étouffer l'être psychique.



Je ne sais pas encore comment X va tourner car il peut représenter un excellent instrument aussi bien pour les forces de lumière que pour les forces adverses. Sa structure énergétique astrale lui confère un ascendant énorme sur beaucoup d'êtres humains moins larges, et sous prétexte de les libérer, il peut aussi bien les pervertir que leur montrer le chemin. X semble pourtant décidé à se libérer du diable dont il s'imagine avec une certaine complaisance, maîtriser l'énergie. Je ne crois pas son information selon laquelle Bali serait particulièrement appréciée et peuplée par des expatriés prêts à vivre une vie spirituelle. Il s'agirait plutôt de personnes ressemblant à X lui-même, trop intenses et trop libres pour supporter la civilisation occidentale, mais qui rencontrent sur le chemin les mêmes obstacles intérieurs qu'ils trouveraient partout ailleurs.




21 Février 2004




Le Divin a profité de mon installation à Bali, à Padang Bai, pour mettre les bouchées doubles et j'ai crié grâce il y a trois jours, tant le travail dans le corps était intense. Il est clair que je suis allé sur le plan causal supramental début Novembre, juste avant la conjonction harmonique dont Z fait si grand cas. Le rêve conscient est resté très vivant. Un astéroïde me tombe dans la main et la brûle et se transforme aussitôt en bijou enchâssé dans une monture à quatre étages dont chaque pièce est faite d'une pierre verte, de la turquoise. Ou de la malachite. Les images n'étaient pas plus fortes que dans les autres rêves spéciaux que je fais depuis l'âge de 21 ans à peu près, mais cette fois l'intensité était maximale. L'astéroïde était encore brûlant et même fumant, et d'un coup il refroidit et devient le centre d'un penditif, sans doute en argent, avec quatre niveaux d'inscrustation de pierre, en s'élargissant vers sa base, et cela me réveille. Mon interprétation est que j'ai encore vaincu une couche d'inertie fondamentale qui résistait à la perforation supramentale, peut-être dans le corps, ce qui ouvrirait un passage vers la conscience des os, peut-être dans l'Universel, auquel cas un échelon irréversible aurait été franchi, une victoire de la lumière sur l'espace et le temps, en tout cas l'étendue infinie, dont la masse ou l'essence, pour peu pondérables qu'elles soient, constituent un bain de matière récalcitrant à la Transformation. Bref, je suis rentré en France avant noël où j'ai donné un séminaire sur les quatre mystères, me suis reposé chez mon ami, jusqu'au jour de l'an, puis arrivé à Nice le 3 janvier, j'ai commencé à reprendre un texte que je veux mettre en ligne sur le web, et peu à peu, la rédaction m'a mangé la tête et j'ai travaillé jour et nuit. Avant mon départ à Bali, j'ai rencontré l'extraordinaire Z qui à mon avis mélange des forces blanches qui me sont inconnues, et une semaine plus tard, T, qui suit ma formation aux quatre mystères depuis le début, c'est-à-dire depuis Pentecôte 2003, se présente comme le Messie et parle de moi comme le christ du cerveau. Devant un groupe d'une vingtaine de personnes dont la plupart de mes pseudo-disciples. Je ne l'agresse pas, mais lui laisse entendre que cela peut être vrai ou du délire et que je ne peux me prononcer. Au point de bizarreries où nous en sommes question millénarisme, pourquoi pas, mais il faudrait qu'il soit adombré, parce que je ne le sens pas si évolué que cela malgré ses déchiffrages de codes par numérologie sacrée.



Je dors peu dans l'avion, le 1° février, et arrivé à Bali, malgré le décalage horaire, je fais des courses à Kuta. Je récupérerai le soir après un bon massage où je refuse les avances de la masseuse (désirable) sans trop d'efforts, alors qu'il y a quatre ans que je n'ai pas fait l'amour, et qu'une envie est forcement montée mais sans s'accrocher. Bref, le lendemain je me trouve dans un état extraordinaire qui dure quarante huit heures et qui m'a inspiré le début du poème La mort blessée. Puis je prends possession de ma belle maison louée à Padang-Bai, une petite merveille, avec une chambre à air conditionné où je maintiens 25° degrés la nuit pour le cerveau. Là je me repose, je me sens très bien, et commence à récupérer. Je pense que ma mère aurait aimé me voir ici, et je retrouve intact l'amour que je lui ai porté avant que les choses ne se gâtent quand j'ai pris la direction de son hôtel meublé et qu'elle a voulu continuer à faire la loi à plus de quatre-vingts ans. Je pleure un peu. Pareil pour I, mon esprit se voit une seconde avec elle ici même, comblé, et elle me manque un petit quart d'heure. Puis je décide de travailler l'alimentation, j'arrête le café, me fait des jus de fruits, vais au restaurant du propriétaire de la maison, excellent, et là la Force ne me demande plus mon avis et peu à peu de jour en jour, elle travaille un peu partout et augmente, surtout derrière la tête, au niveau des reins, et dans les jambes. Finalement, la Force travaille maintenant avec un levier de vitesses que je ne contrôle pas du tout. Le fait est que le corps à un moment est devenu tellement conscient que c'était insupportable, parce que la nuit la force accélère, et cela me réveille, carrément. J'ai profité de tous ces événements pour faire le point. Z et T veulent m'entraîner dans un Plan, mais je ne sers que le Divin, et pour le moment le millénarisme, le sauvetage de la planète, les messages des maîtres de sagesse sur la cinquième dimension, tout cela ne me parle pas beaucoup.



Ce matin, nouveau petit sanglot, très court, sur ma mère. L'évidence de mon échec à son égard. Gros comme une maison qu'elle a choisi de nier toute transcendance pour n'avoir de compte à rendre à personne. L'orgueil personnifié. Réfractaire à toute autorité, y compris la sienne sur elle-même. Retour du sentiment étrange qui m'est parvenu un soir à Ubud, fin novembre, près d'un an après sa mort, ma mère demandait la permission au Seigneur de se dissoudre, d'être détruite plutôt que de revenir se frotter à son karma. Vu ce matin, une seconde, mais c'est suffisant, que des gens très intelligents comme l'était ma mère, décident consciemment de nier le Divin, alors qu'ils pourraient devenir des instruments puissants. Pourquoi? Je ne comprends toujours pas l'avantage de s'imaginer qu'on est entièrement libre, qu'on peut faire ce qu'on veut à tout instant, suivre ses caprices, inventer le Réel par le mensonge systématique. Mais maman était comme cela.




22 Février 2004


J ai dû annuler une sortie en pirogue de chasse sous-marine au dernier moment, car la Force s'est remise à s'abattre d'un seul coup, et à la place j'ai mangé, et maintenant j'écris après m'être épuisé une fois encore contre mon programme de jeu d'échecs. Je crois que le travail prend une autre tournure, car je n'ai finalement pas eu le moindre regret à renoncer, et j'ai envie maintenant de cette fièvre, comme si c'était vraiment mon boulot de me transformer. Réveillé à deux heures du matin pour avoir trop pris de bouillon au gingembre, avec des brûlures d'estomac, ça passe en buvant de l'eau et voilà que je repars dans le séminaire sur les 8 chemins, comme si je le donnais, avec des visions remarquables. La prochaine fois, je prendrai la peine d'enregistrer, je dois aussi prendre au sérieux mon travail de maître, dont je me foutais éperdument jusqu'au séminaire de la Pentecôte, refusant de m'identifier à un gourou, mais mon groupe m'a suivi patiemment et à la suite de mes deux premiers voyages à Bali, j'ai senti que je pouvais les concerner vers le supramental, après avoir abordé depuis 98 l'Éveil et le soi. Si je veux tant soit peu développer mes interventions, ce qui me ferait plaisir, il y a un minimum de bases à établir.



J'ai distingué la peur de ne pas être à la hauteur de la peur d'échouer, et j'ai vu qu'il s'agit de deux choses totalement différentes. Avec la peur de ne pas être à la hauteur, l'obstacle prévaut sur le but, et il encombre de toutes ses menaces. Moralité, les gens intelligents sont souvent des lâches car ils voient les obstacles et les conséquences indésirables de leurs actes. La peur d'échouer concerne les gens courageux, forts, mais sans doute assez bêtes. Ils s'imaginent que le but prévaut sur l'obstacle, et comme ils ont peur d'échouer, ils se le cachent, l'obstacle, le transforment en ballon de baudruche, ils sous-estiment donc l'adversité pour être sûrs de rester fidèles à leur but, et de s'y atteler sans faire dans leurs culottes. Il y a annulation magique du potentiel de résistance à leurs œuvres. Ils sont arrogants, audacieux, et ne tiennent pas à considérer l'obstacle comme pouvant être plus fort qu'eux. Ils fantasment la victoire en lieu et place de l'observation de l'ennemi, de l'adversaire, du piège. Cette différence était pour ainsi dire vivante, comme si j'avais accès aux clefs décisionnelles du genre humain, clés subjectives s'entend. J'appartiens à la catégorie des « pas à la hauteur », ce qui a du bon, car je ne prends pas de risques exagérés. Ceux qui ont peur d'échouer et qui affichent de l'assurance m'ont toujours énervé et je comprends pourquoi. Premièrement leur confiance en eux est surestimée, secundo ils s'attribuent les mérites de leurs victoires. Tertio, le lâcher-prise, ils ont de la peine à voir de quoi il s'agit avant d'avoir touché le fond. Mais dans bien des circonstances leur attitude est plus appropriée que la mienne, parce qu'ils évaluent mieux leurs chances, alors que moi je les sous-estime. En tout cas, ces deux tribus ne sont pas prêtes de se réconcilier. Les pas à la hauteur méprisent le caractère narcissique et conquérant des peur d'échouer, et ces derniers en veulent aux pas à la hauteur d'être trop souples, trop fuyants, férus d'atermoiements, et incapables de prendre de grandes décisions. Deux espèces différentes. Dans un couple, s'il y en a un de chaque catégorie, cela ne manque pas de sel. Celui qui a peur d'échouer décide pour les deux, et s'il rate, le pas à la hauteur lui dit méchamment: «je te l'avais bien dit», ou pire, prend un air détaché, et dit: « cela ne m'étonne pas outre mesure » avec plein de sous-entendus. Vexé, le type peur d'échouer rétorque «et toi qu'-est-ce que tu aurais fait à ma place?». L'autre hésite (ce qui horripile la victime de son erreur) puis dit «en tout cas, pas une connerie pareille» en buvant du petit lait, tout en noyant le poisson. Mais encore ! Insiste le peur d'échouer. «Je ne sais pas moi, j'aurais réfléchi, consulté, attendu».

—Bref tu n'aurais pas pris tes responsabilités, comme d'habitude !

—Tu décides de tout, alors ce n'est pas à moi qu'il faut te plaindre quand tu te plantes, puisque tu ne m'écoutes jamais !

—Tu veux dire que ta solution était meilleure sans doute !

—Tu ne m'as même pas demandé mon avis !

—Ah ! Parce que pour une fois où je me trompe, toi tu avais la bonne solution !

—Pour une fois, pour une fois, c'est vite dit, moi je trouve que tu as pris l'habitude de te planter, okay, faire des erreurs ça devient une manie chez toi, et en plus je n'ai pas le droit à la parole !

—Tu ne proposes jamais rien !

—De toute façon tu ne m'écoutes pas, à quoi bon?



Cela peut durer toute la nuit.



L prétend qu'il y a déjà douze inscrits pour le séminaire de l'Ascension, qui devrait me permettre de peaufiner mon système des quatre mystères. La subjectivité humaine, il faut l'accueillir ou alors on en crève. Pour L, qui ne se fait pas de bile, il est bon d'entourer T pour lui éviter de dérailler (sic), et elle mentionne sa présence à une séance saï Ma, la jeune (pour un gourou) indo-française qui mélange tout et qui met toute la gomme pour réveiller ses ouailles. C, nouvelle venue dans le groupe, très intelligente mais qui est refermée sur elle-même et commence à s'ouvrir, « communiquerait » avec T, tandis qu'E dit de son côté dans ses e-mail que T continue ses déclarations tonitruantes, c'est-à-dire qu'il ne tiendrait absolument pas compte de mes doutes sur son statut de messie qu'il nous promet pour dans deux ans à peu près. On l'entoure et on ne le dément pas. Il ratera le séminaire de l'ascension pour aller, comme Moïse, sur une montagne sacrée, où il reçoit des infos. Tout le monde aime beaucoup ce garçon qui a quelque chose de pur et de touchant, mais il est incapable de citer ses sources, il est très gauche quand il s'exprime. Il déchiffre tout, du matin au soir, passe son temps à trouver des codes. Il voit la France jouer un grand rôle dans quelques temps. Trier là-dedans me semble impossible, le problème c'est que sorti du judéochristianisme, ce n'est pas son rayon. Je dois mentionner qu'il prétend que j'ai été Judas, mais en dehors d'un rêve étrange qui m'a calé me semble-t-il à l'époque du christ dans la région, je n'ai aucun souvenir d'un trip pareil. En dehors de Djalnoun, peut-être égyptien, et d'un maître taoïste, je n'ai pas de mémoire karmique vivante. Mais J, qui a des flashs, prétend que je suis adoré en Inde et que je suis même passé sur ma tombe cette vie-ci, et cela me rappelle aussi la descente à Ubud, qui a duré deux heures peut-être, où je suis sorti du temps, et où une immense identité, qui prétendait n'avoir rien à voir avec moi, en tout cas avec celui qui venait de faire de la chasse sous-marine, a pris possession de moi dans une couche du supramental, mais ce n'était pas une entité extérieure, donc c'était forcément une partie de moi-même, et d'une hauteur remarquable, si je m'en tiens au ressenti. On portait mon effigie en procession, mais mon ne veut pas dire grand chose en l'occurence, puisque cela appartenait au Moi qui était descendu. J'ai l'impression que l'identité divine peut procéder par petites touches, nuances, indéfiniment, et qu'il y a toujours au fond un Moi essentiel, mais qui se manifeste à différents degrés de pureté, d'intensité, selon les circonstances, le boulot qu'il y a à faire, les événements terrestres. Je m'y retrouve bien, mais les passages où la force travaille dans l'opposition sont encore difficiles, envie absolue de ne rien faire, où je peux rester plusieurs jours impuissant, avec des couches à traverser qui n'en finissent pas, déni du corps, méprise de l'incarnation, nostalgie des élans vitaux, sentiment de solitude exacerbée, incroyable, sans parler des frémissements nerveux autour des testicules quand je suis contrarié. J'ai peut-être commencé la transformation du mental physique, au service de la mort, et ça explique les contrastes assez violents que je dois subir. Quand ça dure plusieurs jours, la Force se retire quarante-huit heures pour que je retrouve mes marques, ou en tout cas, agit de manière plus discrète, comme cela vient de se passer. C'est réglé au quart de tour. Il semble qu'après vingt-cinq ans de contact, je commence à comprendre comment ça fonctionne. Il faut s'aligner, ou trahir, ou péter les plombs, ou encore ralentir comme je l'ai fait volontairement en 82, au risque de tout perdre.



Souvent le sens apparaît après l'expérience, ce qui est frustrant, très frustrant, parce qu'on se retrouve dans un état de conscience inconnu, on ne sait pas d'où il débarque, ni à quoi il sert, et on n'arrive pas à s'en dépétrer, et on ne sait pas combien de temps cela va durer. En tout cas cette phase a duré de 1998 à l'été 2003. Mes poumons sont encore plein de saloperies de la lignée du côté paternel, mais ça s'atténue et c'est de moins en moins gênant. Mais cette deuxième vague de purification a commencé fin septembre et n'est toujours pas terminée, alors que j'ai senti un net progrès à Nice mi-janvier.



Je m'approche petit à petit de l'explication du 27 décembre 1967, où une voix d'une puissance incroyable m'a dit « Je suis toi », avec laquelle j'ai dialogué quatre ou cinq heures sans parvenir à la croire. Cette identité est inconcevable, informelle, et elle est toute conscience. Je dois admettre que c'est moi, tout au fond, et que cela peine à se manifester, bien que le supramental soit forcement destiné à ça. Il m'apparaît maintenant que la puissance de cet être est terrible et s'exprime en particulier dans le sommeil, dans mes rêves spéciaux. Encore deux ou trois nuits en arrière, j'ai mis en déroute des adversaires nombreux qui voulaient m'abattre, comme Bruce Lee en quelque sorte, au moment où ils me repèrent dans l'ultime cachette, je bondis sur eux, pour faire comme si je faisais exprès d'être démasqué, et là, c'est la déroute. Je ne peux pas apprécier le temps de ces rêves spéciaux, mais il y a chaque fois un scénario, et finalement, il n'y a que des forces les unes contre les autres. Rien d'autre. Mais dans ces rêves-là, je n'apparais pas du tout comme dans mon corps physique où je suis plutôt yin, détaché, effacé. J'ai une puissance incroyable et personne ne me résiste; il y a peut-être un rapport entre le moi de 67 et mes pouvoirs dans le monde décisonnel au fond du sommeil. Je m'élargis énormement et le monde divin commence à m'intéresser autant que la vie qui m'avait récupérée pendant près de quinze ans. Au moins, j'aurai tout vécu et je ne regrette rien. De toute façon, je le répète, la force n'a jamais cessé de travailler, même quand je la laissai faire sans zèle et que je menais ma vie d'homme, heureux et satisfait. J'en connais un bout sur l'identification, et ne me laisse plus prendre à ce jeu débile. La Force travaille et me transforme, parfois je suis divin, parfois humain, et parfois à moitié noyé dans les régressions de la mémoire évolutive. Je ne sache pas d'autre chemin.




23 Février 2004




Il y a des moments où je souffre tellement insidieusement que je ne vois pas le rapport entre l'immense connaissance que je possède aujourd'hui et cette souffrance sournoise. Finalement, je me rapproche doucement de la réponse. Il y a beaucoup, beaucoup de conscience matérielle dans l'être humain. La preuve est constante, l'attraction que peut susciter le passage d'une femme même chez les grands yogis, et je vois de plus en plus qu'on ne peut pas séparer cette conscience de la conscience spirituelle, puisque le rôle du cerveau c'est justement d'organiser de la conscience spirituelle dans un milieu, une écologie, ou de canaliser vers le haut, par le mental, la conscience matérielle du corps et du moi écologique, conscience que possèdent au plus haut point les animaux. Les petits chats affamés qui viennent réclamer de la nourriture depuis que je suis à Padang Bai sont très conscients de la faim, il n'y a qu'à voir comment ils s'y prennent. Même s'ils ne savent pas qui ils sont, ils doivent manger et le ressentent à un point inimaginable. L'un d'entre eux (ils sont deux) est parvenu à emmener un petit maquereau, de la taille d'une grosse sardine, que je faisais décongeler pour lui dans la cuisine. Alors qu'ils ont peur que je les approche, même quand je les nourris, il a pris le risque de me rencontrer, de traverser la maison et de repartir avec le poisson, énorme pour lui. Il semble que ce soient des chats si mal nourris qu'ils ont cessé de grandir, trop vite. En tout cas l'un deux est adulte me semble-t-il, et il possède une taille ridicule, reste à comparer à celle d'autes chats balinais que je croiserai, il n'y en a pas tant que ça.



Je crois aussi que c'est la conscience matérielle qui produit les addictions. Un système souverain et souterrain exige la cigarette, l'alcool, la drogue, le sexe, et le moi d'au-dessus, le moi de l'identité qui est soi-disant un moi spirituel ne peut rien faire. Les résolutions sont insuffisantes. Cette autonomie du principe d'en-dessous est vraiment décourageante. Donc les tantriques ont raison. Si l'on ne veut pas sauver son âme, inutile d'opérer la différenciation de ces deux consciences dans un monastère. Si l'on veut vivre incarné, c'est beaucoup plus difficile, il faut voir en face que la conscience matérielle et la conscience spirituelle sont inséparables. D'où ce que j'ai expérimenté quelque temps, un érotisme libre et sans tabou mais vécu dans l'abandon et la gratitude, avec peu de perte d'énergie. J'ai toujours eu l'impression que cela libérait des frustrations, des refoulements qui ne m'appartenaient pas en propre, mais il n'y a qu'avec I que les choses se passaient ainsi. J'ai cru un moment que la sexualité allait faire disparaître le contact avec le supramental, mais comme les chakras inférieurs avaient été indondés de Force en 80, 81, et début 82, le retour à la sexualité a juste ralenti l'action supramentale, et c'est justement ce que je demandais. Mais j'ai dû renforcer le besoin par la même occasion. Il y a eu des moments de retour du désir très violents depuis que j'ai arrêté la sexualité. Mais là aussi, ce sont des expériences incroyables, on va croire que je les invente. J'ai senti la femme dans ma chair, son besoin dans ma chair, c'était terrible, c'était comme l'ordre d'y revenir, un ordre donné par une autorité incoercible, Ah tu veux te passer de la femme, mon bonhomme, tiens, prends ça dans les gencives. Tout le corps n'aspirait plus qu'à la caresse, sentir des cheveux, sentir la pression d'une peau sur mon propre corps, c'était insupportable, c'était une sensation physique de manque, impitoyable, et qui m' a vraiment pris de court, et ce n'était même pas sexuel, ni lié à aucune de mes conquêtes, donc ce n'était pas de la mémoire, réellement comme une faim dévorante. C'est là que c'était très fort, je n'avais pas envie de faire l'amour mais j'aurais tout donné pour embrasser la nuque d'une fille, sentir et caresser ses cheveux, même pas le moindre petit fantasme grivois. Un attachement d'une subtilité grandiose. Pas une grosse corde, comme les cordes lisses des gymnases, non, un filin de titanium d'un millimètre de diamètre qui épuiserait un chalumeau de perceur de coffre-fort, et qui serait tiré en droite ligne depuis l'époque des dinosaures. Un truc insensé après autant de mantra, de rigueur, de temps chaste qui semblait avoir mis de la distance, et non, au contraire mon neveu, puisque tu as repris du poil de la bête (c'était en août 2002) tu ne vas pas t'imaginer qu'à cinquante-deux ans le désir va te laisser tranquille. Tu préférerais être un vieillard?



J'ai sangloté en roulant sur mon scooter, et je crois que la force a travaillé par la suite dans mon sens.







Peut-être que le mental est un champignon qui pousse sur la conscience matérielle, la faim, la peur, le désir, la conscience du territoire, la sensibilité à la température, le sommeil, le bâillement et l'éternuement, l'érection naturelle chez les hommes, les règles. C'est ce que pensent les darwiniens, et quand on sait qu'on possède à peu près le même code génétique que les chimpanzés, ça donne à réfléchir. Et ce champignon ne libère de rien. Il peut soulever vers le haut la conscience matérielle, rendre les plaisirs plus fins, plus raffinés, il peut trier les peurs, départager les vrais dangers des craintes, et organiser l'appétit par la diététique. Mais le mental ne supprime pas une seule parcelle de la conscience matérielle. Il la recouvre, il peut l'embellir, et s'il s'acharne il parvient à la modérer, c'est tout, ça ne va pas plus loin. J'en suis convaincu. La loi est terrible, et je découvre ce dont Sri Aurobindo parle dans Savitri que je n'ai pas encore lu, loin de là, sauf quelques passages. La loi de la mort est terrible. S'affranchir de ça, il faut être fou, fou de Dieu. Cela tombe bien car je suis justement un fou de Dieu.



De toute façon, que le mental soit une extension supérieure du vital, ou que ce soit un autre plan, indépendant, qui se mélange et s'enchevêtre dans le vital, cela ne change rien. C'est extraordinaire. Que l'évolution monte, ou que le Divin descende, c'est exactement la même chose. L'homme se farcit la rencontre du courant ascendant et du courant descendant. Il n'est plus le stupide baboin rusé au mental cruel et embryonnaire et il n'est pas l'ange qui obéit à Dieu les doigts dans le nez, et en tire sa félicité. Il est coincé l'homo sapiens sapiens, sri Aurobindo l'a vu et il semblait inquiet, la perfection d'un seul homme peut encore sauver le monde, dit-il, nous serions donc dans de beaux draps. Triomphalement cons et destructeurs. Il en jouit et il en crève, l'homme, d'être à la jonction de ce qui monte et de ce qui descend... Il s'accroche au baboin et pleure l'ange, et ce n'est jamais de sa faute, bien sûr. Le courage de lutter, d'apprivoiser, d'amadouer la conscience matérielle, il semblerait que ce soit le luxe de quelques âmes d'élite, ou pourquoi pas, spécialement expérimentées, vieilles comme on dit, mais l'évolution c'est aussi les pervers qui faisaient des "chenilles" dans les bains douches de san Francisco, les thaïlandaises qui vendent leur fille de dix ans au gros porc européen qui sort le plus de dollars, c'est l'Afrique décimée par le sida, les animaux torturés en labo pour la gloire de la santé humaine, et toutes ces merdes-là dont aucun avatar ne nous libèrera jamais, même s'il dénonce mieux que les autres, et montre le chemin avec de jolies paroles fleuries qu'on inscrit aux portes des temples pour mieux les oublier. Oui, la conscience matérielle, je me bats contre elle depuis vingt-cinq ans, elle ne m'a pas encore eu, mais la guerre franche contre le mental physique, qui s'est déclarée à Mayotte, bien que j'en sorte vainqueur, me montre le vrai dessous des cartes.



Pourquoi vouloir sortir de cette condition? Tout ce que je peux dire, c'est que je dois suivre ce qui m'arrive et l'intégrer avec les moyens du bord. Une intelligence amoureuse du réel, au moins j'ai ça, et pas mal de respect pour le Divin. Est-ce que ce sera suffisant pour continuer? Peut-être à condition que j'accepte ma situation. Je suis là pour apprendre à surfer sur la vague d'un raz-de-marée. Et dès que je me félicite de prendre un tube et de me maintenir dans un rouleau, ça me fait casser la gueule et le corail attend de me déchirer.



S' il y a la moindre, je dis bien la moindre complaisance, la moindre vanité, infinitésimale, qui se mélange à l'ananda pur, l'ananda divin, tout s'écroule. C'est comme s'il fallait éradiquer « l'ivresse existentielle », un sentiment assez beauf, pas très lourd, mais qui n'est pas de la vraie gratitude, ni de la vraie reconnaissance, mais un truc opportuniste qui ne manque pas une occasion de s'arrêter en territoire conquis pour en jouir. Il existe des tas de contrefaçons de la satisfaction pure, et même cela remonte des ancêtres, parfois je regarde une fille et je sens que c'est le regard de mon père, même pas le mien.



Je ne peux plus supporter les gens qui sont là-dedans, l'évolution maîtrisée. Ils ne lâchent pas assez de lest, ne s'éloignent pas suffisamment de leurs certitudes, ils ont encore besoin de se rassurer avec du contrôle, mais comme c'est assez habile, ils considèrent que c'est de la maîtrise, le seul moyen de garder les pieds sur terre. Je leur fais peur avec le Supramental, mais ils feignent un intérêt certain, tout en rejetant vers l'inaccessible ce dont je cause pour rester dans les limites de la convenance, ne pas prendre feu, car je pourrais leur donner envie de prendre feu, de s'enflammer pour de vrai pour le Mystère, et cela ne les intéresse plus. Ils ont tiré leur épingle du jeu, ils savent surfer dans les petites vagues pour ne rien déranger, ils ont une vie sexuelle intense, ils ont une famille, ils se prennent pour ceci et cela, ils ont forcément tâté du zen, de la psychanalyse, et peuvent citer de mémoire deux ou trois maîtres spirituels, et puis tout ça tourne en rond, ils ont leur système, et ne peuvent pas aller plus vite. Les enfants ! Les responsabilités ! La carrière ! Alors ils surfent aux heures de pointe, se partageant des vaguelettes, ils parviennent à résister aux nouvelles tentations sexuelles, savent qu'ils ont un inconscient, ils évoluent, mais contrairement aux mutants, ils évoluent à certaines conditions.



Si leur évolution entre dans un cadre, ils avancent, s'il faut modifier, élargir, ils préfèrent la structure existante, et plafonnent en regardant les choses de haut. Ils dégagent un bonheur convenu, sortent haut la main des discussions épineuses où s'avérerait leur superficialité, car en quelque sorte ils assument ce qu'ils sont, et se débrouillent pour qu'on n'ait rien à redire là-dessus. C'est de la matière évolutive gâchée, gaspillée, mais c'est comme ça, et le plus souvent ça pète plus haut que son cul, ça cherche à s'épater soi-même, ça se court après. C'est pathétique. Cela se félicite également d'être parvenu jusqu'ici, et pourtant c'est si peu. Mais avec le Supramental cette vision, paradoxalement, n'entraîne aucun mépris, aucun jugement, c'est plutôt l'impression d'être au zoo qui domine, tiens ils en sont encore là, viens-je du futur moi-même personnellement ou sont-ils attardés?



Je suis impuissant vis à-vis de tous ceux qui sont satisfaits d'eux-mêmes, leur carapace de vanité est indestructible. Maintenant l'on peut être serein et même très serein sans être satisfait de soi, je ne vois pas comment on peut évoluer si on se débrouille toujours pour que rien ne manque. Refouler le désir d'être Dieu, c'est à cela qu'ils sont arrivés les modernes, mais je suis désolé pour eux, ils vont le payer très cher, je ne sais pas encore comment ni quand, mais refouler le désir d'être Dieu, le faire taire par tous les moyens possible, un jour la civilisation de cet acabit le paie très cher.




24 Février 2004




Enfin un nouvel écrivain qui fait vraiment le poids, en tout cas dans ce livre-ci, qui n'est peut-être pas le plus connu. Maya, de Gaarder, part sur les chapeaux de roues, et je le lis doucement. Très belle intelligence. Il est rare que je n'ai pas envie de fermer un roman dès le troisième chapitre, ce qui allait m'obliger à relire les Norman Spinrad qui m'avaient enchanté pendant ma jeunesse, mais maintenant je vais chercher d'autres titres du même Josteen Gaarder, bien qu'il me semble ne pas avoir accroché sur un de ses best-sellers, le monde de Sophie. Mon roman apocalyptique est en rade, alors qu'il ne reste que la dernière partie à écrire, c'est comme si je devais savourer de m'y remettre, attendant sans doute un petit coup de pouce qui me dise que c'est nécessaire. J'arrive enfin à sortir de mon cocon, j'ai rebranché le téléphone, j'ai de bonnes nouvelles de mon pied-à-terre sur l'île en face, la cuisine serait enfin finie, et je compte y retourner après être sorti du territoire pour le visa. Maintenant, sortie obligatoire au bout de trente jours. Je vais naturellement étudier les visas longue durée car cette fois je n'ai pas envie de déguerpir d'ici pour trouver mieux ailleurs. La maison est louée et payée pour un an, et si j'envisage de finir ma vie en Inde, tant que je ferai du snorkelling, avec ou sans chasse sous-marine, Bali restera le meilleur compromis, vu la culture exceptionnelle de cette île.



Le seul moyen d'accepter tout ce qui remonte et qui n'est pas moi, c'est d'admettre que l'Infini m'a capturé et que je dois jouer le jeu. J'essuie les plâtres. Tant pis si personne ne peut me comprendre sauf un Satprem, je ne suis pas là pour demeurer humain, et encore moins pour être reconnu, mais pour commencer autre chose, et le passage est long, difficile, insupportable et merveilleux, parce qu'au bout du chemin, l'obéissance au Divin est en quelque sorte automatique, comme chez l'ange, sauf que c'est le Divin de la Conscience suprême, au-dessus du Surmental. Pour le moment malgré les 25 ans de travail, ou justement à cause des 25 ans de travail, je tombe presque exclusivement sur les obstacles évolutifs. Mais j'établis quand même des percées foudroyantes dans la conscience divine, et ce, à travers un registre impressionnant. Il y a donc quelque chose qui se cherche, mais il me semble que ma voie maintenant concerne réellement la transformation physique, et que tout le reste y est subordonné. Même les lumières qui m'ont permis de mettre au point le système des quatre mystères proviennent de la connaissance des résistances au projet évolutif, et une connaissance diablement concrète, physique. Pourquoi la conscience matérielle ne se laisse-t-elle pas transformer? Bouddha savait cela et c'est pour cela qu'il a voulu partir, ne jamais revenir. Bien sûr le soi c'est pratique, parce que d'un seul coup le sentiment de la conscience matérielle passe au second plan, elle s'évapore, et on croit que c'est arrivé. Tout ce qui gêne devient le samsâra et on crache dessus, désolé mais c'est encore le singe qui se vante. Mais rien n'est arrivé par rapport au corps. Il demeure exactement le même, avec seulement la glande pinéale plus active, mais le sperme continue de se former, et le nombre de maîtres qui baisent en douce est incommensurable, bien que certains annoncent la couleur et ne s'en cachent pas, car l'illumination peut à la rigueur donner du recul sur le désir mais elle est loin de le supprimer, parfois au contraire, d'où la rumeur de la chute de certains maîtres, dont fait grand cas un ésotérisme mental à prétention anthropologique, et la légende des fous sages, ou réciproquement, qui, bien que réalisés, s'empressent de combler leurs désirs si l'occasion se présente, j'oserais dire comme n'importe qui. Pour les spécialistes, vous souvenir du grand sage tibétain, trop précoce, qui a pété les plombs, a sombré dans l'alcool et tripotait ses disciples, après avoir écrit les plus beaux textes d'incitation au Spirituel (c'est un événement récent). Qui peut comprendre que le Soi ne doit être qu'une courte étape? Presque tous ceux qui y parviennent s'y enlisent, sauf les femmes évidemment, qui vont jouer un rôle déterminant, parce qu'elles n'apprécient pas d'être déconnectées, même si elles peuvent rêver en bleu toute la sainte journée. Bref, la grande aventure Supramentale c'est de se rendre compte d'un seul coup que le sujet contient en lui-même toutes les époques de l'évolution.



Pour rester dans l'esprit de Gaarden dans Maya, employons l'image suivante, dont je dirai dans vingt ans si elle est conforme ou non à la réalité.



La possibilité de dégager des nœuds dans le passé ferait advenir de l'avenir.



Ou mieux encore, on entraîne le futur dans le présent, parce que tout se tient. Enfoncer le présent dans le passé amènerait le futur dans le présent, mais cela ne renverserait pas le principe d'irréversibilité de la flèche du temps, le passé touché ne serait pas celui de la mémoire, du calendrier, mais celui des structures proprement dites qui ont fomenté ce passé. Platon plus Sheldrake plus Heisenberg. Donc si le présent supramental aujourd'hui même transforme des structures archaïques de millions d'années (encore en service), par la même occasion des structures potentielles, qui semblaient réservées au futur, peuvent enfin jaillir, comme si elles prenaient la place de ce qui vient d'être libéré. Ce serait comme de la broderie. C'est la figure d'ensemble qui donne un sens à chaque motif, mais on ne peut pas tout broder en même temps. Quand on se rapproche de la fin, on a tout le loisir de prendre par exemple un nouveau fil d'une nouvelle couleur et de faufiler dans l'ensemble, en bricolant à la main, pour créer une harmonie, ou relier de façon visible les motifs entre eux. En quelques minutes, on peut relier des espaces que la machine à tisser a produit en dix ou douze heures de navette.



L'univers ne se crée pas chronologiquement.(Pas seulement).



Platon s'était approché de cela, mais ne l'avait pas réellement exprimé. Le déroulement n'est pas un phénomène exhaustif. À n'importe quel moment du déroulement global, des facteurs extérieurs peuvent interférer, qui semblent tomber de nulle part, qui n'appartiennent pas à la chronologie, qui échappent à la relation de cause à effet. Il y a des choses qui tombent dans la Manifestation, à un moment donné, et qui n'y appartiennent pas. Et plus la Manifestation évolue, plus les choses qui tombent dedans venues d'ailleurs, le non-temps, l'éternité, peuvent être incomparables, inconnues, extraordinaires. Je pressens des extensions incroyables de la conscience humaine, il suffit que je me souvienne d'une bonne cinquantaine d'expériences-clés, toutes différentes, mais de vraies percées néanmoins, d'une heure, de trois heures, parfois d'une journée et plus, pour établir que des horizons infinis s'ouvrent à nous. Mais il faudra avant transformer la conscience matérielle, appelons-là comme ça pour schématiser la conscience structurelle du corps physique. Jouir de la conscience illimitée dans un ciel supérieur mais pas dans l'incarnation, ça c'est le passé. Et il est probable que chacun n'arrivera pas au même résultat. On peut dire: il faut diviniser la matière et commencer à ressentir le Supramental, et commencer la transformation intégrale par un décret qui vient d'en haut. Mais la suite demeure paradoxale, une aventure universelle, unique, un changement de plan, mais incarné par des âmes entièrement différentes... voire d'origine différente !





La maison est légèrement en hauteur, et domine toute la baie et le village. Plein est, je vois le soleil se lever. Je crois que je cherchais un endroit pareil depuis plus de dix ans, toutes ces incursions à Sri Lanka, celle en Polynésie, puis enfin à Mayotte, avec ce gros déménagement qui n'a servi à rien. Finalement, le mieux c'est ici, à différents titres, gentillesse des balinais, bons fonds sous-marins, magnifique culture, vie très bon marché. Je vois la petite plage et le débarcadère pour Nusa Penida depuis le salon et ma chambre, et de la terrasse, sur la droite, je vois les ferrys rouillés pour Lombok. Leur corne me réveille une fois par nuit au moins, mais j'en profite pour relancer le mantra. Aujourd'hui il fait très lourd, ce qui me pousse à rester dans la chambre cet après-midi avec l'air conditionné à 26° degrés, écrire, revoir mon journal, m'acharner encore contre le programme d'échecs. C'est fou ce que j'apprends en jouant des parties courtes contre lui. Incroyable. Des fois je m'évertue à passer dans ses défenses et il me laisse faire, alors je me dis que j'ai une chance. Je le trouve mesquin de grapiller un pion ou deux, en réalité il a une telle avance qu'il n'a rien de mieux à faire. Il pratique le non-agir le salopard de programme, et j'ai de la peine à ne pas lui prêter l'intention de m'humilier. C'est un programme que j'arrivais parfois à battre en reprenant les mauvais coups sur un vieil ordinateur, il y a dix ans. C'est très instructif. Aucune erreur, le meilleur coup chaque fois, quelle que soit l'ouverture. Pas plus de cinq à dix secondes de réflexion, et ça vous en fout plein la vue. On voit que c'est une machine, les émotions ne rentrent pas en ligne de compte. Parfois le roi sort et attaque les pièces si je l'ai empêché de roquer, il s'éloigne du fond sans état d'âme, mais un maître humain hésiterait à abandonner le fond et aller vers le centre en début de partie, il penserait qu'il oublie un risque à longue échéance. Lui, il n' a pas d'émotions, il se moque totalement de gagner et ne perd jamais. Une image de la perfection ? Je ne perds pas mon temps avec lui. Il m'enseigne la stratégie. D'accord j'ai toujours les blancs, mais ce fameux coup d'avance, puisque les blancs jouent en premier ne le handicape même pas. Il est absolument diabolique. Il calcule des combinaisons sur trois ou quatre coups pour récupérer une pièce par un système d'échanges. Je dois dès le début lui piquer ses cavaliers qu'il utilise avec une telle habileté que ça me rend malade. Quand vraiment il est en difficulté, il propose un échange de dames, puis un échange de pièces, et il sait qu'il aura toujours un pion d'avance au moins pour me mater. Un homme ordinaire finirait par lui prêter de la conscience ou des intentions, à force de jouer avec lui. Moi je commence à lui parler, pour rire bien entendu, mais je sais qu'il n'y a aucune intelligence là-dedans, seulement des équations, des systèmes d'alternative. N'empêche que si Pascal ou Leibniz avait vu ça, il en serait resté comme deux ronds de flanc. Le génie n'a pas entraîné l'amélioration de l'espèce.



Bush veut relancer la conquête de l'espace au lieu de financer des projets écologiques, et de payer des taxes sur l'environnement. C'est ce que j'ai toujours dit, l'espèce humaine est une espèce ratée. Arriver à foutre de l'intelligence pure en boîte et en être toujours là, franchement c'est désespérant. Bousiller la planète pour mieux aller voir ailleurs en se ruinant, pauvre Sisiphe, avant tu faisais pitié, mais maintenant tu es un type dangereux, et tu vas te prendre le courroux des dieux en pleine poire.



Je ne renonce pas à gagner une partie, et je l'enregistrerai dans le disque dur.



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Voilà, c'est fait, tant pis pour ceux qui croiront que je raconte des histoires. J'ai eu une impression de déjà vu en me remettant aux échecs avant de dormir, et je me suis dit, j'ai bien fait de parler de mes tournois d'échecs dans mon journal, et ce déjà vu, ça veut peut-être dire que je vais gagner. Affirmatif. En reprenant un mauvais coup vers la fin, (je concède que je suis remonté en arrière deux fois après avoir identifié le coup défaillant) j ai fini par gagner, je n'en reviens pas. Ah  ! La magie du verbe. Je suis certain que d'avoir objectivé mes difficultés a changé quelque chose. C'est idiot et enfantin mais j'ai vaincu cette machine et cela m'apporte une petite satisfaction. Comme elle n'a pas d'émotions, elle ne m'a pas laissé gagner pour me faire plaisir. Il a dû se passer quelque chose, reste à savoir si, pour gagner à nouveau, je dois répéter et réécrire je ne renonce pas à gagner une partie.. .Quand on voit à quel point les mantras sont efficaces et les rôles que jouent les paroles dans les cérémonies religieuses et spirituelles, il n'est pas interdit de penser que je vais m'améliorer aux échecs avec un entrainement mental voire incantatoire, qui viendrait s'ajouter aux parties. C'est quand même curieux que je gagne juste après avoir écrit là-dessus. Cela fait une semaine que je m'acharnais sans le moindre résultat, sans doute plus de deux heures par jour. Et comme ce n'est pas le programme qui a faibli, c'est forcément moi qui ai mieux joué, pourquoi ce soir précisément ? C'est tout le temps comme cela avec le Supramental, les certitudes s'effilochent dans des perspectives nouvelles, et si l'on conserve l'innocence, on fait des découvertes remarquables, et surtout, on se rend compte que les vraies causes des choses ne sont jamais celles qu'on croit. Celles qu'on croit ne sont pas fausses, mais elles déguisent d'autres facteurs plus importants, secrets, cachés. Moi j'avance comme cela, de mystère en mystère, et non de certitude en certitude, c'est une voie royale, mais l'espèce n'y parvient pas. Voilà, je vois qu'il est important de FORMULER, cela ne veut pas dire d'établir des recettes, mais de trouver la forme exacte des choses, des problèmes, des questions, des relations. Formuler clairement résout déjà une partie de tout conflit, de toute opposition, et formuler clairement un défi ou un enjeu permet de mieux s'y mesurer. Revoir la vie des grands artistes à la lumière de ce concept, formuler. Créer, formuler sans emprisonner ?


25 Février 2004


Développement divinatoire de la méditation quantique pour les amateurs !



Je crois que je me suis autorisé à gagner la machine aux échecs en écrivant je ne renonce pas à gagner. Je ne vois pas d'autre explication. Cette expérience banale ne l'est pas du tout, et m'a encouragé à exprimer ma connaissance d'une manière précise. J'ai réfléchi cette nuit sur un tarot des quatre mystères pour le séminaire de l'Ascension. Non seulement je vais mieux déterminer les 4 espaces fondamentaux, mais je vais sans doute organiser chacun en quatre parties. En quatre parties, ce serait très puissant car seize est un chiffre dangereux, mais au moins il contient tout, ça me fait frémir rien que d'y penser. Finalement, avec 5 déclinaisons, l'as, la dame, le 8, le 5, et le 4, on peut faire un diagnostic précis de l'état de chacun des Mystères, et opérer des rectifications. Quel que soit l'as qui sort, s'il en sort un, ce sera un point d'appui. Si l'on tire un as qui correspond à un mystère donné (au cas où l'on conserve un jeu traditionnel) toute autre carte de la même symbolique sera chez elle. Même en tirant la pire, le 8, si le 8 tombe avec un as de sa symbolique, il sera soutenu par l'as. Le meilleur tirage serait les 4 as, équilibre des quatre mystères, et le pire, les quatre huit, contentieux dans chacun des mystères.

L'as représenterait le champ quantique proprement dit,

le 8 le danger dans ce champ,

le 5 la dérive, soit son extension trop subjective, soit son empiètement sur d'autres mystères,

le 4 l'enfermement dans ce champ, soit le manque de communication entre ce mystère et les autres. L'as représente le mystère ou le champ comme point d'appui, le 8 demande une transformation urgente, le 5 un retour à l'objectivité. Le 4, c'est la sclérose de ce mystère, toutes les autres cartes doivent permettre de le modifier, même les 8  ! Comme tout se tient, on peut tirer un 8 quelque part à cause d'un cinq ou d'un quatre dans une autre zone, et enfin

la dame représenterait l'image de l'enracinement pour le mystère 3, la conscience du territoire / l'image de soi pour le 1, l'identité / l'image de Dieu pour le 2, le moi subliminal / et l'image de l'emploi du temps pour le 4, la durée, le moment, le soi.



Sortie avec l'as, la dame confirme un travail d'évolution personnelle naturel et expansif. Sortie sans l'as, la dame exprime la nécessité de revoir l'image pour bénéficier du principe, de l'as.



Je ne suis pas loin de trouver quelque chose d'aussi puissant que la géoméancie ou le yi-King, tout ça parce que j'ai gagné un ordinateur aux échecs !



Désolé pour les pinailleurs, la conscience matérielle est un concept de mon cru. (Elle prédomine dans le champ 3 de la méditation quantique). Il faudrait que je relise tout Sri Aurobindo pour établir les correspondances, et je n'ai pas que ça à faire. Ce qu'il y a de sûr, c'est que le noyau de la conscience matérielle est cette saloperie de mental physique, au service de la Mort, dont je peux affirmer qu'on ne peut rien rencontrer de pire en soi-même. Le reste c'est de la rigolade, le sexe sera plus difficile à transformer chez les hommes, mais ce sera possible, pas facilement, mais possible. Les organes vont s'aligner petit à petit, et se libérer des engrammations ancestrales (moi j'avais les intestins de ma mère, et j'ai encore un peu les poumons de ma grand'mère paternelle). Une partie du vital participe aussi de la conscience matérielle, celle qui a le moins d'énergie, le moins d'élan, ce n'est pas encore du désir, mais cela en prend le chemin, et concerne des opérations dans le physique lui-même que le vital tournera vers la reproduction.



Quand le corps se sent vieillir, ou sent qu'il va mourir, il remonte des états de conscience d'une saleté invraisemblable, et dont la gamme est variée. On se sort d'une mélancolie dégueulasse, et on peut tomber un peu plus tard dans un truc serein, mais qui n'a plus la moindre envie, ni de se lever, ni de bouffer, ni même de vivre ; et là quand ça passe, on est tout heureux quelque temps, et puis à nouveau on peut se lever le matin avec un corps presque centenaire et l'envie immédiate d'en finir. On balance le mantra, on se retrouve, mais un peu plus tard un esprit extrêmement défaitiste se pointe, dont on ne sait pas d'où il arrive, avec des sensations bizarres dans le corps, et c'est tout juste s'il n'efface pas tout le reste, comme si on était fait pour vivre là-dedans jusqu'à la fin de ses jours et être amnésique de tout le reste. Cela ne vous encourage pas ?



Je me disais bien aussi que votre prétention à aimer le Divin n'était que de la pure coquetterie.


26 Février 2004


Je sens approcher la fin de la saison des pluies, autant dire que le côté paradisiaque de l'île va s'accroître. L'air va devenir moins humide, et déjà hier l'eau était redevenue claire. Très bon snorkelling sur un massif de corail brun, des cornes de cerf, avec un banc important de poissons noir rayés de blanc, mais avec beaucoup de jaune citron entremêlé vers l'épine dorsale, de deux à trois kilos. J'ai nagé un bon moment très relax, et puis j'ai pris le fusil. Le petit mérou que j'ai tiré (ils sont abondants) a été cuit à la vapeur au resto, accompagné d'un léger curry de légumes, après quoi j'ai joué aux échecs sur place avec les employés, et j'ai gagné, mais le petit serveur n'était pas affecté par sa défaite alors qu'il croyait bien jouer, je suis sûr qu'un blanc bien de chez nous aurait fait la gueule dans les mêmes circonstances, mais je me demande ici s'ils ne bénéficient pas d'une culture où l'on prendrait systématiquement les événements du bon côté. L'échec et la réussite n'ont pas la même signification qu'ailleurs, et ce dans tous les domaines. La réussite est donnée par surcroît, et elle est mystérieuse, et l'échec s'efface la minute suivante devant la beauté du jour. En tout cas c'est ce que je ressens. Je suis loin de l'hypocrisie tamoule du Tamil Nadu, loin de l'arrogance des cingalais de la côte ouest qui se mettent à adorer le fric, j'ai dû trouver ici ce qui me correspond. Il n'y a vraiment pas grand chose qui trouble les balinais, c'est remarquable d'être heureux comme ils le sont en se contentant de peu. Je suis certain qu'ils ont des trucs occultes efficaces. Pas de moustiques pratiquement alors que nous sommes sur l'équateur ou presque, et je n'ai pas rencontré de campagnes de D.T.T, alors j'aimerais bien savoir comment ils ont fait. Même à Ubud, perdu au milieu des rizières les moustiques sont peu abondants. D'ailleurs j'y vais aujourd'hui car je n'arrive pas à avoir Internet à la maison, et je dois reprogrammer le PC portable, et déplacer un technicien pour jouir du web sur l'Apple, maintenant que le site va entrer en ligne, ce serait parfait.



De toute façon, le flux nous entraîne vers la mort. Autant se laisser emmener de la meilleure manière possible. En aimant tout, même ce qui nous détruit.


28 Février 2004


Passé deux jours presque à Ubud, et j'ai mon billet pour Singapour, avec une lettre qui permettrait d'obtenir un visa à l'ambassade, de quoi rester tranquille six mois mais je dois rentrer pour le séminaire de l'ascension. J'ai passé aussi une après-midi avec un technicien sur mon ordi portable. Il a finalement fallu repartir à zéro à cause d'un virus, et j'ai sacrifié le programme d'astrologie, mais au moins je peux avoir internet à la maison, ce qui change tout. On verra si j'ai bien choisi le moment de la mise en service du site supramind.com en comparant des thèmes, mais sans m'acharner sur ce travail. Le 1°mars à 17.20, heure de Paris, ce qui donne si Éric y parvient, l'ascendant sur Régulus à 29° du Lion, avec Jupiter en maison 1, et les carrés de mars entre soleil et saturne sont passés. C'est pour cela que j'ai attendu si longtemps. Retrouvé Padang Bai avec plaisir, pour la première fois depuis longtemps, l'impression d'être chez moi. Chasse sous-marine sous la pluie, pris un poisson genre corb de deux kilos, à la chair réputée, dont la moitié a été grillée au barbecue au resto, j'ai ramené les restes aux petits chats qui se sont régalés, j'ai mis un beau rouget au congélateur et j'ai donné un gros perroquet brun au pêcheur qui m'emmène, que je paie peu, et qui m'avait demandé de lui prendre quelque chose. Du coup tous les gars de la plage me réclament du poisson, avec une désinvolture désarmante, mais je ne compte pas tirer beaucoup plus pour autant. Toujours pas de carangue, mais au moins je m'entraîne un peu. Je crois que c'est la première fois qu'il fait aussi frais, la saison des pluies est presque terminée, et c'est un sursaut de mauvais temps.



Je prends l'habitude d'écouter mon corps n'importe quand, et si je relâche tout, il se passe des choses intéressantes. Ce matin j'étais bien, puis surpris de me retrouver fatigué un peu après le réveil. Je me suis allongé et j'ai lâché prise, et la force est descendu quelques minutes partout, c'était agréable et suffisant. Je fais la même chose dans l'eau, surtout avant chaque apnée, relâchement total au moins une ou deux minutes, le fusil tient tout juste dans la main qui ne le serre plus et tous les muscles sont mous, et j'écoute les poumons. Excellent. Maintenant je nage chaque fois un peu, sans combinaison, avant de prendre le fusil, pour faire respirer le corps et le rafraîchir. Bref, c'est la vie rêvée. Le roman Maya est toujours intéressant, belles allusions à l'hindouïsme, mais le genre S.F n'est plus si facile. C'est tout juste si j'arrive à finir Globalia, de JC Rufin, c'est difficile après Orwell et Huxley, K Dick, Brunner et Spinrad d'inventer quelque chose. Il y a de l'invention, mais il manque le zeste épique qui ferait croire au contenu. Surtout ne pas faire comme lui. Ce n'est pas une fable voltairienne, ce n'est pas 1984, et ce n'est même pas du bon Brussolo. Au cinéma peut-être, par Carpenter, ça tiendrait la route.



Long mail d'É, qui m'est très dévoué, et qui en fait presque trop. Je ne tiens pas à mélanger Lao-Tseu, dont je ne peux pas finalement prouver que c'est moi ou qu'il est descendu en moi en novembre 90, et le Supramental. Mais vu l'effet du premier livre, É pense créer un nouveau site, en fait l'idée était de republier ce bouquin, mais il est fastidieux de tirer des sonnettes. Ce qui se dessine plutôt c'est donner de la vraie qualité dans mes séminaires et les développer, sans renoncer à ma vie ici, exploiter la veine Lao-Tseu ne me paraît pas indispensable. Si Dieu le veut. Lu sur le web, sur lci, qu'un rapport alarmant sur la météorologie avait circulé pour les prochaines années. Pas moyen de savoir si on s'est amusé à noircir le tableau pour susciter des préparations à ce genre de choses, ou si c'est comme ça, en tout cas ça va mal.


29 Février 2004




Le tout est de trouver le passage où le corps trouvera plus naturel de se transformer que de rester dans l'état générique, et c'est tout simple à calculer. Puisque je suis monté dans le corps causal supramental le 17 mars 1978 où j'ai vu mon corps doré et la transformation qui commençait (il y avait deux vaisseaux spatiaux d'origine différente qui assistaient à ça, je n'ai pas compris pourquoi), à 56 ans exactement, mon corps commencera à avoir passé plus de temps dans la transformation que dans l'état naturel. Vu que cette imbécile de matière ne connaît que la loi de l'habitude, elle finira par s'incliner, à ce passage-là. Je sens de plus en plus que je ne peux pas m'emparer intellectuellement de quoi que ce soit, alors je fais la différence entre les états d'inspiration où je vois réellement des choses, et les états de compréhension issus d'une direction donnée à l'esprit. Mais il y a eu un progrès considérable déjà de fait, je me souviens d'avoir pleuré il y a un an à peu près devant un doute insurmontable concernant la transformation physique, et ce qui venait c'est « le corps n'est pas fait pour ça ». Mais maintenant je me rends compte que le corps est fait pour la mort, et ce n 'est pas mieux du tout. À des moments on peut même sentir que le corps est fabriqué par la mort, et que la vie serait une sorte de parenthèse paradoxale là-dedans. D'ailleurs, il y a certaines visions spirituelles du samsâra qui peuvent s'accrocher et montrer que la vie n'est pas une réussite, surtout si l'on brûle de l'amour de la perfection, alors on décrète que seul le soi universel, le Brahman, vaut quelque chose, et on attend patiemment de crever, dans une légèreté telle qu'on est sûr de s'envoler quand le cœur s'arrêtera. Changer ce système qu'est la vie constitue l'entreprise, l'aventure la plus exaltante que ce soit, et franchement je n'en aurais pas eu l'idée moi-même. C'est comme faire un surplomb en varappe, la moindre erreur est fatale. Mais si vous êtes obligé de passer par là pour redescendre (à moins de crever de froid au sommet), et bien on se dit que c'est possible après tout.



Et il est évident que seule une force vraiment colossale peut faire ça. Donc je n'ai pas à me plaindre. Aucune force plus faible ne pourrait parvenir à cela, il faut donc que ce soit parfois insupportable pour que le système fonctionne. Sinon ce serait possible avec de l'air divinement comprimé, comme le darshan d'Amma, et ça, ça ne peut pas faire grand chose pour le corps. Cela fait aimer le Seigneur, facilite les décisions psychiques, mais en ce qui me concerne, les darshan du Surmental me font plutôt l'effet d'une drogue, c'est bon et on en a envie tout le temps, mais ça s'arrête là. Avec le Supramental je ne sais jamais à l'avance ce qui va se passer. C'est l'état de guerre.





Je n'ai jamais vraiment dû quitter l'enfance et comme le dit le héros de mon roman à finir, « je compte là-dessus pour ne pas vieillir prématurément. » Me suis retrouvé au milieu d'un banc de carangues de un à deux kilos, des centaines qui virevoltaient, et mon cœur s'est mis à battre plus fort. L'instinct, my God, l'instinct du chasseur. J'avais pris un gros perroquet pour le gars du bateau, et ensuite j'ai retrouvé des sensations primaires mais agréables, faire un avec la mer, et j'ai finalement tiré trois carangues de trois tailles différentes, et un petit poisson au dernier moment pour les chats, qui m'attendaient. J'ai dû plonger dans un sentiment ancestral, maintenant tout mon corps a chaud, je me suis dépensé sans compter, ça va bien avec le groupe sanguin 0 auquel j'appartiens. J'ai donné un poisson à la patronne du resto, ai mangé le petit sur place, et Kadek, mon homme de main, qui travaille trois heures environ par jour à la maison, m'a découpé le plus gros qui est au congélateur. Il y a quelque chose de mystérieux dans l'exercice physique si on se laisse absorber par lui totalement. Je n'arrive pas à cerner, mais les longues marches, les longues parties de chasse sous-marine, ont un effet flagrant sur moi. Je me sens plus incarné après.



É me dit qu'il n'arrive pas à expliquer mon travail, moi non plus, tout le monde voudrait pouvoir se le représenter, ce qui voudrait dire que c'est joué d'avance. Les humains sont très majoritairement bêtes, même les intelligents. Je commence à l'accepter. Ils veulent tourner en rond en se donnant des airs de viser plus haut, c'est lamentable, petit, étroit, et ça déborde de suffisance et ils ne s'en rendent même pas compte.


1 Mars 2004




Encore une sortie de chasse sous-marine et cette fois j'ai mon compte. Les 54 ans approchent. Mais le corps est content après l'effort, et il récupère vite. Le mois passé depuis mon arrivée s'est bien déroulé. Enfin chez moi. Équilibre à trouver entre le snorkelling, internet, l'écriture, la lecture, les échecs, puisque j'ai des flashs intéressants parfois, toujours sur la même chose évidemment, la grosse artillerie vaine, et le coup élégant, sobre, inaperçu, qui tue. Le coup décisif préparé par cinq ou six coups discrets, qui cachent leur intention. Ou bien ce qui est jubilatoire et intéresse le guerrier. Le mat est prêt de chaque côté. Si le computeur n'était pas parvenu à me mater par une suite d'échecs, il aurait perdu le coup suivant.



La culture balinaise est vraiment charmante. Chaque matin une fille du resto vient poser les petites offrandes, bien préparées, dans le temple extérieur, dans un autre minuscule sur un piquet, elle pose aussi des bricoles parterre, du riz cuit avec des feuilles de bananier, elle fait brûler de l'encens et parfois dépose dans la cuisine — sur le fourneau à butane — un petit carré d'osier avec fleurs, riz, je regarderai les détails la prochaine fois.



Idée de plusieurs livres, mais fini les essais pour le moment. J'ai tout donné dans la mutation solaire de l'humanité (devenu les Principes de la Manifestation, sur le site:"Natarajan essentiel"); et j'ai conclu sur Freud dans guérir par l'éveil, qu'on devrait trouver sur le web à partir de ce soir. Non, un roman qui se rapprocherait des miroirs de l'esprit de Spinrad. Le thème est beau, un éveillé qui sert d'homme de main à un escroc parce qu'il en a assez de vivre la misère. L'escroc le tire d'affaire mais à quel prix, suspense et guerre du bien contre le mal (§ paraîtra sous le titre L'Apocalypse selon Neptune en 2009). Je finirai sans doute avant scénario pour l'Apocalypse (§ à paraître sous le titre La fin du Monde, Interkeltia). Rufin croit bon de se justifier à la fin de Globalia, dans une postface, et cette explication le dédouane un peu de ne pas avoir mieux réussi. Le type a un beau parcours, il fait avancer les choses, il représente l'humaniste accompli qui croit encore au changement de société, par l'action militante et intelligente, par l'action fondatrice, donc il n'y a rien à redire, mais cela me semble pauvre, pauvre comme vision du monde. Pourquoi ce type d'individus ne fait-il pas le grand pas, le grand saut vers le Divin ? Ironie du sort, ce monsieur rebelle rafle plein de prix dès qu'il prend la plume, comment supporte-t-il d'être immédiatement récupéré ? À quand la légion d'honneur à Ben Laden pour le remercier de son joli spectacle ?



Il semble que cette question, ouvrir l'intellect au Spirituel, vienne me tarabuster souvent. Cette limite m'agace. Même des hommes supérieurs rechignent à se donner au grand mystère et à lâcher leur politique historique. La politique cosmique vaut quand même cent fois mieux, le problème c'est que personne n'y croit, que nul ne la voit, ce qui fait que Sisiphe continue de rouler sa pierre. A-t-il vraiment envie de faire autre chose ? Je me le demande.



P.S pour les initiés seulement. Hier en fin d'après-midi plénitude complète. Puis une petite voix légère arrive : avec une femme en plus ce serait vraiment la cerise sur le gâteau.



Guerre des plénitudes.


LA MORT BLESSEE


 



1


Pourquoi demain la moindre chose
Pourquoi hier saturé d'ossements


Un immense Présent s'est abattu sur moi
un aigle sur sa proie
Eteignant les amours apprises par le corps
Et annulant les buts les plus parfaits

Le corps était gonflé d'éternité
Le temps s'ouvrait sur l'Immobile qui le contient
Triomphal je sentis la chair délivrée des griffes de la mort
Et le corps sut qu'un jour il ne mourrait plus

Alors les inouïes souffrances pour éclore là
Devinrent mémoire de la victoire
Et leur souvenir terrifiant
prit le goût du miel sauvage

Les tortures endurées balisaient
L'immense champ de bataille
Les gouffres m'avaient permis de sonder la matière
Jusqu'au chaos imprescriptible

Exténué je suis revenu cent fois
d'abysses de plus en plus profondes
Mon cœur fut broyé mon âme blessée
Ma foi détruite

À défaut de pouvoir m'abattre par trois fois
La Mort se vengea et installa sa conscience dans mon mental
Et je crus ne plus être vivant
Mais le corps lui avait trouvé le passage impossible

Et maintenant jaillissait le regard du vainqueur
Aussi meuble que celui d'un enfant
Il ne restait que l'Autre noyé dans l'ignorance,
Un moi-même endormi ivre de petitesse

Dans mon sommeil
Au plus haut que l'Homme puisse aller
L'espace tout entier et les poussières d'étoiles
Me donnèrent le mandat pour la vie du corps divine

Et l'étendue vide et sans limites fut terrassée
Les étoiles me regardent dormir et m'admirent
Et pourtant je ne suis rien
Seulement un regard qui embrasse Tout



2


Le corps sentait une fièvre exceptionnelle
Lassé depuis deux jours de brûler et d'être réveillé à l'aube
Par une douleur astringente dans les cuisses
Il me prit à témoin de son sacrifice

Je le rassurai en trouvant les mots qui désignaient l'expérience
«travail dans la conscience de la mort à l'intérieur du corps»
Alors un soulagement vint
Mais je sus que tout ne faisait que commencer

Toutes ces sensations accablantes
S'évanouissent soudain parfois
Et je marche par la seule volonté d'un Inconnu qui se cache
Et me promet que je ne souffre pas en vain

Le corps a besoin de pleurer
Et il ne reste que l'émotion pure
Je ne sais même pas si ce sont des larmes de peine ou de joie
Les deux sont mêlées et je ne me révolte plus

Pourtant j'ai vu le Monde nouveau commencer
Et l'Instrument sait qu'il supporte cela par amour
Mais le vieux corps humain croit qu'il va mourir
Et sa peur remonte —la peur de tous les êtres

Dans ma chair universelle


À ce prix là nul ne voudrait de l'immortalité physique
Mais Il veut descendre dans le Putrescible et en faire de l'Or
Comment refuser une telle folie
Si c'est la seule voie qui m'est offerte pour faire un pas ?


3


Là où ils veulent voir de l'Idéal
Je ne scrute qu'une fuite enivrante vers le bleu
Et leur amour pour Dieu s'interrompt
S'Il exige un sacrifice conséquent

Sacrifier ce qui rend la vie agréable
Les caresses et les sentiments les plaisirs de la chair
L'idée d'être quelqu'un assaisonnée de complaisance
Parfumée à cultiver quelques vertus supérieures

Enfin le sacrifice de l'avenir convoité
Avec toutes ces ambitions ratifiant
Un pacte de dupes entre la peur et le désir
Concluant un marché où chacun gruge l'autre

Presque personne ne Me donne sa vie
Mais on réclame mes bénédictions
Je préfère ceux qui M'ignorent
A tous ceux qui font semblant de M'aimer.

Et sont nombreux ceux qui croient Me connaître
Et qui inventent de toutes pièces Mon visage défiguré
Aussi s'égarent-ils la conscience tranquille
Tandis qu'ils chantent en croyant se rapprocher

Seul celui qui plonge en Moi
Me devinant au-delà du chaos des apparences
Et au-delà des règles convenues de l'ordre
Possède la chance de voir ma loi suprême

L'incohérence dans les constructions rigoureuses
Et la rigueur dans le désordre car tout se tient sans fêlure
Et des millions d'itinéraires ne restituent pas l'Étendue
Sillonnée par les déchirures rapides du Temps souverain

Elargir le cœur et l'âme et le cerveau et le Mental
Absorber le Monde en soi mène à Moi-Même
Alors le Mal est béni et sacré et c'est la cicatrice
De la blessure de Mon écartèlement éparpillé

Gagner l'Unité exige de détruire inlassablement
Les murs cloisonnant l'Un dans le Multiple
Remparts solides mais faciles à abattre
Ou fresques en trompe-l-œil passant inaperçues

Le moi et le non-moi se seront enfin reconnus l'un dans l'autre
Combinant leurs principes en une alchimie inconnue
Donnant à chacun le pouvoir d'être l'autre
Dans une noce infinie jouée par le Silence

4


Le corps halète comme un animal
Il veut maintenant respirer à l'unisson des galaxies
L'air devient l'haleine du Seigneur
Et j'inspire la Conscience suprême vaporisée dans l'atmosphère

Je m'enivre pour transformer le Monde
Nageant dans un bain d'Amour immatériel
La Mort consciente heberluée ricane dans mon dos
Me poursuit et tend des pièges au moindre relâchement

Le guerrier
Devient la guerre
La flamme
Devient le Feu

Tu deviens l'Amour à force d'aimer
Tu deviens l'Intelligence à force de comprendre
Tu deviens l'Acte pur à force de choisir
Tu deviens l'océan à force d'être goutte

l'Immaculé apparaît alors et toute parole est perte
Mes discours sèment le foisonnement frivole
Qu'ils prétendent réduire par leurs doctrines
Et je les lance comme des bouteilles à la mer

Mes enseignements guérissent les petites blessures
Et ouvrent à la blessure originelle de ne pas être Dieu
Celle qui les contient toutes
Et les ascèses courtisent l'Absolu pour effacer le Nombre

L'enfant pleure déjà la Mère divine au sein de sa mère
Et l'esprit pleure l'Unité originelle par les larmes des choix
L'orgasme crie la déchirure du corps unique
Et la vie perpétue le Soi fragmenté dans les chairs innombrables

Retrouve toutes les pièces du puzzle
Et puis emboîte-les à la vitesse du Mouvement
Efface les jointures de tous les morceaux
Recommence mille fois chaque vie

Jusqu'à l'indicible fragilité du Moi suprême
Émergeant dans la chair

Touche l'Impossible en épuisant toutes tes limites
Et deviens Moi-Même puisque tu l'es déjà


MANIFESTATION

Le doux grésillement des vagues les plus hautes
sur les rivages lointains des îles les plus perdues
Et les couleurs qui ferment l'aveuglante lumière
Et le martèlement du ressac incessant
le battement de cœur de l'étendue liquide
Miroir inattendu du ciel insaisissable
d'où le désir s'élance pour conquérir le temps

Et le silence qui vient pour apaiser les feux
Les flammes cellulaires qui montent et qui s'assemblent
Jusqu'à former des yeux dévorés par la faim
Dans des corps séparés par d'innombrables formes
A travers le corail puis les premiers poissons
Et les reptiles plus froids que la pierre qu'ils transcendent
L' inéluctable insecte aux pouvoirs saisissants
Comme un unique esprit répandu dans le nombre
Voué sans trêve à la rapidité

Vivre et grimper encore vers les satisfactions
Du sensible animal méprisant le futur
Par l'innocence bleu du jour recommencé
sans mémoire ni projet ni crainte de la mort
Puis marcher sur la terre où l'Inconnu s'étend
Où les dangers se cachent où le multiple règne
Où souverains les Éléments dominent
Et se déchirent et se combinent
Là où la guerre amuse les espèces rivales
Et maintient l'ordre rouge du territoire vital

Enfin gagner les satisfactions rondes
Des plaisirs lancinants et des satiétés molles
Remplir l'existence et blesser le néant
Gagner l'intelligence sans même savoir comment
Inventer quelques mots qui cachent les sensations
Et en veulent de meilleures obtenues par calcul
Décrocher des visions à force d'expériences
Innover et chercher les pistes devinées
Rêver pour fêter la défaite du vide
Dans le sommeil doré des avenirs certains.


5 Mars 2004




Soulagement de pouvoir passer deux mois tranquilles sans sortir. Visa obtenu facilement. Singapour extraordinaire. J'ai dormi à Little India, trois ou quatre pâtés de maison comme dans le Tamil Nadu, la poussière et la misère en moins, le rêve. La même nonchalante décadence de ce peuple que j'aime et qui traîne un drôle de karma. Femmes obèses, le corps lourd, le regard opaque. Hommes bavards, loin de la matière. Une épicerie, un marchand de bondieuseries, un joailler qui ne vend que de l'or, un marchand de tissus, et ça recommence dans le même ordre, avec un bon resto au milieu, dosas et idlis pour moi. À la première bouchée, je me suis revu si intensément à Nerhu street à Pondichéry que j'ai failli éclater en sanglots, devant une quarantaine de personnes cela aurait fait désordre, alors je ne me suis pas appesanti et je suis revenu aussi sec à ce qui passait dehors. Acheté un CD de mantras chantés pour Saraswati, du riz basmati, de l'huile de vetiver de grande qualité, de l'huile de noix de coco, pour mélanger les deux et faire un bon mélange de massage. Avant de repartir, dans le centre commercial, achat de mémoire flash qui sert à transférer des données d'un ordi à l'autre d'une part, et qui est encastré dans mon appareil photo digital d'autre part, et qui contient les informations qui correspondent aux clichés. À cause du bon prix, j'ai acheté un boitier étanche. Je remplacerai parfois le fusil par l'appareil photo. Je pense déjà à retoucher sur photoshop mes clichés, et sortir un peu des mandalas tout en continuant, si l'on vent, à peindre.



É a mis le site en ligne à l'heure prévue, Inch Allah. Avant-hier soir j'ai dû faire descendre du Supramental dans la conscience pour ne pas être englouti dans l'énergie de Singapour, trop yang pour moi. J'étais dans un drôle d'état, la nuit s'avançait, et il y avait trop de choses dedans, trop de vie, trop de plaisir, trop de désir, mais je ne savais pas que le Supramental allait descendre pour amortir tout ça, carrément dans le cerveau. Je me suis endormi rapidement. Je dois admettre également que l'avion commence à me fatiguer physiquement. Je voulais récupérer aujourd'hui, mais la force travaille d'une étrange manière. J'ai bien mangé au resto après avoir nagé un peu, en essayant de nouvelles palmes trouées pour faire moins d'effort, accessoire bien négocié à Singapour avec des chaussons néoprène très fins, pour les longues palmes neuves d'apnée qui me serrent un peu. Mais cet après-midi, seul le rangement et la lecture sont possibles, bien que je me sois fendu de répondre à É, brièvement, et que je sois parvenu à transférer avec une facilité déconcertante mon roman d'un ordi à l'autre avec la mémoire flash. Mais tout cela m'a demandé des efforts. On dirait que le corps aspire à recevoir l'énergie de feu Mahakali, qui descend très rarement. C'est un drôle d'état. Il faut lâcher, et je le peux. Deux mois entre Nusa Penida et Padang Bai c'est le rêve, même si la force me contraint parfois. J'essaie d'utiliser les plaintes du corps pour amener la force. Si cette stratégie fonctionne, le yoga marchera bien, mais je ne sais si je m'adapterai facilement aux contraintes en France au retour. En dehors d'un ou deux séminaires qui me feront plaisir, le reste risque d'être duraillon. Mais on n'en est pas là, et de toute façon je peux rester très peu en Europe si je le décide. Ma vie pourrait prendre une belle tournure ici, les achats sophistiqués pourraient avoir lieu à Singapour (informatique, instruments de musique, matériel sous-marin), d'où il est également possible de partir en avion pour Madras et Colombo, aller-retour, pour des sommes faibles. Et je sens que je commence à avoir besoin, petit à petit, de l'Inde.



Sentiment nouveau dans l'avion à l'aller. Que la vie n'avait strictement aucune importance. Je pensais et si l'avion s'écrase, événement infinitésimal, sans vraie conséquence dans l'univers, pleurs et grincements de dents peut-être, et alors ? Insignifiance de toute cette vie humaine dévouée aux petits plaisirs, aux petits commerces, aux petites idées, aux sentiments bourrés de complaisance. Et étrangement, ce n'était absolument pas dérisoire. Il n'y avait pas moyen d'interpréter intellectuellement cet état. Les idées et pensées ne correspondaient pas à définir ce que je ressentais. Insignifiance absolue mais rien de dérisoire. Insignifiance pure, mais rien de trivial, rien de ridicule, rien qui mérite quolibet ou mépris. Inexplicable sensation sans traduction mentale ! Du jamais vu... Peut-être le Divin à l'état brut, vers l'amorce du potentiel. Le mental était dérouté, une telle insignifiance aurait dû s'accompagner du sentiment du dérisoire, et non, au contraire, tout était là, de toute éternité, imprescriptible, incompressible, et à la fois sans impact réel sur la politique de l'univers. Du banal en coupe. De la matière première dans toute sa splendeur obscure.


7 Mars 2004




Hier, journée éprouvante. Je vais chasser à jeun, d'habitude ça me réussit, mais là je vomis, très agréablement je l'avoue, mais je vomis quand même dans l'eau assez longtemps, et au lieu de me reposer sur le bateau, je reste à nager. Inutile, car je n'ai pu récupérer qu'au bout d'une heure, et j'aurais mieux fait de rejoindre Ketut sur la pirogue, et attendre au moins un bon quart d'heure. L'après-midi je me sens vraiment vidé, incapable de rien faire, et je pense que c'est Singapour qui m'a sucé l'énergie, d'une manière occulte. C'est la Chine caricaturée, rien d'autre. L'énergie du travail, de l'argent, d'ailleurs quand la nuit tombe l'atmosphère se transforme. Le stress laisse place à autre chose de séduisant, même trop. Aujourd'hui j'ai remonté la pente, je suis content. Je n'aime pas perdre la joie de vivre, mais ne parviens pas à la garder inconditionnellement.



Vu mon site apparaître sur le web. Le mandala de présentation est très bien, mais deux sur les huit de la galerie sont trop foncés. Les cartes du tarot de mandalas sortent aussi très bien. Impossible de savoir qu'attendre de ce gadget. Repris lecture et correction de scénario pour l'Apocalypse.



Finalement Gaarder finit par compliquer les choses, et je trouve tout un passage inutile, sentiment que le reste du livre n'est pas à la hauteur du début, sauf peut-être le Manifeste. Tout le livre amène le Manifeste, très original. Dans scénario pour l'Apocalypse, la structure est similaire. Même si je réussis la fin, il y aura l'essentiel tout au bout, en épilogue. Finalement, il y a plus de travail que ce que je pensais.



Commence à vivre intégré au village. Ai perdu aux échecs, au restaurant, contre un grand échalas qui vend des gravures. Je l'appelle le champion, lui ai donné du poisson hier et avant-hier, et lui ai offert un coca aujourd'hui. En faisant attention, je le gagne aussi. J'ai demandé des explications. Il a commencé à neuf ans. Cela change de l'ordinateur. C'est un type intelligent, qui gagne très peu d'argent. Je ne le perds pas de vue.



Acheté des bananes, des œufs. Ai réussi au blender une purée de bananes au gingembre merveilleuse, et j'ai préparé mes pâtes pour la première fois avec de la crème de noix de coco délayée, du poivre et de la sauce de soja. Un bon repas me requinque, parfois, c'est étrange. Cela dérange une partie de moi-même de devoir me sentir bien à cause de sensations aussi basiques. Mais j'ai vraiment senti que ce déjeuner tardif, que j'avais entièrement préparé avec amour, a fini de me remettre d'aplomb. La matière demande à se réconcilier avec moi, alors pourquoi pas de cette façon. L'ange blessé trouverait-il cela trivial d'être remis d'aplomb par un bon repas ? Je crois plutôt que tout moi-même commence réellement à vivre autre chose, et que je peux de moins en moins prévoir les conséquences de ce qui m'arrive. Cela demeure difficile de s'habituer aux sautes d'humeur incontrôlables.



Pour les fines bouches. Hier, journée peu reluisante. Je me couche tôt, et là des sensations arrivent. Je me revois dans un de mes coins préférés. Le lion de terre, à saint-Raphaël, mon lieu maritime de prédilection depuis mon adolescence, le rivage, les rochers rouges, un petit récif où j'adorais me rendre en nageant vite, sur la gauche de cette petite île, le lion de terre, où j'ai commencé la chasse sous-amarine sérieuse à quinze ans. Le bien-être arrive, le premier de la journée. Sans nostalgie, en plus. Complètement dégraissée de nostalgie. Aujourd'hui j'y repense, et je me dis que mon cerveau essaie de se défoncer (quand je n'ai plus assez de plaisir) et y parvient comme il peut. Je ne fume pas, je ne bois pas un gramme d'alcool, je ne caresse personne, il ne lui reste rien, au cerveau, pour se gratifier, d'autant qu'hier je n'étais pas en mesure d'apprécier réellement la nourriture. Donc il va chercher une sorte de mémoire structurée très gratifiante, repasse le film, et me voilà aux anges. En tout cas c'est une hypothèse. Je me suis endormi serein, après une journée assez lourde de bout en bout, puisque même la chasse sous-marine a été forcée. Et le travail a continué dans l'inconscient. Rêve où mon père et ma mère exultent, où nous nous aimons tous les trois, incroyable, mieux que cela a jamais été dans la réalité, le tout dans quelque chose de très compliqué que j'ai oublié. Je ne sais pas ce qui se passe, mais le cerveau en voit de toutes les couleurs.




9 Mars 2004




Hier, je crois que j'ai trouvé le début d'une technique de ki-cong sous-marin : je suis sorti en pleine forme de l'eau, tout mon corps avait chaud, j'ai gagné le champion aux échecs deux fois de suite, je n'en revenais pas, et pourtant, tout aurait dû se passer plus mal. Il y avait tellement de houle. D'abord je me suis baigné sans combinaison, mais avec les palmes le masque et le tuba, en prenant bien conscience de mon corps, des gestes lents et souples, et en respirant. Sans doute six ou sept minutes. Remonté sur le bateau, j'ai un peu plus tard commencé la chasse dans un endroit sans courant, sans poisson, mais avec de jolis coraux, et j'ai commencé de petites apnées. Nouveau repos au bout de vingt minutes. Puis Grosse chasse dans les vagues monstrueuses, sans résultat, un quart d'heure. Enfin, au retour, après quelques minutes passées sur la pirogue, peut-être une demi-heure assez agréable dans le chenal ; où je demeure conscient de mon corps, je le laisse nager sans diriger. Je me souviens qu'un prof de gym sympathique nous bourrait le crâne avec l'entrainement fractionné, quand j'avais quinze ans. J'ai trouvé quelque chose grâce au mauvais temps, au besoin de rectifier l'expérience précédente. L'alternance repos-action, il faut travailler ça. Le bien être a duré jusqu''au soir. Peut-être que l'heure intervient aussi. J'avais pris un bon petit déjeuner deux heures avant. Je ne supporte plus la moindre dose de sucre, c'est clair. Café pur et en petite quantité, ou avec un zeste de miel. C'était autour de midi et demi.



Commencé un livre de Beigbeder. Ce type est tout simplement dans l'air du temps. Cela le dispense d'avoir du génie et de cultiver son talent. Il ressent pas mal de choses, et quand son personnage souffre un peu, on se demande s'il ne s'agit pas de lui. Belle apologie de l'art américain. Suis d'accord. Moi aussi, depuis Vian, les premier le Clezio et Camus, je n'ai trouvé aucun français à la hauteur de K. Dick, de Brunner, de Spinrad. Quand les français perdront-ils l'habitude de prendre les autres peuples pour des cons ? Et quand les écrivains français joueront-ils à autre chose que d'essayer de ne pas sembler snob ? Même Sollers est revenu du snobisme, et il y a un snobisme du cynisme, un snobisme du style (le nombre de nénettes qui publient et qui sont des clones de Duras, ça donne le vertige, mais au moins elles font du fric), un snobisme du je ne suis pas comme les autres qu'en pensez-vous je vous écoute en me regardant le nombril, un snobisme du je ne me prends pas au sérieux mais je suis quand même un écrivain non d'un petit bonhomme, et enfin le nouveau snobisme small is beautiful, resucée de l'époque hyppie, où l'on se fait fort d'apprécier les petites choses de la vie, vu que les grandes ont disparu. Derrière Delerm, de jeunes minets ressuscitent, (je croyais l'espèce disparue avec moi-même), jouent de la mèche et écrivent impeccablement des niasieries pseudo-cornéliennes sur la taille de leur bite, et le nombre de gonzesses qu'ils peuvent aimer à la fois sans se mentir. Vu que ces types ont du succès, il est vrai que ce serait contradictoire qu'on se précipite pour publier mes œuvres. La profondeur à la portée de tous est un concept que je vais finir par abandonner (mais c'est un titre formidable, non  ! ).



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Long mail d'É. Z aurait fait allusion à ma personne d'une manière que je n'ai pas vraiment bien saisie, mais É a été bouleversé. Bien que ce ne soit pas incompatible, je préfèrerais qu'elle me sous-estime, plutôt qu'elle ne se surestime, mais son discours ne va pas dans le sens d'une grande reconnaissance de mon statut. Si elle s'imagine être loin dans la transformation, c'est son problème. Moi je ne le crois pas. Ses livres sont plein d'amalgames, son expérience sur le tombeau de Mère, et puis son attachement proclammé pour Israël, ses accointances avec Melchissedecq, je ne vois pas ce que cela vient faire avec le Supramental. Mais comme je le dis à É, elle a le vent en poupe, et elle est certainement utilisée pour le travail de la Terre. Mais il semblerait qu'elle aussi soit quelque peu intégriste, en tout cas son mental est faible, elle n'est pas très souple, et se vante de tout comprendre à travers les sensations, l'effet sur le corps des paroles, etc. Ni plus ni moins, finalement, si je veux être vache, (encore faudrait-il que je sache comment elle a vraiment exploité notre rencontre), qu'un nouveau système. Elle aurait conclu que je n'étais pas descendu jusqu'à je ne sais quel Sephiroth, alors que je les ai dépassés il y a bien longtemps les Sephiroth, my God. Au début de son allusion, elle a parlé de moi sans me nommer, par rapport à mon manque d'amour reçu je crois, mais É m'a reconnu dans le personnage, puis elle est revenu vers É, contrarié, et c'est là qu'ont dû se dire des choses. Enfin, grosso-modo, c'est elle la meilleure, point barre. Avec le dénommé Y elle ferait un beau couple. Le couple des deux meilleurs terriens les plus mieux déjà divins qui ont tout compris. Cela ne me dérangerait pas si je le sentais. Moi j'attends que ce soit le Divin et Lui seul qui me pousse en avant. De toute façon, j'ai été si profondement impressionné par Sri Aurobindo, qu'il faudrait vraiment que je sente un homme ou une femme à sa hauteur pour que je m'incline, et cette rencontre n'a pas encore eu lieu.





Relu le mail d'E sur Z. Affligeant. J'ai répondu immédiatement, et conservé le dossier, pour l'avenir, si un jour cette personne me discrédite ou cherche à m'utiliser comme faire-valoir, ce qui semble être ma vocation quand je rencontre des personnes bien décidées, qui exploitent mon yin. Cela m'est déjà arrivé trois fois. J'étais le préféré du chef charismatique de la classe à treize et quarorze ans, un type formidable et en plus très beau, j'étais comme son intelligence grise, puis un chaman pas très clair m'a utilisé comme chauffeur et conférencier quelque temps, quand il se prenait pour le messie, j'avais vingt-cinq ans, et enfin en 93, Y a conclu devant sa compagne, triomphalement et sans même me regarder, « j'ai trouvé mon aide de camp » quand j'avais quarante-trois ans.



Sur ma prochaine carte de visite, Natarajan, faire-valoir des messies en tous genres, devis gratuit. C'est dur à avaler que cette petite, sous prétexte qu'elle est descendue dans Malkout, ne voie rien de ma transformation totale dans le physique, et s'imagine loin devant, et qu'elle utilise le peu qu'elle sait de moi pour me réduire à ce point, allant jusqu'à dire que je n'ai pas la même exigence sur le corps, ce qui est forcement faux, mais trop long à démontrer. Elle semble avoir complètement oublié ce que je lui ai dit sur la récupération de mes organes familiaux, sur la bataille à couteaux tirés contre la mort en 2001, à laquelle j'ai fait allusion devant elle, sur la certitude que j'avais, que les gènes avaient rendu plein de mémoires ancestrales en 2001, et que je l'avais échappé belle. Consternation et humour. Comme un échiquier, les blancs et les noirs, drôle et pathétique. Cela me navre et m'amuse aussi. Affaire Z provisoirement réglée. Quant à Y, je dois réserver mon jugement. Il était puant en 93, mais il aurait beaucoup changé et beaucoup souffert, ce qui est à mourir de rire car il tenait des discours ronflants devant trente à quarante personnes (en 92) comme quoi il ne souffrait plus (sous-entendu passez par moi pour en faire autant). Il était très convaincant. Déjà à l'époque je l'avais prévenu qu'il se trompait, mais il se gaussait. Je disais qu'on pouvait à la rigueur continuer de souffrir sans que cela fasse mal, mais faire disparaître la souffrance était impossible. Il prenait un air et un ton supérieur. Lui, il avait définitivement réglé le problème, à trente-cinq balais, c'était ridicule, mais personne ne le trouvait ridicule, son culot était monstrueux. Il avait un charisme très fort, en tout cas sur des personnalités assez faibles, mais moi je le trouvais vraiment mytho, et sa bande comprenait beaucoup de jeunes sensibles, mais pas particulièrement brillants ni affirmés. Je ne saurais dire où il en est. Il se plaint d'une guerre des maîtres qu'il met en place lui-même en ne reconnaissant personne, et en exigeant d'être reconnu comme autorité suprême. Satprem s'en fout et du coup Y et sa bande le sous-estiment. La guerre des maîtres. Cela me faisait rire, mais avec l'image que Z s'est construite de moi, pour que les choses tournent à son avantage, ce n'est pas si idiot, après tout. Une incapacité pour ceux qui sont devant de s'évaluer, peut-être, pourquoi pas. Je ne fais que riposter à des sortes d'attaques, j'aurais bien aimé que Y soit plus humble et capable de reconnaître ce que j'avais vécu, et que Z partage aussi le Supramental. Mais elle a décrété, elle, que je ne pouvais pas partager au-delà d'une limite, selon elle, nous n'avons pas pu aller ensemble jusqu'à l'os, en établissant les règles du jeu elle-même. Si j'avais fait la même chose, j'aurais pu la pointer sur des dizaines d'expériences qu'elle n'a pas faites et en tirer parti pour l'inférioriser, et j'aurais même pu l'attaquer de front, et lui dire que son Melchissedeck n'avait pas à interférer avec le Supramental. Mais elle voit des tas de choses et en tire partie pour impressionner, alors je m'incline. Je ne l'ai pas faite, la mise au point, et j'ai commencé à la reconnaître tout en trouvant étrange son mental presque infantile. Maintenant je riposte. Elle profite que j'ai lancé la mode de dire que j'étais un maître Supramental, pour s'aligner. Du style, bon, puisque Natarajan ose, moi je vais le suivre, mais je ne le disais pas avant pour n'effrayer personne. Pas sérieux tout ça, mais je ne sais pas comment l'aider ou mettre les choses au point. Elle se retire en Italie auprès d'un atlante local qui sauve à tour de bras. Son logo regroupe les symboles des religions principales disposées ensemble dans une belle unité. Roberto aurait compris que Dieu était unique, bravo Roberto, et embrasserait toutes les religions dans son cœur, encore bravo. Selon Z, un grand initié. Belle brochure en quadrichromie, on se déplace, on vient le voir de toute l'Italie, et on s'emploie à le rendre célèbre. Photo à moitié de profil, on sent le bonhomme dans une sorte de transe majestueuse du premier de la classe en méditation, ferveur, grandeur, élégance, générosité, nombrilisme. Quand je pense qu'un soir le Divin m'a utilisé pour détruire les siddhis, je lui souhaite d'être sincère au rital.



Y m'avait fait le même coup, le coup du partage qu'il ne peut pas mener très loin vu mon incompétence. Il m'invitait à ses weeks-ends, mais manquait soigneusement mes interventions, réservées à ses disciples. Monsieur était au-dessus, naturellement, à quoi bon perdre son temps avec Natarajan. Natarajan, faire-valoir des messies en tous genres, se met à son compte. À force d'avoir été infériorisé, cela se renverse et je vais me supérioriser tout seul comme un grand.


11 Mars 2004




C'est la première fois que j'arrive à me lever à l'aurore et sans le sentiment d'être un peu cassé dans le corps. Tant mieux. Suite à ma réponse, É a précisé certaines choses sur l'échange avec Z, et j'ai peut-être noirci le tableau. Mais dans le fond, Y et elle, c'est quand même le trip du lion farceur. Incapables de comprendre qu'on peut avoir autre chose à faire que ce qu'ils font eux-mêmes ! Si l'on ne fait pas la même chose, c'est forcément moins bien. Reste à savoir si maintenant l'institut va réagir aussi, parce que je ne ferais pas du Satprem copie conforme, lui qui a renoncé à être gourou (alors que je le suis malgré moi, ça s'est fait tout seul).



J'ai la suite de mon roman de S.F, et des idées nouvelles pour le séminaire de l'ascension. On va cerner de près ce qu'il est, le mental, en voyant ce qu'il nous apporte par rapport aux animaux. La question reste entière. Pourquoi, alors que nous avons à peu près le même code génétique que les chimpanzés, disposons-nous en plus du mental ! Qu'est-ce que ça apporte ? Les singes sont-ils capables de faire des bombes atomiques ? Et du Mozart ? Avons-nous autant besoin de bombes atomiques que de Mozart ? (Ceux qui pensent qu'on a plus besoin de Mozart que de bombes sont prêts à bombarder ceux qui pensent le contraire, c'est donc un cercle vicieux. À Mort les racistes, proclament-ils fièrement.)



Vision probable du mental comme un boyau de l'évolution totalement inutile, sauf si c'est le pont vers le Supramental. Le mental sans le Supramental, c'est idiot de le faire exister. Il faut qu'il mène autre part, sinon toutes les règles sont truquées. J'en suis là, et ce n'est pas personnel. Je suis resté trois minutes ce matin au lever du jour, dans l'état que j'aime bien. J'ai été entièrement fabriqué par l'univers tel quel, tel que je suis. Il n'y a rien qui m'appartienne là-dedans, et je vois que le mental est une impasse. Pour l'espèce bien entendu, pas pour l'individu, qui peut le dépasser dans le Soi. Et le mental est qui plus est, prisonnier du vital, qui lui-même est encerclé par la Mort et le tamas. Sortir de ça est peut-être impossible, mais ce n'est pas une raison pour renoncer. Si c'est le Divin qui l'a décidé, Il trouvera de bonnes réincarnations capables de commencer ce boulot. Hallaj, Maître Eckart, et les autres de cette trempe, ils pourraient jeter les bases. Des femmes aussi, naturellement. Les femmes ne fuient pas, quand la connaissance leur tombe dessus.



Toute l'Histoire n'est à nouveau qu'un château de cartes.



Il y a d'autres scénarios, que la transformation physique ne soit pas réellement possible, mais que l'atmosphère change, et que le mental s'épure énormément, s'élève, et donne une conscience intuitive à l'espèce. Il faudrait au moins arriver jusque-là. L'écriture est un vieux machin. Il faut se lasser des représentations, se lasser de ce pouvoir supérieur à celui des animaux, qui nous fait faire du Mozart et des bombes atomiques sur le même palier. Se lasser des représentations. C'est la seule issue, sans revenir à l'instinct naturellement, en sacrifiant l'hédonisme bas de gamme, qui prend toujours le relais dans les civilisations saturées de représentations (retour de manivelle chez les philosophes grecs qui finissent pédophiles et fiers de l'être, contagion homosexuelle en Californie, avant le Sida, pas loin de la silicone Valley, arhétype caricatural, (oh c'est joli comme expression), mais qui n'est pas dénué de fondement, de l'homosexuel maniéré grand amateur d'art, érudit émérite, (oh c'est joli aussi), collectionneur de livres précieux et d'éditions originales de Proust).



Voir le marxisme et les religions sous le même angle : les grandes représentations qui foirent, les modèles qui retournent au chaos, la géométrie qui explose dans le big-bang, le calendrier qui flambe dans l'incendie, lui aussi.



On regarde la carte topographique pour être sûr d'aller dans la bonne direction, tout en marchant, et on se casse la gueule par la même occasion.



Pendant qu'on fait le point avec la boussole, un jaguar vous attaque par derrière. On consulte son G.P.S et un cobra vous mord la cheville. On décompose la partition et on rate une note. Quand je verrai des funambules se promener sur un fil à cent mètres de haut tout en consultant leur horoscope sur le premier magazine venu, je ferai confiance aux représentations, mais pas avant, en tout cas s'ils n'en profitent pas pour tomber, naturellement.



Hier, chasse dans le courant, dans une eau pas très claire. Aperçu des poissons vraiment magnifiques pour la première fois. D'un blanc incandescent légèrement argenté, avec une gueule de bar, et le profil du thon. Moins hydrodynamiques que les carangues, mais une majesté folle, entre un et quatre kilos. Jamais vu sur les marchés. Me suis épuisé à les poursuivre assez profond. Revenu bredouille, les chats me harcèlent. Ketut devrait me livrer des maquereaux pour eux dans un moment



Les représentations sont mortes, les formulations sont vivantes. Cela oblige chaque humain à recréer sa propre religion pour qu'elle soit autre chose qu'une mascarade, cela pousse les philosophes à se démarquer de leurs références, et les artistes doivent dépasser leurs modèles. C'est sûr qu'après Bach, certains compositeurs on dû se dire, la musique c'est fini, puis il y a eu Mozart, après lequel on s'est demandé quoi inventer, et puis les russes sont arrivés en nombre, et même des français, Debussy, et ça ne s'arrête pas là, on finit par tomber dans la forme pure et la boucle est bouclée, alors il ne reste qu'à mélanger toutes les musiques, et ça ce n'est pas encore fait. En spiritualité, j'en suis là, voilà ce qu'il y a dans le zen, mais c'est insuffisant, et dans l'hindouïsme, oui, mais sans le tantrisme, pour l'hindou la matière est morte, le christ pourquoi pas, mais nous n'avons plus besoin des anges et du dieu créateur, le Divin suffit, le Bouddha avait raison sur tout, mais il s'est trompé quand même, le Supramental démolit complètement son système, de fond en comble, et pourtant il faut respecter ses principes, comme le détachement, qui, lui, demeure indispensable au sein du nouveau paradigme. Et là, il n'y a plus personne pour suivre. On croit à la suprématie de Sri Aurobindo, et on méprise tout le reste, on brûle les étapes en croyant avoir tout compris, comme la bande d'abrutis français d'Auroville avant les années 80, ou bien l'on se fige dans un vieux temple, la conscience tranquille, son temple bien de chez soi.



Le travail complet est de tout reformuler soi-même à partir d'un vrai panorama, d'une vraie curiosité pour tout, au lieu de faire la moue sur ce qui n'est pas bien de chez nous, ou au contraire, sur ce qui est de chez nous. Il y a des français en Inde déguisés en hindous, ils ont tout renié pour s'imaginer être de là-bas, et un jour ou l'autre ils vont tomber sur la même complaisance dévotionnelle, sur les mêmes parti-pris, sur les mêmes illusions supérieures. Ce n'est pas plus intelligent que mépriser tout ce qui n'est pas juif quand on est juif, ou tout ce qui n'est pas chrétien quand on est chrétien. On veut juste apprendre le solfège, mais sans le recréer, donc on ne peut pas comprendre l'harmonie. On veut en rester à Mozart ou à Xenakis, mais surtout pas se libérer de toutes les formes. On veut mettre le grégorien au-dessus du reste, ou le jazz, ou la goa trance, ou Mozart, ou conclure sur la suprématie de Bach  mais personne n'a l'idée que toutes ces choses ne peuvent pas être hiérarchisées et proviennent seulement d'une combinaison différente des mêmes sept notes.



Je continue à me libérer des formes.



Bach n'est pas meilleur que mac Cartney qui n'est pas pire que Vangelis et les Floyd sont ni au-dessus ni en-dessous de personne, ce sont les pink Floyd, défoncés à l'acide, mais capables de mettre dans le même album du super sweet et du heavy metal harmonieux, sans compter les alaps de guitare que même un Santana ne sait pas faire. Et si je préfère Spinrad à tous les autres, cela ne veut pas dire qu'il est le meilleur. Tous les écrivains sont les meilleurs. Mais il n'y a qu'un Proust, qu'un Flaubert, qu'un Stendhal, qu'un Spinrad. Il n'y a qu'un Rimbaud et qu'un Milton. À partir d'un moment, il n'y a plus de critères. On absorbe le musicien ou l'écrivain, il n'y a plus de niveau. Le mental n'a rien à ajouter, messieurs les intellectuels, il aura toujours du retard sur le moment où l'on écoute de la musique, sur le moment où l'on se délecte de lire. Qu'ajouter à cela. La recette ne remplacera jamais le plat, nouvel aphorisme à ajouter au célèbre, la carte n'est pas le territoire, plus tantrique non?



Et si l'on me provoque et qu'on me dit que Spinrad n'arrive pas à la cheville de Houellebecq, je n'en disconviens pas, et dis que mon jugement est entièrement subjectif, et que je suis incapable d'apprécier le Houellebecq en question, une lacune sans doute, due à mes préjugés Je n'ai rien à défendre, c'est magnifique, magnifique. Natarajan, yogi supramental, pensez-donc ! Un minet soixante-huitard couvé par sa mère, et qui a dû fumer un peu trop de haschisch



C'est pour cela que je suis si seul.



Je n'ai jamais suivi aucun chemin, pour être sûr de ne pas me tromper d'itinéraire.



J'affirme que l'on ne peut jouer que sur un instrument que l'on a fabriqué soi-même. Être cul et chemise avec son mental, et le traiter comme un animal de compagnie qu'on connaît par cœur. On l'aime énormément, mais on ne se laisse pas marcher sur les pieds. Si on nourrit le mental avant de nourrir l'âme, il fait la loi, le salaud. Et comme il y a des psychologues pour les chiens dominants, il y a des tas de psychologues pour les patients affligés d'un mental dominant. Leur animal domestique leur mange la tête, et ils ne savent plus que faire. Le mental est un vieux singe. Tant que l'homme sera au service de sa machine à penser, il restera ce qu'il est, une moisissure arrogante dans les galaxies. Mais tant que l'homme haïra sa machine à penser, sous prétexte d'avoir du cœur, ou de ressentir le présent, il utilisera le moment comme un faire-valoir, car il ne saura jamais s'en éloigner assez pour y revenir d'une manière nouvelle.





Une journée assez nonchalante, dévolue à la réflexion, pas de chasse sous-marine, et le tao qui s'amuse encore à dérégler mon horloge. Il n'est que dix-neuf heures dix, la journée semble en avoir duré trois, mais je me sens beaucoup mieux qu'hier où je finissais de digérer cette info sur la fantaisie de Z (me présentant pas du tout comme je suis en dépit de notre rencontre) et la vibration de malaise qu'Éric m'avait communiquée.



Content qu'il y ait encore quelques hommes universels. Sheldrake dans l'âme de la Nature montre qu'il n'est pas qu'un scientifique mais aussi un historien des idées. Je croyais que tout avait basculé au dix-huitième siècle, mais si l'on introduit le protestantisme comme une des causes du futur matérialisme (scientifique) qui ôte l'âme à la Nature, le dix-septième est le vrai départ de la réification de la Nature. C'est amusant que cette réification ait fini par amener également une réification de l'homme, telle que l'entendent les critiques marxistes sérieux, et Brecht, voyant dans le petit-bourgeois du dix-neuvième, ayant perdu tout idéal, toute générosité, un homme transformé en chose par l'amour des choses qui lui a été inculqué. Il ne fallait pas commencer par voir en la nature une mécanique, mon cher Descartes, et les grecs les plus avisés de l'antiquité ne se permettaient pas de le faire. Seulement il fallait se libérer de tellement de superstitions qu'on a jeté le bébé avec l'eau du bain. Pour en finir avec les personnifications païennes, et les identifications bas de gamme aux sens, il fallait peut-être que l'esprit joue au chirurgien, et se distancie de la nature, pour mieux l'observer. Mais si le retour ne s'opère pas rapidement, cette distance nous tuera tous. Peut-être également qu'en tuant la nature, c'est-à-dire en en faisant une mécanique, on a, sans s'en rendre compte, également tué Dieu. Je ne sais quelles raisons Nietzsche évoque pour cet assassinat, puisque je suis allergique à sa lecture, (je me suis retrouvé sonné à l'infirmerie en hypokhâgne, pendant quelques heures, après une dissertation sur un aphorisme de Nietzsche, avec la trouille de devenir dingue), mais en ce qui me concerne, puisque je crois que tout est lié, il me paraît que la conception, la vision de Dieu, dépend de tout le reste. Et l'époque où l'on parle de Dieu comme d'un grand horloger est justement celle où la vision mécaniste commence à triompher de la pensée religieuse. Si Dieu n'est plus bon qu'à régler les choses, qu'à surveiller l'ordonnancement, le voilà ni plus ni moins qu'un être intelligent et rationnel. Son amour a disparu !



Son infinitude se perd dans des lois physiques imprescriptibles et tirées au cordeau, sa saveur devient celle du métal, nécessaire aux engrenages, aux poulies, aux crémaillères, aux forges industrielles, aux rails de chemin de fer. Si la Toute puissance de Dieu se mesure, comme tout le reste, nous n'en aurons bientôt plus besoin...



Et c'est ça qui est arrivé au vingtième siècle, ne plus avoir besoin de Dieu, non pour donner raison à Nietzsche, mais parce que toute courbe suit son mouvement, tout boulet de canon atteint son apogée, avant de retomber. Puisque tout peut exister sans la grâce, remplaçons là par la raison. Faisons de la raison une grâce accessible à tous et bon marché. C'était le pari de Diderot, de Laplace, de Comte, naufragés dans le sillage de Descartes, pari repris par le communisme, par Sartre contre Claudel, par tous les hommes fiers d'utiliser leur mental pour en finir avec les bondieuseries, la crainte de l'enfer, le péché et toutes ces sornettes. Et le pari a marché jusqu'à l'effondrement soudain du rideau de fer. Car les idées, comme le reste, finissent par retomber, et la beat génération, déjà, annonçait la fin de la mort de Dieu, le début du déclin de la trajectoire du matérialisme religieux. Et plus le cœur est nié, plus son retour se fait attendre, plus sa résurrection est explosive.



Les avions du 11 septembre vengent la mort de Dieu assassiné par le capitalisme et la réification absolue, à petit feu, de Cortez à la mondialisation. De la manière la plus triviale qui soit, la plus caricaturale, la plus primaire, la plus archaïque, la plus ignoble, mais également la plus efficace. (Considération entièrement subjective que je renierais le cas échéant, si la bien-pensance universelle me le demandait à coups de menaces citoyennes).



L'expression qui présente le remède comme pire que le mal, expression pleine d'humour et d'amertume, pourrait presque définir le matérialisme scientifique triomphant de L'Eglise, et trouvant son apothéose dans la pharmacie chimique industrielle, qui soigne une partie (du corps) en contaminant le tout, (et j'ajoute qu' aujourd'hui en 2010 l'interdiction des plantes médicinales s'avance ! ).

Sisiphe change de pierre parfois, pour se donner le change. Il en prend de moins lourdes, le bougre, sans se rendre compte que leur forme beaucoup plus éloignée de la sphère que les précédentes, rendra la montée plus difficile encore, malgré le gain en légèreté, parce que les faces irrégulières imposent à la traction des soubresauts déplaisants, une marche de travers, et des efforts chaotiques. Alors un jour, il rêve de pousser des polygones réguliers, de pouvoir se reposer sur chaque face égale une seconde, pour monter agréablement, alors que la sphère de pierre est absorbée par la force de gravitation et lui demande un effort constant pour ne pas repartir en arrière. Il se met à prier, et Dieu lui dit : « demande à Platon de t'envoyer un polygone à vingt faces, ce serait parfait. Avec le dodécaèdre, l'effort serait encore un peu trop violent pour changer de face. » Alors Sisiphe est tout content, il se dit que les choses vont s'améliorer, dès qu'il aura son polygone plein de petites facettes égales, taillé comme un diamant. Mais Platon refuse après avoir fait bisquer Sisiphe. Il s'est déplacé, que puis-je faire pour vous, patins-couffins, mais il refuse tout de go de donner les plans du polygone à vingt faces à Sisiphe, qui avait appris la sculpture exprès pour ça. « Vous me faciliteriez rudement la tâche, monsieur Platon, vous savez. » Platon lui, laisse entendre que s'il en est là, c'est qu'il n'a pas vraiment envie de se libérer, sinon il trouverait un moyen de changer sa condition. «  Je n'aide pas les lâches, Sisiphe, la liberté se mérite ». Platon a passé toute sa vie, toutes ses nuits, à faire les calculs de découpage d'une sphère en polygone à vingt faces, il a même consulté Pythagore dans l'astral, il a peiné en croyant qu'il n'y arriverait jamais, sans pour autant renoncer, et il ne va pas donner ce trésor, son chef d'œuvre, l'effort de toute une vie, à un pauvre type qui ne veut pas s'en sortir. Naturellement, Sisiphe réagit sans réfléchir et dit tout de go «  mais je ne peux pas monsieur Platon, vous le savez bien. Je ne veux pas changer ma condition, juste améliorer mon esclavage. » Bref, Sisiphe a beau changer de pierre, c'est-à-dire qu'il a beau varier les formes de son ignorance de siècle en siècle, la pente ne change pas, elle. Toute ressemblance avec une fable immémoriale ne serait que le fruit d'une pure coïncidence.



L'idôlatrie scientifique n'est pas dans le fond supérieure à l'idôlatrie religieuse, qui a le mérite d'être tant soit peu holistique. Nous sommes passés de la peur de Dieu à la destruction de la Terre en quatre siècles seulement. (Il est évident que si la peur de Dieu avait subsisté nous n'aurions jamais osé malmener la matière à ce point-là, jusqu'à ce qu'elle puisse nous détruire). Les choses vont très très vite. Notre esprit raisonne de travers depuis qu'il croit qu'il faut à tout prix prouver. Mais une nouvelle phase commence, d'où ce paradigme est exclu. Il faut à nouveau ressentir, et le nouvel-Age l'a compris avant tout le monde. Le renversement des cycles, il n'y a que cela de vrai, basculer de contraire en contraire.



Aujourd'hui, il n'y a plus rien à prouver car il n'y a plus rien à démentir. Les idéologies, ces religions athées qui avaient gardé les travers des forces auxquelles elles voulaient s'opposer, sont mortes. Il ne reste plus que la mondialisation et le terrorisme. Le mental est une force mystérieuse, et comme le vital, il est dangereux de se l'approprier, l'Histoire ne cesse de nous le répéter. Le louer, sans en être jamais propriétaire, puis changer de résidence. Mais nul ne nous l'a appris. Alors on considère comme un bien ce qui ne nous appartient pas, on fabrique de la pensée, et l'intelligence se sauve, parce quelle a horreur d'être récupérée par une bête.


13 Mars 2004


Il ne fallait pas s'attendre à ce que je me lance dans du Rupert Sheldrake sans en profiter pour gloser un peu, tant pis pour ceux, et surtout celles, qui me croient intellectuel. (Une des choses qui me rassurent, le Sri Aurobindo il avait une sacré tronche, mes aïeux, et bien avant que Krishna le rejoigne définitivement en 1926). Sheldrake, c'est un des seuls génies contemporains connus avec Lupasco, Prigogyne, et le physicien qui a donné la réplique à cet abruti de Krishnamurti. Et c'est merveilleux, aujourd'hui je me sens dans une douceur extraordinaire, écrasé et croyant que je ne peux rien faire de mieux que dormir, mais la sieste a été brève, et tellement profonde que je n'ai pas entendu le portail grincer, tout près, quand Kadek est arrivé faire le ménage. Bon, j'émerge un peu, et voilà que dans l'âme de la nature, Rupert annonce réellement que les atomes n'existent pas, que c'est la conclusion de E = mc2. Il n'y aurait donc que des champs. À ce moment-là mon cher Watson, tout est possible, ascensionner, est possible, il suffit de changer la masse du corps en énergie. De toute façon, nous ne pesons strictement rien, c'est la force gravitationnelle, comprise par Newton, qui donne l'apparence du poids aux champs qui prennent l'apparence de la matière. Mais en fait il n'y a qu'une seule chose, la grande Shakti, qui se subdivise en nombreuses Prakriti, cette seule chose existe, et naturellement le mystère de la conscience pure. Personne n'a encore compris la portée des découvertes d'Einstein. Personne, peut-être mille ou deux mille humains, qui n'en reviennent pas, parce que ça donne sur l'unité absolue, sur le puzzle d'ensemble, avant que le mental ne le découpe en rondelles. Même le temps serait une propriété de l'étendue, en définitive, et l'étendue, ce serait des champs, toutes sortes de champs, permettant l'apparence de l'agglutination, comme un aimant permet à la limaille de fer de se rapprocher de lui. Bref, Sheldrake n'est pas loin d'avoir compris intellectuellement ce que je ressens spirituellement. La multiplicité des champs fait même que le Supramental peut agir chaque fois d'une manière pratiquement nouvelle, ou en tout cas, en suivant des modus operandi généraux très variés, dont chacun possède une palette de variations. Ce que je sens aujourd'hui n'a rien à voir avec tout ce que j'ai vécu au moins depuis plusieurs mois, mais c'est le top. C'est la phase repos, où l'intégration se produit sans doute, mais je sens bien que la force a dû travailler avant de différentes manières pour produire ça. Une complémentarité imprévisible, et jamais la même chose. Il y a de quoi péter les plombs.



Hier, deux choses intéressantes. D'abord plus aucune tension, amertume ou jalouise, à lire les titres des auteurs d'espaces libres chez Albin Michel où De Smedt a décidé de me faire la gueule depuis dix ans. Des personnes à qui j'ai donné la mutation solaire, et qui ne m'ont jamais répondu, y publient. Mais tout ce qu'ils racontent me paraît maintenant tellement pauvre que je n'ai même plus envie de figurer dans cette collection. Je cherchais s'il y avait d'autres Sheldrake, et je tombe sur la liste de tous ces auteurs.



L'après-midi, pêche au maquereau sur la pirogue de Ketut jusqu'à la tombée de la nuit. Invraisemblable mystère de tous ces petits poissons, qui frétillent en mourant, interchangeables, et qui n'étaient il y a quelques mois encore que des œufs. Les voilà avec des yeux, une peau, et tout le reste ; et tout le monde trouve ça normal, pas moi. Je me suis rendu compte que je ne savais pas pourquoi l'eau de mer était salée. Au retour, je me suis vu entièrement créé par la Terre, et je la sentais posée dans le ciel, et là je me suis senti entièrement créé par l'univers. Une sensation physique de l'infini, très simple, sans aucune transcendance. Sri Aurobindo l'avait promis, mais je n'y croyais pas, et voilà qu'en écrivant ça je pleure comme une madeleine. Cela n'a pas duré longtemps, un petit quart d'heure, ça vient tout droit de l'expérience causale de l'astéroïde, et ça explique aussi peut-être ce que je vis aujourd'hui. Il y a un moi en moi, qui au point où il en est, n'en à plus rien à foutre de rien, du coup tout le monde se repose, tous les moi s'alignent, les guerriers déposent leurs armes, au moins jusqu'à demain.Le 16 mars.



Je sais, ce que j'ai dit en deux lignes, beaucoup en aurait fait un livre, d'autres auraient ramené ça à quarante pages, mais cela ne sert à rien. J'admets que j'ai été trop concis, et que cette expérience ne m'appartient pas. Les autres mutants, les vrais, méfiez-vous des contrefaçons, finiront également par vivre quelque chose d'analogue. Je me suis senti fabriqué par la Terre, et que je n'avais rien ajouté à cette fabrication. J'étais en accord absolu avec la Terre, sans avoir conscience d'une quelconque personnalité. En revanche j'étais intégralement ce moment-là, de tout mon être, et c'est à ce moment-là que j'ai eu l'impression que la Terre était toute petite, comme une bulle de savon, et qu'elle était posée en équilibre dans le ciel entier. Ce n'est pas la peine d'insister, c'est inimaginable.



J'ai passé deux jours à me laisser flotter, à cause de l'incroyable ananda de paix qui était descendu. Chasse sous-marine avant-hier (on a tous mangé, le personnel du resto et moi, une sorte de corb que j'avais pris, dans une soupe au curry, les jeunes filles étaient là, et à un moment, deux d'entre elles m'ont invité à dormir près d'elles, plus ou moins par plaisanterie, sous l'auvent. Bali n'est pas une destination adéquate pour le Bramacharya.)



Partie d'échecs, lecture, hier aussi, et hier après-midi, pas la forme. Après un massage pour résoudre un petit problème dans le dos du côté gauche, j'ai eu envie de pleurer, et j'ai été envahi par un sanglot vraiment énorme mais assez court. C'était global, tout ce que j'avais enduré, et quelqu'un disait non à poursuivre ainsi. Ce n'était pas du chantage, mais je voulais dire que je n'aurai plus la force de supporter autant de choses pour faire le yoga. Il n'y avait que de la souffrance occasionnée par les autres, en particulier ma mère, et c'était localisé à Lyon, où j'ai beaucoup vécu, mais j'avais enterré les préjudices subis là-bas sans doute.



Si tout le vécu est recouvert par le moment présent, ce n'est pas étonnant de devoir toujours revenir en arrière nettoyer le passé. Rêvé que je partais en pension et que cela me faisait plaisir mais sans réagir que j'avais passé l'âge, et puis finalement je m'installe dans la fameuse maison de mon père à saint-Raphaël (pour laquelle ma sœur voulait me faire un procès en 97 ne supportant pas que le juge m'ait laissé l'occuper à titre gratuit quand mon père a fait son hémiplégie). La maison est toute transformée, je remarque une voie qui mène à un appartement souterrain, qui est encore une cave pleine de choses archaïques, des objets, puis ce niveau redonne miraculeusement de plain-pied au rez-de chaussée, et là la maison est vraiment immense et magnifique dans une atmosphère géniale. J'y croise une jeune fille qui avait travaillé pour ma mère à Lyon, j'y vois ma mère, en pleine forme, mais je me demande comment elle a encore de l'argent. La maison est à louer 9.500 f par mois, ça ne me choque pas, et le fait que je veuille m'installer dedans n'interfère pas. Absence totale de mon père. Oui, ça a travaillé fort sur la lignée maternelle. La réappropriation de cette maison, où je découvre que la cave entière est immense et peut être transformée, tout en donnant sur le rez-de-chaussée à partager avec d'autres membres de ma famille, me paraît bon signe. C'est moi qui décide de transformer la cave. Je ne suis donc plus le fils d'un père absent et d'une mère qui était la négligence et le mensonge incarnés. Et je retrouve de nouvelles racines. J'ai vécu sans racines depuis plus de quatre ans, c'était intolérable, je devrais peut-être en reparler, mais comme je n'ai pas su à quoi cela correspondait, j'en ai peu parlé. Je me sens un vrai yogi supramental. Avant j'avais des doutes sur mes capacités.



P.S J'ai beaucoup de vitalité et des érections assez longues la nuit et le matin, je ne comprends pas pourquoi la Force n'active pas les chakras inférieurs, ce qui me donne un peu de plaisir, je me dirige vers la frustration, mais peut-être que ça va finir par arriver. (Ou une femme dans mon lit  ! ).



Je suis allé faire de la chasse sous-marine à pied, car Ketut n 'était pas là. J'ai marché un peu, revêtu un tee-shirt, plus un justaucorps de lycra et j'ai coincé une plaque de plastique contre la peau, sur le thorax, pour pouvoir recharger jusqu'au second cran sans me blesser. Cela marche, c'est parfait. Je suis resté longtemps, jusqu'à prendre un gros perroquet pour le staff du restaurant, plus d'une heure c'est sûr, et je n'ai pas eu froid. Maintenant le corps brûle. C'est à n'y rien comprendre, car cette nuit j'étais frileux. Je ne me suis pas refroidi, merveilleux. La mer n'était pas très claire, et ressemblait à la méditerranée aujourd'hui, petites vagues. Mes nouvelles palmes extralongues qui me serraient vont bien avec les nouveaux chaussons de néoprène très fins. J'ai lâché toute mon énergie, et je ne suis pas fatigué, pourtant j'ai palmé sec à un moment, pour ne pas dériver, à cause d'un petit courant.



J'ai fini Sheldrake. Oui, moi je sais bien qu'il n'y a que des champs, et qu'il faut les transformer. On n'est pas sorti de rien. Et l'esprit est rivé aux sensations et à la mémoire, même si on parvient à le libérer parfois ; avec le désir, le sommeil, les circonstances difficiles, l'esprit redevient de la conscience matérielle — du primate dans son environnement. En fait, Freud a commencé à gratter sous la surface, puis Jung a mis toute la gomme pour ne pas réduire le système à la théorie sexuelle, et maintenant on en a plein la bouche de l'holisme et de l'holistique, d'un superconscient qui compenserait l'inconscient, et jouerait avec la marge de manœuvre, l'alternative, le libre-arbitre. N'empêche qu'il faut revenir décaper après avoir gagné quelques lumières, et là, on trouve peu de volontaires.



Mon rôle est d'être pratiquement le premier à nettoyer l'ashvatta, je ne fais que ça, pas moyen d'en sortir, j'accepte. Il y a des hauts et des bas, bien sûr, et les fakirs, et les zenistes triomphaux se gaussent, mais les pauvres petits dorment si bien sur leurs planches à clous parce qu'ils se croient encore des yogis et s'imaginent avoir dompté la nature. Mais il y a des champs par là-dessous, des champs infinis. Ils commencent juste à se révéler. Et pour y aller, il faut surtout pas s'imaginer que l'on est quelqu'un, parce que ça fout un tel filtre que les expériences génériques et universelles ne passent plus. Je suis le corps de tous les hommes. C'est pas de la tarte, mais c'est le chemin. Je l'ai nié longtemps par modestie, mais maintenant c'est sûr.


18 Mars 2004


Je n'aurai pas eu un anniversaire ordinaire. Je me souviens aussi particulièrement de celui de l'an 2000, dans un temple hindou de la ville Le Port à la Réunion, où j'ai dit au Divin, bon, je n'ai sans doute pas toujours été à la hauteur, si Tu veux rectifier le tir, vas-y. 2000, pas pire que 2001, mais enfin de la souffrance en abondance. Pas besoin de faire un prêt à un taux exorbitant. 2002, je me souviens que dans la nuit du 13 au 14 mars, je guéris définitivement. 2003, souvenir pas net, mais plein d'expériences à Ubud, et 2004, hier, à Padang bai. La journée avait bien commencé car j'ai battu aux échecs le champion local invaincu, trois fois de suite, encouragé par tous les perdants, qui se vengeaient à travers moi (on était quatre ou cinq sous l'auvent). Après quoi, j'apprends qu'on va enfin me livrer une table en teck commandée il y a longtemps. Au lieu de faire de la chasse, je fais une très belle séance de natation, avec palmes longues, masques et tuba, et je vais jusqu'à la colonne de fer au milieu du chenal. Je remarque ensuite l'après-midi que je suis fatigué, et met cela sur le compte des intestins dont je sens depuis la veille qu'ils ne sont pas alignés. Après la livraison de la table, je pense d'un coup à ma mère, et j'éclate en sanglots, puis m'allonge, et là je subis une attaque étrange, très profonde, purement intérieure, comme sous l'effet d'un hallucinogène et je commence à dialoguer avec moi-même, car je me sens mal. Il y a vraiment quelque chose qui ne va pas, d'indéfinissable, alors je parle à ce malaise et dis « oui, maintenant j'ai l'habitude de ce genre de conneries, je n'ai qu'à laisser passer, ce n'est pas la peine de prendre au sérieux la moindre des pensées qui vient dans cet état-là. » Et là, je sens que ça redouble d'efforts, et je me dis, tiens, Sri Aurobindo disait qu'on pouvait trouver de la conscience ou des intentions, même dans les plans inconscients, et je me demande s'il n'y a pas dans ce qui se passe une conscience qui cherche à supprimer le Supramental du corps, et je me dis que c'est une attaque, ça ne peut pas porter d'autre nom, une attaque, peut-être une attaque chimique, un circuit qui prend le pouvoir du cerveau et balance ses trucs à lui. Et à un moment, cette pseudo-conscience me sort un film, je me vois dans le parc de la tête d'or à Lyon, où j'ai toujours été enchanté d'aller me ressourcer, alors une voix monte et me dit : regarde à quel point tu as été heureux (sous-entendu, pauvre con, tu ne retrouveras jamais ça) et je retrouve les sensations d'ensemble dans ce parc. Il se trouve que ça n'a pas pris et je me suis dit oui, le parc à Lyon, c'était vraiment bien, sans broncher. Finalement, je fais le mantra et m'endors. Mais cette nuit, rêve ou plan causal très étrange. Je fais face à un raz de marée, la mer s'ouvre devant moi, comme pour Moïse, mais les murs d'eau font bien trois cents mètres de haut, c'est effrayant, je m'accroche à une sorte de mat et décide de me laisser emporter quand les murs se refermeront, et soudain je m'en sors et vois la mer juste en-dessous, peut-être à huit cent mètres en-dessous de moi, j'ai le vertige une seconde, mais réalise que je suis sur je ne sais quel promontoire accueillant, je suis sauvé et rencontre G de Nice et deux ou trois autres personnes, les seules, dont la compagne de G qui n'est pas la même que la vraie, prétend qu'elles sont avancées spirituellement. Si intense que ça me réveille. Et nouvelle expérience d'un style analogue. Je m'écroule en syncope quand je commence à jouer à une sorte de badminton avec mon ami d'enfance, JY, mort en 89. Je crois que je vais mourir parce que j'étouffe, et là j'ai la bonne idée de respirer du Supramental, comme si c'était de l'air, et je l'envoie jusqu'aux pieds, et je sens qu'il descend dans les pieds, puis je récidive, à pleins poumons, quatre ou cinq fois, et quand j'inspire ça me fait lever à la verticale et quand j'expire je me retrouve allongé. La syncope fout le camp et je me sens vraiment bien.

Drôle de nuit. Tout le monde semble vouloir me souhaiter un bon anniversaire à sa manière. Mais ce matin ça allait bien, sans doute à cause du second épisode causal. Je n'ai pas récupéré, envie intempestive de pleurer, impression de porter le destin de l'humanité sur mes épaules, comme en 78. De toute façon, dès que les intestins déconnent un tant soit peu, je me retrouve avec de la merde dans la tête. Par rapport à 2001 et 2002, je n'ai pas à me plaindre.



Ce matin, quand même quelques sensations désagréables à l'aine, autour des parties génitales, le mental physique commence à se débattre comme un beau diable. Quand je pense à ce que j'ai vécu il y a quatre ou cinq jours, retomber aussi bas, c'est quelque chose qui découragerait presque tout le monde. D'ailleurs j'avoue que je suis découragé, le Divin doit prendre le relais. Je suis mort en 2001 et l'accepte, et ça fonctionne quand le Divin est là, mais quand Il est attaqué, j'ai envie de revivre, et de revivre pour moi. Pourtant hier, je n'ai pas perdu. Cherché explications vainement. Je n'ai pas trouvé la manifestation des énergies du thème natal bien que ce fût mon anniversaire. Même l'opposition saturne/lune ne peut pas faire des dégâts pareils. Grosse turbulence des énergies ancestrales qui défendent le territoire du corps de l'invasion Supramentale. Oui, sans doute, mais chaque cellule aime le Supramental, ce sont donc des circuits qui dominent, des systèmes qui font autorité, et non les cellules elles-mêmes. Une révolte électrique, quelque chose de ce goût-là, un truc qui fait son boulot, à n'en pas douter. Le plus bizarre c'était cette impression que la force en question savait ce qu'elle faisait, dès que je l'ai démasquée, et que je lui ai dit cause toujours...

Pour le moment ça m'échappe complètement.

J'ai mon compte aujourd'hui. Je sens que je vais m'écrouler la conscience vraiment tranquille.


19 Mars 2004


Pas brillant jusqu'à 15h,30. Et puis un peu de répit. Ce matin vision de cette zone difficile du physique, le bout des intestins. Le tri a déjà été fait et il fa falloir expulser. Envie de trouver une nourriture, ça mettra longtemps, qui me permette d'expulser les déchets sans qu'ils soient dégoûtants et sentent mauvais. Une partie très supérieure de la conscience trouve idiot de manger puis de chier, ad vitam. Une partie de moi aspire à ne plus se réincarner. J'accepte quand même le travail, qui n'est plus que du travail dans le physique. Les poumons font toujours des mucosités, même faibles, mais je n'en sors pas, j'ai dû prendre trois granules d'Ipeca ce matin, j'avais un chat dans la gorge, et ne récupère pas mes capacités en apnée.



Tout l'appareil digestif est plein de sensations, purifier cette zone ou nettoyer les écuries d'Augias, je ne sais pas ce qui est le plus difficile.



Je cherche la stratégie absolue, savoir, quand le corps m'embête, qu'il n'est pas moi, mais l'écouter quand même. Je sens que la Force va faire un travail colossal, je ne sais pas de quelle manière, mais le corps est coupé en rondelles, en chaque point. Ce n'est pas désagréable, ça va aimenter une descente.



N'ai pas pu bouger pour le moment.

Consulté des sites internet sur les Echecs, pour me distraire.

Je lis aussi Stewart, Dieu joue-t-il aux dés. La théorie de dimensions cachées effleure l'esprit génial de certains mathématiciens. Le Supramental en est justement une (ou plusieurs), les mecs. Cela n'a pas l'air d'être inscrit ni dans le temps ni dans l'espace, mais je vous garantis que ça déménage, même si on ne sait pas d'où ça sort. La vitesse, ça vous dit quelque chose, la vitesse ?



Est-il nécessaire de devoir relier un point à un autre pour inventer la vitesse ? Vous croyez sans doute que la vitesse dépend de la distance. Erreur. Le Supramental, c'est la vitesse pure, et elle ne relie pas un point à un autre, c'est de la vitesse sans déplacement si vous voulez. Tout bouge au fin fond de l'atome. (Ou de ce qui en tient lieu). Il est pour moi certain que le Supramental dévie certaines conséquences du passé, et fait donc changer de trajectoire les effets de certaines causes. Il intercepte des processus et on n'obtient plus le résultat attendu. Comme la grâce, ou le pardon, mais à une échelle largement supérieure.



Une partie du futur qui serait donc la seule conséquence du passé peut donc être théoriquement modifiée.


20 Mars 2004


C'est tout bonnement incroyable, mais je tiens ce journal peut-être pour les rescapés de l'Apocalypse, ou les exégètes exigeants. Hier j'étais encore assez cassé, et après le massage de « la mama », une javanaise de quarante ans, très saine, un peu forte, et prête à tout pour s'installer dans la maison, je me couche. C'était juste la nuit tombée, mais dans l'état où j'étais, je n'avais rien de mieux à faire, après avoir mangé de la papaye broyée au blender. Mantra, sommeil. Dans la nuit, réveil, et je fais le point. Je me dis que par rapport à mes ambitions ou aspirations personnelles, j'ai largement rempli mon contrat. Je suis saturé de connaissance, saturé d'expériences Supramentales, j'ai fait ce que j'ai pu, n'en parlons plus, le reste ne m'appartient pas. Cela fait descendre un peu de paix, pas de trace d'amertume, de culpabilité, de ressentiment, et je me rendors serein. Et puis je fais le mantra à l'aube, longtemps, dans un demi sommeil, et décide de ne pas me lever avant d'avoir fait descendre de la force. Et justement elle descend directement dans le physique. D'habitude dans cette zone, des reins à l'aine et aux parties génitales, elle passe par le vital, ce qui est agréable. Ce matin, elle escamote le vital et pénètre le physique et que le physique, du milieu du dos au bas des intestins. Un bon quart d'heure et ça m'a bien remis d'aplomb. Mon employé de maison faisait de la chasse sous-marine dans la baie quand j'ai pris le bateau avec Ketut à onze heures, et je l'ai emmené. Il était très content, je lui prête un fusil. J'ai nagé comme un fou, avec un tee-shirt et un justaucorps lycra pour prendre le frais, mais je visais mal ou bien c'est le fusil qui n'allait pas, à cause de l'attache de la flèche. Mais cela n'avait aucune importance. Pris quand même un gros poisson peu prisé pour les chats, et un snapper de deux kilos, cela devient une habitude que le staff du restaurant le prépare. Tout à la fin j'ai fini torse nu, retrouvé un peu d'apnée, et c'était vraiment frais à cause des courants. Je me suis dépensé follement et refroidi, mais je ne peux pas dire que je me sente fatigué. Le corps bout un peu, c'est amusant.



Je n'ai pas à me plaindre de m'être remis si vite de l'attaque violente de l'anniversaire. Mentalement je ne sais toujours pas ce qui s'est passé, mais comme je vis avec un fond de pragmatisme chinois, dans la mesure où j'ai l'air de m'en sortir, je m'en tamponne de savoir ce que c'est précisément. Ce qui est sûr c'est que ça ne voulait pas du Supramental, et que cela m'a bien haché menu menu, et que ça oeuvrait pour que je m'en prenne au Divin. Cela me manipulait, on aura tout vu, comme dans un mauvais trip d'acide, quand on se demande où est le moi, et qu'il en apparaît une ribambelle, un à chaque seconde, supplantant le précédent —jusqu'à ce qu'on ait envie de se foutre en l'air parfois.



Quand je dis que je surfe, certains croient que c'est de la coquetterie, j'aimerais les y voir, les passés-maîtres en christ, les diplômés Deshimaru, les guénoniens de salon, les taoïstes du thé, tous ceux qui laissent sri Aurobindo de côté, pour être sur de pavoiser sur leur terrain, oui j'aimerais bien voir les ronflants petits péteux qui connaissent Patanjali par cœur, j'aimerais les voir aux prises avec le mental physique. Leur redondance en prendrait un sacré coup. Ils s'imaginent sans doute qu'un Satprem est douillet, et qu'un Natarajan en rajoute, que Mère a trop souffert pour que cela provienne du Divin. Mais pour le Divin, même si dans le fond Il donne de l'ananda, il n'y a guère de différence entre le plaisir et la douleur, quand ils se présentent sur le chemin. Le Divin n'est pas anthropomorphique, lui.



Et la spiritualité n'est pas une occupation: ni de bourgeois ni de prolétaires. Il faut être un marin,

un guerrier,

un prêtre,

un aristocrate,

ou à la rigueur un philosophe ou un poète,

ou encore un explorateur.



Tous ceux qui ne sont pas insatisfaits, (on peut être sereinement instatisfait) ne peuvent rien comprendre au Spirituel. Le spirituel ne décore pas la vie en lui donnant la vue sur les cimes. Il transforme ce qui résiste à l'Esprit, c'est-à-dire à l'amour, à l'intelligence du Tout, à l'évolution infinie.



Quelques parvenus spirituels se font passer pour des maîtres, comme ce pauvre Cohen, juif américain, qui fait vraiment pitié. Mais il y a les inconnus au cœur pur, et les parfaits anonymes, aussi.


21 Mars 2004


Un mois de journal régulier, c'est la première fois de ma vie. Impossibilité de me prendre au sérieux, qui cela concerne-t-il, et c'est contraignant. Mais finalement c'est une discipline, et moi qui me perds dans le non-moi (tendance karmique assaisonnée d'un trigone neptune/venus, maître d'ascendant), je me retrouve un peu en écrivant ce qui m'arrive. Nuit extraordinaire. D'abord, toute la journée d'hier était la dernière du calendrier balinais, et l'on règle ses comptes. Des cérémonies successives dans les temples, pour apaiser les dieux de la mer, puis les dieux inférieurs avec sacrifices de poulet, et celui d'une vache, sans doute pour les démons. Que tous les plans vivent en harmonie. On donne un peu aux démons, pour qu'ils nous laissent tranquilles. Je trouve que ça marche bien, mais il faut connaître Bali, sinon on s'imagine que c'est proche du vaudou, et ça n'a rien à voir, Bali possède une culture métaphysique profonde, et n'est comparable à rien.



Toujours est-il que je me suis couché très tôt et suis resté longtemps éveillé pendant la nuit, et là, à nouveau, l'extraordinaire. Le supramental était léger, pas une illumination, mais dans le physique...Le Supramental m'envoie dans mon enfance, et je me retrouve dans la chambre où je dormais petit (entre sept et douze ans). Si je relâchais mon attention je me croyais dans cette chambre, c'était très amusant, et j'ai retrouvé des tas de détails. C'était aussi le bureau de mon père (qui m'a toujours fait peur) et je me suis souvenu d'une étagère années cinquante sous la fenêtre, et que le placard recelait d'un côté l'uniforme d'aviateur de mon père et de l'autre mes vêtements, je me suis souvenu d'une belle pendule très dépouillée, en bois, posée sur son bureau, d'aérations de cheminée en laiton, autour de la cheminée elle-même, comme si j'y étais. Difficile à croire que la mémoire existe dans des conditions pareilles. Cela ressemble plus à un voyage dans cette époque-là, c'est-à-dire un retour, comme ce qui s'était déjà passé il y a un an, mais c'était alors dans la cour de la même maison, à laquelle je n'ai absolument pas pensé cette nuit. Gros sanglot quand je pense à un de mes premiers livres d'images, Pitou la petite panthère, où je me suis mis à aimer cet animal imaginaire, alors que je manquais cruellement d'attention et d'amour autour de moi. La visite a duré très longtemps, une heure ou deux, mélangée de considérations sur ma famille, et les autres pièces, finalement cette pièce était bien mon premier chez moi, par rapport aux autres, et mon père était assez discret dans son bureau.



C'est comme si le Supramental voulait me redonner les racines de cette époque, où j'étais toute pureté. J'étais dans un état physique tout-à-fait remarquable également, toute la nuit.



En fait, petit, j'étais si curieux de tout que je n'ai pas souffert consciemment de manques affectifs, mais c'est descendu dans l'inconscient. Je me souviens quand même que j'avais souvent des crampes aux mollets, et pas mal de cauchemars, sans doute à cause du climat délétère constant entre mes parents.



Aujourd'hui rien ne bouge, c'est Niepi, silence absolu dans Padang Bai, personne sur la plage. Ce soir pas de lumière ni de bougies. Journée vraiment tranquille. Bon site web sur la vulgarisation scientifique, surfer est enfin presque indispensable ici, puisque je vis seul, et ne peux ni écrire tout le temps, ni chasser toute le temps, ni m'abrutir d'échecs. Lu les menaces d'El Kaïda, hallucinant, sur lemonde.fr. « Bush nous avons encore besoin de ta stupidité. »



Repris mon roman de S.F.

Bon flash intellectuel à partir du livre de Stewart, sur l'effet papillon, l'imprévisibilité en météorologie. Ne fait que renforcer mon intérêt pour la géomancie, le yi-king, les tirages que je crée en séminaire. Les arts divinatoires intuitifs contournent la question de l'imprévisibilité. Il y aurait encore beaucoup de recherches à faire là-dessus. En tout cas je le fais naturellement, c'est en moi, l'amour des premiers nombres, tout ce qu'on peut mettre dedans. Les nombres comme des champs producteurs d'événements, attracteurs étranges and co, pochoirs de formes archétypiques, etc...



Impuissance du mental. Il confond la stabilité et la stabilité périodique. Il faut être physicien ou mathématicien pour faire la différence. Il y a peu de systèmes stables qui ne bougent pas. En général, de petites fluctuations se produisent à l'intérieur, sans compromettre la structure d'ensemble. La stabilité inerte est celle de la matière morte, et encore, mais la stabilité de la vie maintient son propre équilibre par de multiples variations constantes, petites sans doute. Entre l'inertie pure et la frontière du chaos, où la force centrifuge crée sans retour de l'hétérogène, tous les autres systèmes stables bougent, même peu, mais ils bougent. Il n'y a donc pas que l'action et le repos, mais aussi un peu d'action dans le repos, comme le point noir dans la goutte blanche du Taï chi. Il y a du jeu dans l'espace, comme on dit de pièces mécaniques qu'elles ont pris du jeu. Il y a du jeu partout, dans tous les sens du termes.



Le mental ne voit pas certaines gradations, à moins de se mettre à la tâche. D'où les représentations fallacieuses dans tous les domaines. Et la nécessité de s'impliquer pour ne pas dire n'importe quoi, voir n'importe quoi, suivre n'importe quoi. La vie en profondeur est plus difficile mais elle est plus vraie.



Si l'on préfère une vérité dérangeante à une illusion gratifiante, on veut en finir avec le primate. Ce n'est pas tout le monde, my God.



P.S Impression très nette d'un joueur d'échecs : la nuit dernière, avec l'enfance retrouvée, a été une riposte à l'attaque de la nuit d'anniversaire. Il n'y a que la guerre, pour moi. Et rien d'autre. Je ne l'ai ni voulu ni décidé, mais c'est observé.


1 Avril 2004


Cela fait une dizaine de jours que je n'ai pas tenu le journal au bénéfice d'une écriture très rapide, sans corrections, plusieurs heures par jour, d'un roman de science-fiction, l'Empire contre la Confédération, presque terminé aujourd'hui. Pendant plusieurs jours j'étais fort identifié à moi-même ; en pleine création, et la force se tenait tranquille dans le corps, mais perçait parfois tout doucement par le sommet de la tête, ce qui signifie bien que certains êtres doués pour la réflexion et l'exploitation de l'intellect continueront de faire marcher le ciboulot avec le Supramental, quoi qu'en disent les simplificateurs, que l'intelligence gêne, et qui aimeraient décréter la naissance d'un Supramental à leur mesure. Mais avant-hier, j'étais dans un état inconnu, ni bien, ni mal, ni étranger à moi-même mais fort étrange. Je suis allé me promener pour la première fois sur la route qui sort de Padang Bai tout en longeant le littoral et j'ai trouvé une piscine d'eau de mer dans les rochers, où je me suis baigné, plus seul que seul. J'étais arrivé par la plage mais en repartant par l'intérieur j'ai croisé deux temples, et sur place, j'avais eu le sentiment que je dérangeais, aussi j'ai salué à tout hasard les entités des temples. A vrai dire le premier événement marquant, c'était à mon réveil où je me suis souvenu que j'avais rêvé d'un lézard avec la queue coupée au fond d'un bocal d'aquarium. Il se trouve que pendant la promenade, à un moment, j'ai fait demi-tour, car je ne trouvais pas la guest-house que je cherchais, et à ce moment-là, par terre j'ai vu un lézard mort, sans queue, mangé par les fourmis. De toute façon, dans l'état où j'étais je ne pouvais m'étonner de rien, mais je me suis souvenu, sans les détails, que ce n'était pas la première fois, peut-être la deuxième ou troisième que je vivais un truc comme ça. Comme si pendant mon sommeil je m'étendais dans le futur, le vrai, et en saisisse quelques bribes, transformées naturellement. Après la piscine naturelle et les temples, j'ai traversé un champ avec plein d'insectes que je connaissais, des coléoptères rouge et noir, un papillon jaune, plus petit mais analogue aux citrons de France et j'ai trouvé étrange ces similitudes, puis j'ai eu de la peine à retrouver mon chemin, et une femme qui cultivait m'a accompagné et j'ai traversé une porcherie, avec des enclos de chaque côté, ce qui m'a rappelé que mon nom de famille, en savoyard, veut dire boîte à cochons, selon un pion que j'ai eu à douze ans dans un collège huppé de haute-Savoie, chose que je n'ai jamais pu oublier. Finalement j'ai pas mal marché sous la chaleur, et au retour, j'étais dans un drôle d'état, je me suis allongé, et là j'ai eu une émotion extraordinaire, une partie de moi a saisi le miracle que ça représentait que tout ça, la vie, soit sortie du néant, et j'ai eu un sanglot très violent. Peu après, j'ai senti que tout cela existait facilement, sans se préoccuper du Divin, et que finalement, trouver le Divin était mon affaire à moi, quelque chose de personnel, du personnel qui deviendrait de l'universel, mais pour une fois, je n'ai pas du tout été affecté par le fait que les humains se moquent du Divin, ou n'aient pas besoin de Le rechercher (ce qui revient au même).



Il y a peut-être une libération karmique qui s'effectue de ce côté-là.



La fin de la journée s'est bien passée, après une petit retour en arrière, où j'ai quand même trouvé la note un peu salée pour sortir du néant, (la souffrance, la cruauté), mais ça ne l'a pas emporté sur la première impression qui m'a arraché un sanglot monumental.



Hier, en pleine forme je suis allé nager, puis j'ai joué aux échecs le matin au restaurant, et suis tombé sur un allemand d'un niveau exceptionnel qui m'a battu deux fois. Revenu à la maison, la force a travaillé très très fort, sans prévenir, et d'une manière très agréable dans le cerveau, et elle a tout de suite mis toute la gomme. Tout le derrière de la tête a été pris, jusque dans les os, et d'une force extraordinaire, et cela a duré longtemps après une petite sieste où là j'étais carrément terrassé. Malgré une indigestion (je sais maintenant qu les maquereaux locaux, gorgés de sangs, ne me conviennent pas) la force a superbement travaillé toute la soirée, et aujourd'hui encore j'ai l'impression d'avoir dix ans de moins. Le corps doit s'habituer. Ceci dit, cette pleine forme physique ne s'accompagne pas d'un réel détachement, car je trouve les femmes plus belles que jamais, naturellement. Si j'en vois, car autrement il n'y a pas la moindre trace d'intérêt pour ça, mais l'œil lui est vigilant. C'est quand même là que c'est difficile d'accepter, ce yoga, car on est dans une telle reconnaissance et une telle joie, que l'érotisme dans la foulée pourrait être vécu sur un autre plan, mais sans doute pas longtemps, ça redeviendrait quelque chose de banal, avec des attentes. N'empêche qu'à certains moments la femme me manque, alors au lieu de me plaindre, je me dis que je pourrai m'autoriser à revivre quelque chose, même si je n'y crois pas vraiment, et ça passe beaucoup mieux. Ce n'est pas une ruse, je ne crois pas à l'avenir écrit d'avance, ni à la volonté, alors l'option d'une rencontre, même si ce n'est pas le yoga radical, je suis obligé de la reconnaître comme éventualité, pour calmer je ne sais quoi, le vital peut-être.



Oublié de mentionner que la veille de la promenade, ai vu un beau requin de deux mètres passer sous moi, à cinq mètres, quand je faisais de la chasse sous-marine à la sortie gauche du chenal, sur un lieu que j'aime bien, plein de corolles de corail et de sortes d'éponges froissées en éventail par six mètres de fond. C'est rare, et ça fait un drôle d'effet. Je dois m'habituer à l'idée qu'un jour il en viendra un voir ce qu'il y a au bout de ma flèche, et me persuader déjà que ce n'est pas à moi qu'il en voudra. Assez difficile.


20 Avril 2004


Depuis hier, complètement écrasé par la force, mais dans une sorte de reconnaissance très agréable de la chose, bien que le sentiment de fatigue soit assez net. Cela avait commencé à Ubud, un matin, il y a trois jours, où je me suis réveillé désincarné. J'étais bien, mais rien n'avait d'importance dans ma vie, et même mon installation à Nusa Penida, qui d'habitude me permet d'envisager des bons séjours là-bas, ne voulait rien dire. Je suis allé avec MC, qui vient de France (elle suit mes séminaires), vers les volcans, avec Chakra, mon ami balinais, puis MC est restée à Ubud et je suis revenu à Padang Bai. Hier matin, j'avais les bronches qui formaient beaucoup de mucosités, mais je suis allé faire une petite sortie de chasse sans bateau, à droite du ferry. Quand la marée est redevenue descendante j'ai dû faire un gros effort trois minutes pour ne pas être drossé sur les rochers. Au retour, j'avais une drôle de sensation dans les jambes, comme si les fémurs étaient vides, c'était vraiment étrange, et j'ai remarqué que le corps n'avait jamais connu de sensations pareilles. J'ai mangé à la maison, puis me suis gavé de chocolat en sentant que j'avais l'impunité, et c'est là que la force s'est abattue partout à la fois, avec une extrême fatigue. Même après la sieste je n'ai pas pu faire grand chose, et le soir, je suis parti dans un mélange de conscience supramentale et d'énergie supramentale dans le physique. La seule chose qui était encore réelle c'était le temps, l'abîme du temps qui s'ouvre devant soi, et que ce temps soit continu, éternel, ou discontinu, une suite de moments. Cette distinction n'avait plus aucune importance, et même, n'avait plus aucun sens. La seule chose réelle, c'était moi percevant la durée. Tout le reste semblait accessoire, comme si la durée formait le socle absolu de toutes choses, mais une durée étalée, pas seulement le Présent, un présent étalé partout, sans doute éternel, et égal à lui-même en chaque point du déroulement.



Alors j'ai compris que le Supramental pouvait être une extension du Brahman, ce que disait Sri Aurobindo je ne sais plus où, et qui m'avait valu de disputer avec un lettré parisien assez snob, ami de S Jourdain, qui était persuadé à l'époque que je survalorisais le Supramental au détriment du Soi. Oui, quand on touche ce genre de silence absolu, comme hier, où le moment fait corps avec le passé et l'avenir, comme si l'on tombait dans une matière fluide d'un seul tenant, alors on peut considérer le Supramental comme une extension du Brahman, mais ce Brahman-là, honnêtement, je ne pense pas que nous soyons nombreux à pouvoir nous y rendre. C'est une sorte de Brahman de luxe, un super soi, un super Parabrahman, et je ne vais pas me plaindre de l'avoir gagné avant de m'être endormi. Je ne suis d'ailleurs pas certain d'avoir vécu une expérience analogue auparavant. C'était vraiment le temps qui dévoilait sa nature divine, complètement. Il me reste à accepter peut-être de ne voir plus que la durée comme réalité, auquel cas toute ma vie extérieure pourrait changer de structures en permanence. Je pense que si quiconque faisait cette expérience trop tôt, il perdrait complètement ses racines, c'est parce que je suis maintenant rompu à toutes sortes d'excentricités dans les perceptions qu'une percée de ce type s'effectue sans problème. Autrement, sans préparation, tous les repères s'effondreraient, et les traces de cette expérience ne seraient pas forcément positives. Ceci dit, avant-hier j'ai senti le mental physique à l'affût, comme une bête sauvage, prêt à essayer de me convaincre que j'allais sombrer dans la folie — si j'avais laissé le mental s'emparer de cette impression immense d'être désincarné, sans rien devant.



J'ai bien dormi, et ce matin j'étais en forme dès six heures, mais après une sortie pour le petit-déjeuner et voir mes emails, puisque je n'ai plus de téléphone, je suis à nouveau écrasé, et j'ai pris la peine quand même d'écrire ces lignes, car là, le Supramental se présente bien, et il faut le célébrer.



Si le corps supporte de telles doses, je vais parvenir à bout peut-être de la petite bronchite chronique héréditaire, et des moments dépressifs le matin. Mais il faut dormir beaucoup, et encourager la force. Derrière la tête, cela fait une semaine qu'elle travaille aussi énormément, et parfois j'ai l'impression que ça rafraîchit le cerveau. En revanche, les muscles maintenant brûlent, et je vais me recoucher.







Je ne sais pas exactement pour quelles raisons je n'arrive pas à tenir un journal régulier. En tout cas, j'ai fini mon space-opéra, et viens de reprendre la fin de scénario pour l'Apocalypse. E se débat pour qu'il y ait un séminaire à Lyon, mais moi je sens que trois des quatre personnes sur qui je comptais s'en foutent, et finalement je ne sais pas si cela aura lieu.



Il y a une petite perspective pour le livre guérir par l'éveil, grâce à un medium spiritualiste, qui révèle l'enseignement de Telos.



Je ne sais pas si je vais récupérer le téléphone ici, auquel cas je ne resterai pas l'année prochaine. Le branchement n'était pas conforme, et après un dérangement, telkom refuse de remettre en service. Tout mon projet de consulter internet pour mon travail et la culture s'effondre. Les cybercafés du coin peuvent dépanner, mais ce n'est pas pareil, je n'ai pas envie d'y rester longtemps, c'est vraiment très lent, et cela peut m'obliger à sortir. De toute façon, avec cette irruption de la durée comme seule réalité, je n'ai pas de peine à entrevoir un nouveau déménagement. J'ai de la peine à réaliser que mon retour en France est imminent. Heureusement, dans mon studio de Nice je devrais pendant quelques jours préparer une collection de mandalas pour tee-shirts et une autre avec quelques motifs de surf, pour Leon, un américain de mon âge très sympa, qui fait de la pêche, et a lancé la première industrie de vêtements à Bali en 72 peut-être. Je ne lui en ai pas encore parlé, mais j'ai envie d'essayer, il y aurait de toute façon un libelle avec le mandala, du style, Lumière, Paix, harmonie, liberté, Création, en anglais, etc... Je referai aussi un peu de musique, donc je devrais supporter la piaule de 15 m carrés pour une dizaine de jours sans craquer.

Mais c'est bien que je m'habitue à ce retour, car il y aura un sacré contraste.



Je dois également mentionner que plusieurs nuits consécutives, j'ai fait des rêves où des forces essayaient de me détruire. Le seul souvenir très net, j'étais étranglé par un surhomme style nietzschéen et je lui disais, à lui et à sa bande, laissez-moi vivre, moi je vous laisserai vivre, il y a de la place pour tous, et en tout état de cause, celui qui m'étranglait n'est pas arrivé à ses fins. C'était peut-être un rêve spécial, un contenu causal, le Supramental dérangerait donc certains surchauffés de la tronche, très intelligents, mais bien décidés à ne se soumettre à aucune autorité, et à rejeter le Divin. En tout cas, ils voulaient m'exécuter froidement, comme s'ils étaient convaincus que je ne leur accordais pas le droit de vivre, et qu'ils devaient donc me supprimer. Mais j'ai pratiqué le système balinais, « il y a de la place pour tous », et je m'en suis sorti.



Réécouté une partie de mon séminaire, un passage est très important, et même l'ensemble tient la route. C'est comme si je pouvais brosser l'échec spirituel de l'humanité, avec un seul principe:



la partie qui se prend pour le Tout.



Je ne peux même plus évoquer à quel point le zen me semble creux, à part quelques textes fondateurs, à quel point le christianisme est prétentieux, à quel point le Nouvel-Age est conçu pour se féliciter d'être ce que l'on est, moyennant quelques opérations de chirurgie esthétique. J'ai dû passer subrepticement dans un autre état. La pauvreté des religions, et même de certains ésotérismes, maintenant, me saute aux yeux. Avant, cela me révoltait, aujourd'hui, c'est autre chose. La vision d'un sommeil convenu entre tous. Tout le monde complice. Sauf peut-être l'avatar et ses pseudo-disciples. Mais après tout le monde se donne le mot pour faire semblant de suivre, d'appliquer, et on fait autre chose, et surtout on brode. Un mensonge colossal. Je n'ai même pas encore d'explication. Il faudrait ajouter des tas de paramètres, la possibilité de comprendre de travers, le manque de motivation réel, l'usage pragmatique et fermé des sutras, le besoin de faire des compromis permanents pour ne pas s'abandonner au Divin, et penser quand même un peu à Lui. Il est clair que mes quatre mystères expliquent tout, et que je pourrais gloser là-dessus jusqu'à la fin de ma vie. Je ne vois rien qui puisse compromettre cette structure, rien. Je l'ai découverte en me remémorant comment j'avais survécu à la crise de Mayotte ; où je suis allé puiser les éléments de ma survie, et j'ai bien tiré des ressources de quatre lieux différents, mes mystères. J'hésite à vulgariser le système. Il pourrait être si facilement perverti, déformé, récupéré, que je ne sais pas à qui le livrer, en-dehors de mes pseudo-disciples. Ils ont d'ailleurs la consigne de ne pas faire écouter les passages qui traitent directement des 4 univers, alors qu'ils possèdent l'enregistrement total du séminaire. Sri Aurobindo a bien travaillé toute sa vie sur Savitri, alors pourquoi m'interdirai-je, si besoin est, de fournir un nouveau système évolutif ? C'est amusant, et je dois accepter que la chose, de toute façon, se transforme si elle se développe. Mais je n'ai pas envie que cela devienne n'importe quoi  ! (Devenu la méditation quantique, voir Ecrits).


22 Avril 2004


J'ai eu une très grosse émotion dans la nuit d'avant-hier, et finalement j'en parle. La force a travaillé tellement profond qu'elle a attiré aussi de la conscience Supramentale et d'un coup j'ai senti que je quittais l'humanité. C'était un départ irrémédiable. Et contrairement à ce que je me fais croire, j'aime l'humanité, et donc la quitter c'était très émouvant. C'est comme si j'avais saisi quelques minutes le travail que j'avais fait depuis 1977 et que cela me mettait, maintenant, hors de l'humain, parce que le Divin le décidait ainsi. C'était comme la conséquence du chemin parcouru, et la justification que le Supramental libérait la Manifestation.



C'était vraiment émouvant, mais je ne sais pas dire si cela me faisait souffrir ou pas, c'était au-delà, et pourtant une émotion forte avec un gros sanglot, très violent. Toute la journée j'avais baillé à m'arracher la mâchoire, comme si le corps voulait monter à une vibration de paix inconnue. Alors je me suis vu quitter l'humanité, c'était imprescriptible, ce n'est même pas moi qui le voulais, c'était écrit depuis le 10 janvier 1977, depuis Satchitananda. Cette expérience me donne confiance dans la Manifestation supramentale. Mes vingt-cinq ans de lutte, qui pouvaient passer pour autre chose à cause du lâcher-prise, et d'une certaine désinvolture, débouchent enfin sur quelque chose. Cela fait trois jours avec aujourd'hui que je sens que je peux fonctionner autrement. Il semble qu'une page ait vraiment été tournée.

Nouveau gros sanglot tout-à-l'heure. Pourquoi existe-t-il des gens comme ma mère, des personnes qui ont le mensonge dans la peau et qui ne peuvent faire que ça toute la journée, toute leur vie, mentir  !



Cette nuit, drôle de rêve, attaqué à plusieurs reprises par de petits singes qui mordaient salement, touts petits, dont je devais m'occuper pour je ne sais quelle raison.



Techniquement, beaucoup de sensations dans le cerveau, presque tout le temps, et des vagues parfois qui descendent des reins vers les cuisses, à peine perceptibles. Je suis peut-être en train de convertir le mental physique, je l'ai senti se recroqueviller ce matin, et lancer des impulsions autour du sexe, mais j'ai tellement reçu de force que j'ai l'impression que même lui en a profité. Peut-être que ces lignes ne seront pas comprises avant plusieurs siècles, mais il faut bien les écrire quand même. Depuis que j'ai vu la terre suspendue dans le ciel comme une simple guirlande de Noël, le temps ne veut plus rien dire du tout, sauf justement quand il n'y a que lui, comme l'autre soir, et qu'il est insécable, d'un seul tenant, un bloc indescriptible — le fameux Brahman des veda, bien plus consistant que le soi qui procure la libération du mental. Peut-être que le fait de m'être rendu si loin va influer considérablement. L'expérience n'a pas dû durer plus de trois-quarts d'heure, mais comme toute ma matière était prise là-dedans, avec la complicité de l'esprit qui s'élargissait, et sans doute avec l'être psychique qui assistait, j'ai peut-être préparé le cerveau à d'autres choses.



Je redors le matin, après mes œufs au plat, sans aucune culpabilité. Il suffit que je repense à la crise de Mayotte pour me féliciter d'être là, et alors j'utilise le sommeil pour faire travailler la force. La fin de mon roman n'avance plus, mais je m'en fous. Ce sont trois jours vraiment bénis. Je continue à récupérer de 2001.





Les événements exceptionnels que je viens de vivre me poussent à reprendre le témoignage sur le travail de la Force, sans fioritures. Début décembre, j'ai pu faire descendre une force d'apaisement très puissante en évoquant Lao-Tseu, quand j'étais à Pekin. Après quoi, sans raison apparente, j'ai fait une « rechute », c'est-à-dire acidité gastrique plus douleurs en haut des poumons à droite, jusqu'au cou. J'ai été surpris, puis trois jours plus tard, j'avais retrouvé une bonne forme. Ensuite, j'ai commencé un livre très inspiré, à base d'astrologie, et j'y ai travaillé plusieurs heures par jour. Un médecin chinois m'a trouvé plein d'eau, et dans un sale état, mais moi je trouvais que ça continuait d'aller mieux quand même, et je n'en ai pas tenu compte. La veille du départ pour Bali, nouvelle attaque, et par recoupements, je suis enfin certain que dès qu'il y a un enjeu quelconque, je suis attaqué de l'intérieur. L'enjeu était minime, mais c'était quand même un départ, beaucoup d'attente à l'aéroport, et un trajet de six heures en avion. Bref, j'arrive à partir mais dans un état pas formidable. Puis arrivé à Singapour, tout devient difficile mais je supporte, longue attente du taxi (c'était le début de la nuit), impossible de trouver l'hôtel, on tourne en rond vingt minutes, et puis je décide de descendre. Encore un quart d'heure à interroger, et finalement l'hôtel se trouve à cinq cents mètres. Très mal accueilli, on me réclame un second paiement, alors que c'est déjà payé par internet. Mais c'est la vibration de l'Inde, Little India, et je récupère dans ma chambre minable à quarante euros, en appréciant le contraste avec le logement ultrachic de Pékin, où E est logé. Le lendemain, rebelote, je veux laisser mes bagages pour aller acheter un billet d'avion, mais le directeur dit devant tout le monde, laissez-les là (en plein milieu), on ne vous les volera pas, enlevez seulement les objets de valeur. Dégoûté, je décide d'emmener ma petite valise à roulettes et de partir, on me rattrape encore pour me faire payer plus, mais je grimpe dans le taxi. Je parviens à trouver un billet pour le jour même pour Bali, et je me promène un peu en traînant mon bagage. L'avion partira avec quatre heures de retard, et je passe toute la journée à l'aéroport. Enfin, j'ai évité les « achats compulsifs » auxquels normalement personne n'échappe à Singapour, avec soldes sur appareils photos, ordinateurs, et n'importe quoi d'autre...


A Bali, ça va mieux, mais je ne remonte pas vraiment la pente, et voilà qu'une des expériences les plus extravagantes de ma vie va se passer. Pourquoi j'en parle ? Pour ceux qui après moi, se lanceront dans le yoga supramental hyper-physique, comme le mien. Qu'ils sachent que le Divin n'a pas de limites ! Donc, je vais mieux, mais ce n'est pas encore ça, le 21 décembre, je sens que je dois prendre 9 granules de Natrum carbonicum en 30 ch, que j'ai l'heur de trouver, alors que je ne savais pas s'il m'en restait. (Ce truc est magique pour moi, depuis que j'ai su que c'était ça qu'il me fallait, à Mayotte, et tout à fait par hasard, quand mes gènes ont explosé). Il ne se passe rien de spécial, mais le lendemain ça va mieux, et je me dis, l'homéo, c'est trois jours, recommence. Je sens à nouveau qu'il me faut 9 granules le second soir, et là j'entreprends un voyage extraordinaire. Un peu de supramental descend dans la conscience, éradique le Mental, et il n'y a plus rien, sauf parfois quelques images. Puis je vois défiler des bataillons de fourmis (fausses images comme celles des souvenirs) et je comprends qu'il y a eu parmi mes ancêtres quelqu'un qui avait la phobie des insectes. Parce que je me sens tout bizarre, malgré la conscience supramentale, légère, et très dans le corps. Puis je me mets à avoir froid dans le dos, et soudain l'image surgit, plus réelle cette fois, celle d'un bébé mort dans un berceau ovale noir, et je me sens transporté dans un sentiment d'horreur indéfinissable, inconnu jusqu'à ce jour, tandis que tout mon corps frémit légèrement, et comme je suis hors d'état mental, il n'y a pas d'interférence ni d'interprétation, et je revis donc un infanticide ! Le dos est vrillé de sensations comme de petites spirales de glace qui me transpercent, et je ne fais toujours rien, sinon que j'assiste, en le sachant confusément, à la libération de quelque chose d'effroyable. Dès que l'image se représente, nouvelles sensations glacées qui sortent, et qui cherchent à expulser cette horreur vivante.


Enfin, quand mon esprit, vierge jusque-là de toute pensée, fabrique le mot « meurtre », alors là, c'est un déferlement de sensations dans le dos, et jusqu'au bas des reins. Près de quinze jours après, le fait d'évoquer cet épisode maintenant même, recrée un tout petit peu les mêmes symptômes: c'est dans ma chair, my God, mais ça suinte et va finir par disparaître. Dès le lendemain, attention les yeux, j'ai retrouvé un état d'esprit que j'avais perdu il y a près de trois ans (à un mois près), soit « la saveur de la vie », quelque chose qui m'est indispensable, et qui avait mystérieusement déserté mon esprit et mon corps. J'ai conclu que j'ai balayé un préjudice très profond qui entravait la suite de la supramentalisation. Je passe donc à nouveau quelques jours confortables, puis un matin, pas moyen d'aller à la selle, et je me sens désincarné, sans trace du moindre amour pour quoi que ce soit. Cela, je connais, ce sont les restes de ma chère maman, maniaco-dépressive. En plus, il pleut comme jamais depuis trois jours, et je décide de partir en voiture trouver le soleil au nord, réputé plus sec. C'est amusant, parce que c'est la route de Candi Dasa et d'Amed, où j'ai déjà vécu la même chose il y a six ou sept ans.


Je dors à Candi Dasa, avec un bon bouquin trouvé dans le coin, et le calme et le bruit de la mer me requinquent un peu. Le lendemain, je gagne Amed, c'est le trente décembre, mais toujours de la pluie. Discute avec mon ami pêcheur. Je marche un peu quand même, et lis Philip Roth. Le trente et un, je change de chambre, en fin de matinée, j'apprécie la mer à quelques mètres de ma terrasse, tourmentée par un grand vent, et je vais à la selle pour la seconde fois. Et là, je ne sais pas ce que j'expulse, mais c'est comme une libération, et je retrouve enfin mon « assiette », perdue depuis deux jours. Donc, voilà pour moi ce que c'est devenu le yoga supremental: un chantier dans le corps physique, pour faire sortir toutes les scories héréditaires, ancestrales et karmiques.


Depuis cette date, ça allait vraiment mieux, mais ce matin, état vraiment bizarre. A la fois très bien, parce que je sens la force présente, et mal dans le corps sans savoir pourquoi. Je vais au marché aux poissons avec ma « pambantu », mais au retour, j'esquinte la voiture de location sans aucune raison, sur le côté, en déboîtant. Il y avait le soleil en face, mais ce n'est pas une raison quand même. De retour, je ne peux rien faire, rien du tout. Je m'allonge, me demande ce qu'il y a... A nouveau une douleur monte, profonde, je sanglote, images de l'Espagne ou du Portugal, belles fontaines, puis le corps qui se tord quelques secondes, pareil qu'au mois de juillet, avec cette histoire d'Inquisition, et plus d'un mois de travail à laisser parfois monter le préjudice, pour le nettoyer, quand ça se présentait.


A moins que j'invente tout ça, (ça ferait plaisir à certains, je sais), cela confirme le traitement transgénérationnel que je suis en France. J'y suis allé trois fois depuis septembre, et je crois que je ne l'ai pas consigné, mais il y a eu beaucoup beaucoup de souffrances chez les femmes côté paternel, et un gros dégât à la sixième génération côté maternel. Je progressai à chaque séance, mais même à la troisième, il y avait toujours un ou une ancêtre qui barrait le passage. Le thérapeute fait ce qu'il a pu, avec huiles essentielles et « verbalisation », et je lui suis très reconnaissant.


J'ai l'impression que c'est la mémoire de l'infanticide qui sabotait le présent dès qu'il y avait un « enjeu ». Le caractère pyschosomatique de mon mal m'était déjà clairement apparu, et apparemment cela remonte a l'été 2008, où je commençais à ne plus pouvoir sortir du mal pulmonaire, tandis que l'acidité gastrique se mettait en place. Je crois que j'ai touché dans mes gènes quelque chose qui concerne la « responsabilité », et qui a torturé la vie d'au moins une personne, la mère qui a tué son bébé, qu'on l'ait forcé ou non à le faire. N'oubliez pas qu'on ignore à quoi servent les neuf dixièmes des chromosomes. Bon, si tout cela vous dépasse, no problem, prenez-le comme de la science-fiction. Moi j'assume mes responsabilités, justement. Aller là où nul ne s'est rendu, et continuer le travail de Mère.


Cela faisait aussi depuis deux mois que j'avais une douleur au milieu du dos, pas physique, sans doute des mémoires aussi qui sortaient, et mon épaule gauche était endolorie très souvent, mais elle expulse aussi un tas de choses, et ça va mieux. Enfin, tout le haut du dos est un réservoir de mémoires pourries, et je pense que c'est pareil pour tout le monde. Une zone incroyable qui stocke les non-dits familiaux, les poussières sous le tapis, et tutti quanti. Bref, le travail continue. Quand j'ai senti il y un plus d'une année « qu'on avait voulu me détruire », (ce qui est certain, mais ça s'est passé dans l'occulte), cette information passait très très mal, et je ne la supportais pas, pleurs etc... En fait, c'est cette information-là qui a réveillé l'histoire, un peu plus tard, d'un initié torturé par l'Inquisition. Fait confirmé par une expérience encore plus invraisemblable que les autres (mais le Supramental lui aussi, n'est-il pas invraisemblable), la rencontre avec l'âme voyageuse qui avait signé le décret autorisant la persécution... Au début, j'avais juste vu cela pendant la consultation, ce qui expliquait le thème natal très difficile de la personne en question, puis nous sommes entrés tous les deux dans une sorte d'autre dimension, et nous nous sommes mis à pleurer ensemble comme des malades plusieurs minutes, parce que là, pour la première fois, j'ai senti que j'avais été « moi-même » impliqué dans une rafle, par sa faute, et un petit mouvement infinitésimal de haine s'est produit, mais comme il m'arrive parfois d'être le Seigneur (très rare, mais ça se produit), Il a pris les choses en main, et a nettoyé tout ça.


Supramental, vous avez dit supramental, et à quoi ça sert, je vous prie ? On n'en sait trop rien pour le moment, mais ça creuse un maximum dans le passé, en tout cas. Vous n'avez qu'à vous inscrire sur la liste d'attente, dans une de vos prochaines descentes sur Terre, cela risque de vous arriver, et même cette vie-ci, si vous trouvez l'éveil insuffisant (après vous y être vautré, bien entendu).



30 Janvier 2012


Le combat contre cette étrange maladie, gorge, poumons à droite, qui me fait sans cesse cracher et produire des mucosités que j'avale, va entrer dans sa cinquième année. Une grippe d'une violence extrême, il y a trois semaines en arrivant à Bali après Shanghaï, m'a complètement bousillé. Mais en descendant très bas, j'ai eu l'impression de décrocher un envoûtement, alors que je crachais de plus belle. Une personne qui m'avait servi ici semblait présente dans la pièce, pourtant je n'avais aucune raison d'y penser. Ce point reste à éclaircir. Bref, j'ai trouvé des astuces pour remonter la pente. A un moment, j'ai carrément vu une bouteille de coca-cola devant mes yeux. Quand ça arrive, c'était la deuxième fois de ma vie, ça veut dire que je suis complètement déshydraté. Moralité, je me suis mis au coca coupé d'un tiers de jus de gingembre frais, et je bois plusieurs verres par jour. Ma gardienne, qui travaille tout le temps chez les voisins, passe son temps à me faire du jus de gingembre au blender quand elle passe.


Un ami kabbaliste a trouvé naturellement des attaques comme d'habitude, et a essayé de me repositionner. Certains de mes ascendants feraient encore obstacle. Enfin, j'ai tiré sur imprimante une photo de Mère Meera, que j'ai posée en face de moi, et je lui ai demandé de m'aider. Dans l'ensemble, avec toutes ces mesures différentes, sans compter le temps immense passé à la maison, à méditer, faire le mantra et lire, je sens que je remonte la pente. De l'énergie descend dans le corps, et depuis juin seulement, je parviens à la placer dans la zone contaminée. Je m'étais en quelque sorte préparé à cette descente aux enfers en Chine. Des heures et des heures de mantra la nuit, ne récupérant pas du décalage horaire, et très peu de nourriture, une petite ration de pâtes, une poire dite royale, et de temps en temps un chocolat à l'eau avec des biscuits. Deux ou trois extras seulement au restaurant, et encore très sobres. Près d'un mois de ce régime, tout ça pour compenser une très mauvaise expérience. Un ressac maniaco-dépressif, une sorte de soliton génétique, qui m'avait sabré à Saint-Germain avant mon départ. Le pire c'est que je savais que c'était ça, et je n'ai rien pu faire ! Une grande exaltation psychologique avait monté tout un dimanche, accompagnée d'une fringale incoercible. Je sais que c'est un souvenir de ma mère, qui heureusement frappe de moins en moins souvent. J'avais donc « mangé », et le lendemain, mouvement contraire, plus d'exaltation, plus d'appétit... Cet événement m'avait mis mal, et le contact avec la Chine m'avait poussé dans cette ascèse drastique. Et puis un truc étonnant, horrible et merveilleux, après quinze jour à peu près : une odeur d'huître pourrie et d'oeuf puné dans la morve que je mouchais, odeur qui se manifestait pour la première fois, avec le net sentiment que cette fois «  l'esprit du mal » concernant la gorge et les bronches, commençait à sortir ! Mais j'étais très faible à manger si peu, un seul petit repas à la tombée du jour, et je tenais avec le mantra.


Pas étonnant que j'ai été cueilli par une grosse saloperie après trois jours de déluge non-stop. Je n'avais jamais vu cela à Bali, et l'impression que la nature attaquait a duré jusqu'à la semaine dernière. Puis une journée de vrai beau temps a commencé à remettre les choses en place, il y a trois jours.


J'ai repris le journal car cela a été comme une injonction, je devais dire certaines choses, et ça s'imposait. C'est venu hier, et comme aujourd'hui je ne souffre pas trop, j'inaugure mon petit bureau, que j'adore, et que j'ai fait repeindre à mon arrivée (corail et chocolat). C'est là que j'ai l'intention d'écrire des choses décisives, après quoi cette maison et ce quartier pourront être abandonnés sans regret. Bref, non seulement j'ai toujours adopté un profil bas, étant incapable de me prévaloir tant soit peu de mon statut spirituel, mais je sais enfin pourquoi c'est comme ça. En-dehors des inhibitions enfantines que le soi a fini par estomper, j'ai un profil bas, tout le temps, parce que je sais l'espèce humaine menacée. Et comme j'y appartiens, je poursuis depuis l'enfance l'idée de trouver le remède, la panacée. C'est ce qui s'est produit, et c'est la raison pour laquelle j'ai pu me maintenir pendant sept ans sur des sommets incroyables. Le supramental travaillait à fond, et je n'avais pas encore soulevé les obstacles fondamentaux que je me coltine aujourd'hui.


Je ne pouvais pas être né juste après la Shoah et Hiroshima et rester indemne dans mes convictions spirituelles. Je me suis reposé dans le Soi seulement trois ans avant d'entreprendre, par la volonté du Divin, l'ascension supramentale. Depuis 1977, le monde n'a fait que péricliter. Sri Aurobindo a certes été marqué par l'Histoire, mais c'était sur la fin de sa vie. Nous sommes tous confrontés aujourd'hui à une autre Histoire, plus grave encore que celle du vingtième siècle. Autrement dit, il est plus difficile aujourd'hui de « croire » au contenu de la vie divine qu'au moment où cela a été écrit. L'expression « tout est le Divin » passe beaucoup mieux quand il y a moins de contrastes à envisager dans les catégories de ce tout. Un homme seulement « ignorant » peut facilement être conçu comme la base obscure d'une manifestation divine future. Mais la seconde guerre mondiale a ouvert sur des abîmes, et depuis, l'intégrisme, d'où qu'il soit, devient historiquement légitime. L'homme-machine, l'homme-robot, l'homme addicted au spectacle, l'adorateur du veau d'or, l'homme privé d'âme s'avère tout-puissant, foncièrement égoïste, manipulé par la nature, elle-même renforcée par la culture. Nous sommes loin de la simple « ignorance » de l'hindouïsme et du bouddhisme. Cette ignorance est aujourd'hui cultivée, elle est un critère, ce qui change la donne. Ce n'est plus une simple ignorance passive, tamasique, obscure, elle est devenue une valeur d'expression, une éthique, une culture, vivre pour soi seulement, et cela est partagé par tous (création de milliers de minisectes par affinités sur le oueb).


C'est pour cela que je dois aller chercher la sérénité très haut, très loin, et me distancier du monde phénoménal, pour éviter qu'il ne me récupère dans sa centrifugeuse chaotique. L'immanent se salit encore davantage aujourd'hui qu'hier, sa corruption ne semble plus avoir de limite. Le profil bas permet de supporter pas mal de choses. L'on peut être anéanti, comme je l'ai été une bonne semaine, sans avoir à se plaindre, sans chercher la sortie le nez sur le guidon, sans cultiver le sentiment d'injustice. Accepter ses limites est difficile. Cela peut devenir une raison de se résigner, et de finir dans la banalité, le nivellement, et son petit club facebook, réservé aux mêmes du Semblable exactement pareil.


Accepter ses limites est possible quand on s'en remet au Divin, sans rien perdre de son intégrité. C'est Lui qui décide. Mère aussi a beaucoup souffert, mais la mode complaisancielle sévit partout, et cela discrédite d'avouer qu'on en bave autant qu'un mineur de fond, alors qu'on est censé flirter avec l'Infini.


D'accord, mais rassurez-vous : ce n'est pas incompatible.



31 Janvier 2012




Mon intention doit être comprise. Je ne fais pas de la souffrance le critère du bon yoga supramental. Peut-être que certains passeront à travers les gouttes ! Je veux seulement prévenir certains candidats qu'ils peuvent tomber de très haut, après avoir éprouvé des expériences remarquables. Des souffrances karmiques peuvent revenir, des blocages transgénérationnels, et ces choses-là « essaient » d'enrayer la progression. Il y en a une quantité d'autres aussi, dont j'ai déjà parlé. Bref, même si l'état de santé est ce que recherche le supramental dans le physique, il faut s'attendre à ce que des choses se mettent en travers. Héréditaires, karmiques, ou encore génériques, comme la « démission » du corps physique, son affaissement, qui peut frapper de différentes manières, vers cinquante, soixante ans. La question est donc de supporter ces périodes sans flancher, car on ne sait combien elles peuvent durer. Et si l'on flanche, c'est à accepter aussi : on ne peut pas faire plus. Alors, on attend que ça reparte, et on se méfie autant de la culpabilité que du faux enthousiasme, construit, qui ne berne pas le Divin. Ce laminage permet sans doute au supramental de descendre dans des zones particulièrement sombres et archaïques, et le fait que nous ne puissions pas « accompagner » cette descente dans la joie s'explique par l'extrême sincérité du corps. S'il souffre, il le reconnaît. Il y a moyen de supporter, mais pas moyen de tricher, de faire comme si la douleur n'était pas là. Ce processus ne sert à rien. Elle est là et montre quelque chose, et la piste de sortie viendra sans doute davantage d'un consentement ultime et radical à la souffrance que d'une manière artificielle de « relativiser » le problème. Dédramatiser, oui, fermer les yeux, non. Ce n'est pas pareil. La sincérité absolue du corps possède quelque chose de touchant, dont on ne peut pas se débarrasser. Des tas d'aveux se font dans une solitude intégrale, une petitesse infinie, une annihilation de soi poussée, sur toutes les impossibilités présentes qui m'empêchent de jouir de l'ananda physique que j'ai déjà fort apprécié. Mais le consentement à cette perte peut quand même permettre de retrouver la paix au moindre répit, et n'est pas de la résignation. Je n'aspire qu'à retrouver une vraie respiration, une vraie santé.



1 Février 2012




Certes, il est presque indiscret de balancer sur le oueb et pour tout public la narration d'expériences extraordinaires, invérifiables et nouvelles, mais voilà leur légitimité : donner un coup de pouce à ceux qui viendront après moi, insister sur l'imprévisibilité de l'expérience supramentale, et la tentation qu'il y a, dès qu'on perd le sens exact de ce qui se passe, de « récupérer » cela avec des approximations mentales sinon fausses du moins par trop subjectives. Par exemple, je sais que je ne parviens pas à cataloguer correctement les causes entières de mon mal, et qu'il y a quelque chose qui m'échappe dans le processus d'ensemble. Pourquoi, parce que je suis coincé entre des contradictions épouvantables. D'un côté des problèmes physiques m'empoisonnent l'existence depuis 4 ans, de l'autre, dans toutes les zones « propres », mon corps se sent jeune, vivant, et possédant même une sorte d'autonomie dans la reconnaissance du don de la vie : une sensation de connivence absolue, qui, certes, n'est pas toujours là, mais dont je sens un potentiel exponentiel prêt à se développer depuis peu, si je résouds le problème pulmonaire.


Ayant toujours vécu dans une sorte de synchronicité merveilleuse, dans laquelle pour moi chaque journée me fournit des indices divins en quantité industrielle ( j'aimerais transmettre ça mais c'est du boulot de trouver les structures et les formes) pourquoi m'étonner que c'est au moment où il me semble vraiment remonter la pente, — depuis quelques jours seulement, que je tombe sur des informations précieuses, qui me manquaient. Dans son livre remarquable, si l'on pardonne le style cyber trop poussé (et qu'on n'est pas obligé non plus de finir), Villa Vortex, Maurice G Dantec balance à la page 491 un texte qui n'a rien à voir avec l'intrigue pesante, et qui me parle. Je sais depuis janvier 2001, et les quatre mois de crise terrible qui s'ensuivirent, que mes gènes ont totalement explosé. J'y ai survécu par la grâce de Dieu. Quelqu'un devait descendre jusque-là pour « ouvrir » toute la matière biologique au Divin, et c'est fait. J'ai été utilisé.


Entre les crises, j'ai vécu sur des sommets, et peut-être vais-je me décider à inclure le journal de cette époque, en tout cas pour ceux qui le demanderaient. Je suis passé par le plan des rishis, le doux ananda cervical, j'ai été visité par Agni, encore différent de Satchinanda et du Supramental, et d'Ishwara. J'ai écrit un long texte, la visite de Krisna, dans une conscience nouvelle, très belle, aussi joyeuse que profonde, c'était merveilleux, et me rappelait une période en 1981 où la même identité-conscience s'était manifestée. Je crois qu'il s'agit plutôt d'un plan que d'un adombrement, un champ de vision. Ces visites de quelques heures ont été proportionnelles en hauteur à ce que j'ai vécu tout en bas, dans l'horreur de la nuit la plus obscure. Je me souviens aussi très nettement d'avoir échappé à la trame de Maya un bon moment, naturellement j'ai peiné à trouver les mots qui correspondaient à l'expérience, mais je n'ai rien trouvé de mieux. Et je me suis retrouvé dans un autre espace indescriptible, et surtout un autre temps, un temps qui ne s'écoulait pas, mais complètement vivant, rien à voir avec le Soi. J'ai vécu aussi bien d'autres choses d'une intensité exceptionnelle dans le malaise, comme si le plus haut et le plus bas se répondaient. Et c'était chaque jour, pendant plus d'un mois. Du temps concentré.


Bref, même si tous les « chercheurs » ne sont pas d'accord sur la proportion, je savais globalement qu'une énorme quantité de gènes avaient été par la bêtise humaine qualifiés de gènes-poubelles, sous prétexte qu'ils ne servaient pas à coder l'héritage génétique, à défaut de trouver leur fonction. Ben voyons mon brave, si je ne vois pas à quoi ça sert, c'est que ça sert à rien, of course. Dans le texte fourni par Maurice, ce serait 97 % des gènes dont le rôle serait encore inconnu. Trois pour cents pour s'occuper de combiner papamaman, le reste, mystère et boule de gomme. N'oublions pas que nous entrons là dans un infinitésimal qui nous échappe, et qu'aller voir ce qui s'y passe demande des moyens considérables. Pour ma part, je suis certain que l'enfer que j'ai vécu, avec trois passages tout près de basculer de l'autre côté, ont servi à bouleverser mon ordre génétique (2 janvier à fin avril 2001, puis quelques rémanences irrégulières. Rétablissement, 14 mars 2OO2).


Qu'est-ce qui se passe aujourd'hui tout au fond de mon corps, je n'en sais rien. Pourra-t-on dans l'avenir déclencher des processus équivalents avec moins de souffrance ? Sans doute. Seront-ils alors aussi profonds ? Pas tout de suite. Que savons-nous vraiment des gènes-poubelles ? Pas grand chose.


Cela s'appelle la rétrotransposition, la possibilité de changer les combinaisons des chromosomes, et l'on pourrait expliquer avec ça, bien que ce soit plus par analogie que par investigation, pas mal de phénomènes extraordinaires qui « arrivent » à une minorité d'êtres humains spécialement consacrés à la conscience: rajeunissement instantané, effets de lumière à leur décès, etc, etc.


Peut-être devrai-je chercher plus précisément la piste qui a décidé les premiers chercheurs à cataloguer de gènes-poubelles ceux qui ne servent pas à coder l'héritage biologique. Qu'ont-ils vraiment entassés, ces gènes ? Pas mal de choses à libérer en tout cas. La mémoire de la vie est pleine de saloperies. Cette appelation veut peut-être dire autre chose, de technique, que j'ignore. Peu importe. Le travail supramental se fait partout depuis le plus bas, les chromosomes, jusqu'au plus haut, contact avec les espaces divins par la conscience. Le chantier est remarquable donc, fort intéressant, mais souvent pénible. Voire très pénible. Le yoga divin n'est donc pas exclusif et ne peut se diviser. Le yoga des « cellules », terme publicitaire employé malencontreusement par Satprem qui n'en avait pas prévu la portée mystificatrice, ne peut être séparé de tout ce qui se passe au-dessus, dans les processus de « conscientisation » de la perception, l'évolution du moi et son progrès dans la reconnaissance des impératifs divins. C'est un yoga « en couches », exhaustif, et c'est bien pour cela qu'on ne peut le comparer à rien d'autre. C'est une erreur de se cantonner dans un seul de ses aspects. La transformation physique ne peut se faire que si la personne consent à « servir », à se donner, à gagner d'autres perceptions qu'elle ne s'approprie pas, mais où elle laisse passer la nouvelle conscience, qui vient alors soutenir le je du moment. C'est vraiment un travail enrichissant, en dépit des énormes difficultés, qui changent et se renouvellent.


La surprise de voir des « identités » supérieures ou des plans de conscience très élevés se manifester est agréable, comme il doit être admis qu'ils se retirent, ou restent en arrière-plan pour laisser tout le « background » s'offrir afin d'être transformé. Les états de conscience ordinaires ont le pouvoir d'appeler la force, et ils ne sont donc pas à rejeter. Ce n'est pas la peine d'essayer de marcher sur la pointe des pieds pour rester très haut. Si l'on tombe, ce qui est produit par des attaques, des rencontres, des problèmes de santé, il faut en profiter pour appeler la force en bas...



6 Février 2012




J'ai passé deux jours très étranges. Le 4 et le 5. Le soir je me concentrais sur Mère Meera depuis le début du mois. Il m'a semblé que l'effet était progressif, et s'améliorait, dès le 3. Je me sentais moins seul, davantage soutenu. Et puis le 4 au matin, sensation désagréable. Toute l'épaule gauche souffre, et autour. Et la souffrance est incroyable, la chair est comme écrasée, os compris, et je ne saurais dire si c'est une brûlure de chaud ou de froid. Très désagréable. Et ça dure toute la journée, rien à faire. Et le 5, même topo mais ça change de côté, et là tout y passe. L'épaule droite semble attaquée à la perceuse, tout le bras est compressé, et ça reste. Pas des élancements. Un truc douloureux, inconnu. La nuit, j'arrive un peu à dormir. Puis réveillé par la souffrance. Je « vois » alors mon épaule sous un autre jour, dans une autre perception, c'est un lieu bourré d'os, omoplate et jointure du bras, j'ai mal, et j'ai la bonne idée de faire des exercices, je sens exactement ce qu'il faut faire. Je me rendors vers minuit, mais ça continue. Nouveau réveil. 3 heures à 5 moins le quart, douleur, douche chaude, et cet imbécile de mental physique qui se demande si ce n'est pas le déclenchement d'une maladie des os (mon père était soigné pour la maladie de Piaget), et même, si la souffrance va s'en aller. Là, il me fait carrément rire, mais pendant une seconde il s'est imposé. Je me demande ce qui se passe. Travail « cellulaire » ou erreur de ma part. Hypothèse que les quelques granules d'arsenicum (prescrit par mon kabbaliste, j'en avais pris trois jours, m'étais arrêté puis petite reprise) sont responsables. Bon, je patauge sur la cause. Si c'est la force, c 'est la première fois de ma vie que ça fait aussi mal. Je me raisonne. Toute cette zone est dévitalisée depuis quatre ans, thorax, côté droit, alors peut-être qu'elle est réinitialisée...


J'ai été soulagé le 5 que ça diminue puis que ça s'arrête. Le plus curieux, j'ai pensé à un moment que cela avait à voir avec le circuit lymphatique... Et ce matin, big expérience. Je vais voir un des meilleurs guérisseurs de Bali, incroyable. Très simple, il me regarde de loin quelques secondes. Puis je m'approche. Il est derrière mon dos, et se met à palper mon visage avec ses doigts. Impression INIMAGINABLE ! Une intelligence fabuleuse est au travail, quelque chose d'illimité, peut-être infaillible, dans une autre dimension, plus mystérieuse tu meurs. Le haut du crâne, le front, les tempes, les yeux, les oreilles et en-dessous, le bas du nez, tout y passe, très vite... Cela ne dure pas longtemps. Le doigté est très ferme et extrêmement rapide, pas besoin de s'arrêter nulle part. Une fois captée l'info, il fait sa première démo, en touchant chacune de mes tempes. J'ai mal quand il appuie sur la tempe à droite, c'est impecc à gauche. Puis je m'allonge. Il touche un de mes doigts de pied, appuie avec une baguette, et heureusement qu'il ne pousse pas longtemps, c'est intolérable, je me cabre tant ça fait mal. Il dit que le système lymphatique n 'est pas normal. Il repère aussi le problème pulmonaire, puis parle d'un problème gastrique, je dis non là c'est résolu, je n'ai plus d'acidité, alors il en convient. Il dit que j'ai un très bon « focus » mais que le corps et l'esprit ne sont pas d'accord...


Je dois y retourner demain, la lune sera favorable (peut-être pleine, à Bali le cycle est très suivi). Très bon moment aussi, quand il semble écrire des signes dans le dos, juste avant la fin. Puis il « reprend » les doigts de pied, la séance a marché en partie, deux points qui étaient très sensibles le sont déjà beaucoup moins. Un point n'a pas bougé. Avec tout ce que je fais pour me soigner, j'espère bien finir par trouver la sortie. Sinon j'aurai l'impression que le Divin se fout de ma gueule, mais je l'accepterai, of course !



15 Février 2012




Finalement le guérisseur ne m'a pas refait de séance. Sans doute débordé (une guide française est en train d'en faire une attraction, elles sont arrivées à 6, les pintades, au moment où je pensais passer, avec leur émerveillement touristique en bonne et dûe forme, et l'idée de se faire purifier pour pas cher, 18 €, d'où l'appellation contrôlée : aviaire, car ce n'étaient plus des femmes, mais une petite tribu excitée de vieilles adolescentes bourgeoises caquetant, qui jouaient à voyager). Il a fait un peu la gueule, le balian, devant l'arrivage, bref mon tour a sauté par la même occase. J'ai été déçu sur le moment, mais il m'a trouvé en bonne forme avant de me congédier, et sans doute que le premier traitement a fait quelque chose. Il y a une amélioration constante mais faible chaque jour depuis. Moins de toux, moins de mucosités, arrêt des vomissements de bave.


Belle descente de Force depuis 48 heures dans des zones très profondes, dont la racine sexuelle. Toute la zone génitale « bouge », boit l'énergie, et cela me redonne envie de vivre, et doit je l'espère prévenir des problèmes de prostate, très fréquents passés un certain âge (et j'espère qu'ils se trompent, mais selon beaucoup de médecins, la continence les favoriserait ces problèmes, jusqu'au cancer, donc que la Force descende jusque-là c'est tant mieux pour moi, et ça revivifie). L'envie de vivre s'était éteinte au fur et à mesure des attaques de février 2008 à septembre 2009. Je reprends le dessus depuis, mais après 18 mois de « chute libre », je ne me suis toujours pas vraiment « repositionné », plus de deux ans et demi plus tard. Ce manque d'envie de vivre m'avait d'ailleurs détourné des prophéties pour décembre 2012, ne trouvant pas le cas échéant vraiment utile de survivre au grand cataclysme.


Aujourd'hui, avec l'effet inconstestable de la présence quantique, magique, de Mère Meera grâce à sa photo couleur en sortie d'imprimante, je remonte donc au créneau. J'ai du respect pour elle, bien que je m'en sente très éloigné, mais comme chacun sait, toutes sortes de centres de conscience individuelle existent dans l'univers, dont certains viennent sur terre dans un but précis. La question de savoir si ces entités ont un être psychique ou pas, ou quelque chose qui lui correspond, se pose, mais cette interrogation est pratiquement insoluble. Sauf dons de voyance spéciaux. Gare à ne pas tout mélanger d'une part, et d'autre part, attention à ne pas tout niveler. La terre reçoit toutes sortes de naissances exceptionnelles, qui, ainsi brassées dans la Manifestation, imposent leurs propres tendances, si elles ont développé quelque chose que les humains ordinaires ne connaissent pas... Il y a toujours eu des leaders, y compris dans le champ spirituel, et ils prétendent oeuvrer pour le bien général, ce qui est sans doute vrai s'ils ne forcent pas les autres à les reconnaître, à les suivre, etc…. J'ai tiqué longtemps sur la « présentation » de Mère Meera, énième super « mère divine », mais finalement ce folklore-là n'a pas d'incidence sur ce qu'elle fait réellement, et peu importe qu'elle soit capable de le faire parce qu'elle est une déesse, ou quoi que ce soit d'autre. Je ne vois pas l'intérêt de définir qui que ce soit de cette manière d'emblée, mais c'est une coutume indoue, de toute façon, de reconnaître les « mahatmas » avant qu'elles-mêmes ne s'en rendent compte. (Même topo pour Krishnamurti, qui lui a réagi d'une manière différente).


Sri Aurobindo a baptisé Mère la française qui est venue le rejoindre, une fois qu'elle avait fait ses preuves en quelque sorte. Pour mère Meera, ses oncles la promenaient comme un singe savant alors qu'elle était encore très jeune, et l'avaient déjà affublée du meilleur pedigree possible (je l'avais rencontrée en 78). A un moment j'ai pensé que c'était Durga. Aujourd'hui je ne sais plus, et cela n'a aucune importance. Pour moi elle fait du bon boulot, c'est ça l'essentiel. Mère divine ou pas, quelle importance ? Ces étiquettes sont ridicules, comme avatar par exemple. Quant à moi, si j'ai laissé entendre que j'étais Lao-tseu, c'était pour enfin donner une version plus vraie du Tao-tê-King que celles qui couraient à l'époque en France, le chinois étant intraduisible, et comme je ne connais pas le chinois, il fallait bien expliquer que la source était une « réminiscence », ce qui est raconté dans le livre. Il n'a pas manqué de vaniteux pour projeter leur syndrome sur moi, dont un type connu qui décide du spirituellement correct en France par l'édition, en prétendant que je disais cela pour me « faire-valoir », dans l'éditorial de sa revue. L'idée que je continue à mettre au service des autres une connaissance supérieure n'a pas effleuré cette personne, ni ce genre de personnes, qui n'ont donc aucune idée de ce qu'est un engagement radical, parti de la petite enfance, un engagement auquel tout est sacrifié, ce qui n'a pas grand chose à voir avec les spiritualistes endimanchés, influencés ou tardifs, chez qui l'érudition tient lieu d'intelligence, et qui devront à nouveau tout élaguer pour vraiment partir d'une aspiration coeur/âme/esprit, après s'être bourré le mou avec des références impeccables et des personnages certifiés conformes, d'ailleurs souvent médicores, comme un fameux maître zen, colérique et grand buveur de saké.


D'autres ont été touchés profondément par le texte, et ont cessé de pinailler sur son origine, qu'ils pensent ou non que j'ai été Lao-Tseu. Bien que pas plus vraisemblable, l'hypothèse que Lao-Tseu se soit « installé » en moi cette fameuse nuit de l'automne 90 revient exactement au même, puisque une fois entré en contact avec cette intelligence, elle ne m'a jamais plus quitté. J'ai senti des choses profondes en Chine, et je parle la voie du Tao spontanément, mais qu'est-ce que ça peut bien faire aujourd'hui ? Pas plus que le titre de Mère divine ne confère à l'être en chair et en os la qualité de ce qu'elle accomplit, mon pedigree chinois, inestimable, n'a de valeur concrète. Ce qui compte, c'est que je sois capable de continuer le yoga, quiconque ai-je pu être auparavant. Et ce « souvenir » ne m'est revenu qu'à l'âge de quarante ans, soit quatorze ans après la montée dans la Conscience suprême, qui a décidé de toute la suite.


La proportion est difficile à évaluer, entre les facteurs de « redressement », le jus de gingembre s'avérant un appui remarquable sur le plan physique, et « mon » kabbaliste ayant fait aussi quelque chose, plus le guérisseur balinais, et par hasard il y a deux jours, une balinaise dont la grand mère était chinoise, m'a fait un feng-shui de la maison. (Elle sent intuitivement ce qui n'est pas à sa place, belle personne, indigo). J'ai des petites procédures à effectuer.

J''ai vraiment été endommagé « grave », ce que me montre la Force en se posant sur les zones « malades ». (Sensations intenses de picotements, avec l'impression d'un manque à gagner à restituer). Il n'y a pas si longtemps que j'ai retrouvé un vrai sommeil. L'appareil respiratoire était tellement HS que je me suis cyanosé pendant mon sommeil pendant près de deux ans, avec de nombreuses petites apnées, un rythme et une ampleur déficientes, tandis que l'acidité gastrique, incoercible, me réveillait à trois heures du mat. Deux années pendant lesquelles mon visage a aussi pris dix ans d'âge. Humiliant si j'avais quelque ego solide, mais il a été tellement laminé qu'il est devenu friable, et que ce qu'il en reste doit bien servir à quelque chose. Je suis rassuré sur l'expérience d'intense douleur dans les bras et les épaules, je sais que cela s'est passé pendant ma période de « reconnaissance » de Mère Meera, et il y a peut-être un lien. J'ai senti hier, (excusez-moi pour l'irrationalité de cette allégation, mais la Force travaillait partout en même temps ou presque) que la Nature s'excusait pour l'imperfection de notre morphologie. Bon, disons que j'ai dû traduire quelque chose qui m'arrivait de l'extérieur, une information très profonde dûe justement à la grande présence énergétique. Bref, il s'avère que le cou est une zone très fragile, TROP FRAGILE, et qu'il y a là soit une erreur, soit une contrainte dûe à la force gravitationnelle, mais le cou signe notre condition humaine (pensez aux autres espèces, ce n'est pas pareil, à part la girafe mais son cou est costaud, chez nous on a gagné en souplesse, mais perdu en force et rigidité, always the same conflict between yin and yang).


Il sépare le corps et l'esprit, et il est lui-même entièrement vulnérable, mais relativement mobile et souple. L'impression quasi violente a duré quelques secondes, et elle a naturellement à voir quelque chose avec les contraintes que la Matière impose à l'Esprit au cours de l'évolution organique. (Le dauphin ne dispose-t-il pas d'une meilleure morphologie ?) Il y a aussi un rapport direct entre la fragilité et le spirituel. Le spirituel possède des bases fragiles, qu'il est difficile de consolider pour un être ordinaire (d'où le cinéma des liturgies, des exercices obligatoires, and so on). Personnellement, comme bien d'autres, en particulier les taoïstes, j'ai fait de la fragilité le principe même de l'évolution. Etre fragile, c'est être vulnérable, être vulnérable c'est laisser entrer le ciel et la terre. C'est se laisser ensemencer...( Le yin l'emporte d'une petite longueur sur le yang, mais il faudrait cinq cents pages pour le prouver, et je n'en ai pas le courage, anyway, il le précède, et ça c'est incontestable, le mouvement peut surgir spontanément du repos ou de l'immuable, tandis que le repos n'est la conséquence du mouvement que si celui-ci s'épuise. Le vide essentiel, sans devenir, est indépendant de la fatigue du mouvement.) Voir aussi le sixième chapitre du Tao-të-King.


Ceux qui ne dépasseront pas les blessures narcissiques n'entreront pas au Royaume.


20 Janvier 2014


La néguentropie est moins forte que l'entropie sur le plan général de la Manifestation, mais toute vie spirituelle est néguentropique, par définition, et « rachète » cent existences possédées par la nature. Le « vieux sage » est parvenu à ce que son esprit ne soit pas usé par le temps. Non seulement il ne pense pas mécaniquement, mais il tire de son passage sur terre un gain imperceptible, injustifiable, et qui plus est qui ne lui appartient pas, mais ce gain est là, et même s'il semble sorti de nulle part, il provient d'une opposition de l'intelligence à la pente fatale de la durée (et de certains cycles naturels purement répétitifs). C'est qu'il est allé à contre-courant de l'érosion, le sage ou le mystique, par l'amour, l'intelligence, ou l'intégrité. Rudhyar, dans l'astrologie de la personnalité, que je relis avant de créer mon nouveau cours d'astrologie, rappelle que la vie peut être consacrée à se fabriquer quelque chose qui résistera à la mort, un noyau, une âme, un corps subtil, peu importe. Gurdjieff disait la même chose, ainsi que Lao-Tseu. Même s'il est très difficile de « devenir néguentropique », c'est possible, et c'est le sens des Ecoles des Mystères, qu'il s'agisse de percevoir le temps « sans qu'il s'écoule », de se fabriquer une âme, de vieillir lentement et dans la joie, peu importe. L'illumination du soi « suspend » la friction avec le temps, et l'on peut déjà dire qu'elle est néguentropique sur les plans de la conscience. Mais les plans inférieurs restent soumis à l'usure. Le supramental « veut » soustraire même le corps physique à l'entropie, c'est le sens du dernier livre de Sri Aurobindo, la manifestation supramentale sur la terre.


Des expériences comme celle que j'ai faite le 2 janvier l'attestent totalement. Quelque chose a « lâché », mais je ne sais pas quoi exactement. J'ai supporté, grâce à une longue préparation. Tout le corps vrillé, y compris les organes physiques plus les chakras, surtout le manipura, complètement saturé, et la tête complètement « autre », ne pouvant plus produire la moindre pensée, alors que tout le cerveau absorbe quelque chose qui l'empêche de fonctionner. Une éponge absolue, avec en prime les jambes écrasées, tellement que je me suis réveillé plusieurs fois alors que j'avais trouvé la technique (mantra) pour supporter la chose en dormant.


Je ne sais pas jusqu'où j'irai, mais d'autres, fatalement, continueront le boulot. J'ai cassé une partie du moule en 81 (inconscient collectif), une autre partie en 2001 (explosion génétique et libération invraisemblable de mémoires), une autre en 2003 et 2004 (programmations psychomentales de la vieillesse) et cette fois quelque chose s'est rendu dans la matière dense, — une « impossibilité » a été détruite. Une « ornière » a été vaincue, personnelle ou collective, va savoir. Je suis loin d'être arrivé là par hasard. Je suis un vieux joueur, et je crois encore dur comme fer au « mérite », même si je préfère la grâce, of course. Quatre ans de souffrance maousse-costauds (2008 à 2011) suivies d'un lent rétablissement, réparées en 24 heures. Sacré Divin, Il n'en fait qu'à sa tête.



3 Janvier 2015


Pensé hier que c'était l'anniversaire du grand moment, état positif et assez léthargique favorisé par un temps minable, beaucoup de vent, grisaille, chaleur entêtante mais douce quand même. Envoyé un mail pour confirmer la mise à jour, bon repas italien décidé pour la qualité du wi-fi, quelques parties d'échec à la plage, et fringale. Achat de billet d'avion pour sortie du territoire obligatoire. A 17 heures seulement, je rentre à la maison, unité totale sur la route du retour à quelques centaines de mètres, les quatre chiens ont toujours été là, les pavés déjà décalés aussi, ainsi que ce temps qui, pour sacrifier la grande chaleur, donne sur une sorte de puits tranquille, sans ambition, le cours des choses quand elles s'endorment, s'alanguissent, s'étirent. Et je m'étonne qu'il ne soit pas plus tard, je lis Jünger, qui a compris Lao-Dze mieux que les autres, et le dit simplement, entre des anecdotes de voyage sur Formose. Rien de spécial quand la nuit tombe, et je dors bien. Mais me voilà réveillé à trois heures, et comme il y a deux jours, je me sens obligé d'aller écrire. Je m'installe dans mon charmant petit bureau équipé d'un nouvel ordinateur magnifique, et poursuis le début d'une œuvre que je sens capitale, commencée en janvier dernier, succintement, puis vite abandonnée au profit de la réintégration gravitationnelle qui m'avait pris un mois avec l'aide remarquable d'un ami prenant ma dictée. Vers six heures, content de mon inspiration, je conclus un chapitre par «l'arbre de la kabbale a été inversé». Je touche la bête sans le faire exprès. Frissons partout. Me voilà renseigné. Des intelligences, des entités ont voulu brouiller les cartes, quand, je ne sais, et était-ce vraiment la peine ? La «matérialisation» était en marche de toute façon dès la fin du siècle de Périclès. C'était un peu le même genre d'expériences que quand je capte les traces karmiques en consultation astrologique. Sri Aurobindo l'a remis à l'endroit, l'arbre des Sephiroth, j'en suis certain. Il reste à consolider et cela prendra des siècles. Comment il a pu faire cela tout seul ?
«C'est une Action du Suprême», disait Mère qui l'a bien connu. Continuer l'œuvre.


Plusieurs jours de pluie sans soleil. Dois me méfier, il y a deux ans à cette période, j'ai été laminé par un virus. Il est vrai que depuis j'ai amélioré beaucoup de choses, surtout l'alimentation, j'ai gagné en forces immunitaires, il faut que cela soit suffisant pour affronter l'humidité toute puissante.



9 Février 2015


J'écris de la science-fiction avec plaisir, mais le genre n'arrive pas à la cheville de ce que je vis, surtout depuis 2001, avec les artifices génétiques, épisode sur lequel je reviendrai. En quelques jours, plein de choses différentes, très intéressantes. Au retour de Kotakinabalu, voyage forcé pour renouvellement de visa, j'ai passé plusieurs jours fatigué, et c'était comme si le tamas lui-même voulait m'empêcher d'écrire «Après l'Histoire», mon nouveau chantier, qui avance à pas de géant. Je ne lutte pas, et puis un jour, sans le rechercher le moins du monde, voilà que je vois double, tout en restant un. C'était vraiment amusant, mais cela n'a pas duré longtemps. C'était le Divin qui voyait à travers moi, je Lui prêtai mes yeux, ma perception, et Il en profitait pour se contempler Lui-Même étendu dans toutes les choses, tous les êtres. C'était très doux, pas du tout brillant, et le plus drôle c'est que j'étais complètement effacé. Je n'étais plus personne, et c'était le Divin qui regardait à travers moi, vraiment très «cool» si je puis me permettre l'expression, peut-être une bonne demi-heure. Ce n'était pas le Seigneur, encore autre chose, et je n'étais pas adombré, c'est donc bien un plan qui existe quelque part et qui contient l'existence matérielle, encore plus unifiant que Vasudeva, vraiment une expérience incroyable, totalement inattendue d'un côté, et hyper-naturelle de l'autre... Comme si les choses devaient tout le temps être comme ça... C'est l'opposé du surmental, qui aujourd'hui me paraît imbu de lui-même. Là c'était vraiment l'Un dans toutes choses, en moi, dans le sujet qui regardait, dans les objets, il n'y avait plus qu'une présence partout et rien d'autre. J'étais totalement absent et complètement rempli, merci Heisenberg d'avoir secoué le cocotier du bon sens ! C'est quantique, contradictoire, paradoxal, et oui, le mental ne peut pas comprendre ça, il faut le vivre. Peut-être cela possède-t-il un nom dans les Védas ? Vaut mieux l'éprouver sans savoir comment ça s'appelle, que connaître son nom et passer à côté... (Voici ma doctrine enfin résumée: le signifié précède le signifiant !)


Autre nouveauté de taille, mais j'ai été si «baratté» que je n'ai même pas réagi à ce qui s'est produit. Il y a quelques jours, d'un seul coup, ma poitrine se fend en deux entre le plexus solaire et la pomme d'Adam, ça dure une seconde, et pendant cette seconde je sens un trou noir à l'intérieur de moi, qui débordait largement de mon corps, une bonne trentaine de mètres, dans une vision très fugace. My God ! C'est peut-être l'explication de tout ce que j'endure, bien que ce soit plus faible maintenant, depuis 2008. Naturrellement, résultat des courses, je pose la Force sur cette zone dès que j'en ai l'occasion parce que je ne veux pas mourir idiot.


Ce matin, grande forme, envahi par l'espace depuis quelques jours, j'ai l'impression de voir que la vie s'adosse à quelque chose d'incroyablement pérenne, et ma perception change sur l'autoroute, au retour de Kuta, le long de la lagune. Je vais doucement sur mon scoot, car je suis obligé de pleurer. L'espace, que de l'espace, un beau ciel alentour qui ne pèse rien et n'a pas de limites. C'est d'une telle beauté que c'est presque insupportable. Je pleure. C'est comme si la vie me disait j'ai mis quatre milliards d'années à arriver là, et je ne vais pas m'arrêter en si bon chemin, et je te le dis à toi, parce que tu es un de mes plus grands fans. D'accord, il n'y a pas de mots pour ce genre de choses, la vision de la montée évolutive, mais j'en parle quand même. Je me sentais minuscule de chez minuscule mais sans me sentir écrasé du tout. Au contraire, je faisais partie de l'émergence qui avait pris aussi longtemps, et tant pis si désormais je n'ai plus grand chose à voir avec les autres humains. Sri Aurobindo a supporté, Mère aussi, et le Divin nous rappelle qu'Il est dans Tout, alors il n'y a pas de problème. L'amour se développe tout seul.


Il me semble que cela n'a été possible que parce que j'ai retrouvé quelque chose de perdu. Comme j'ai horreur de me référer à moi-même, et que je dois encore apprendre à m'aimer, à cause d'un préjudice karmique grave, je ne me mets jamais en avant, mais là, j'ai médité un après-midi, il y a cinq jours, et j'ai avoué que j'étais fatigué. J'ai encore lâché prise, alors que je croyais connaître la chose à fond. Une sorte de moi divin s'est manifesté, et m'a rappelé que j'avais «trouvé le passage» en 2002 pour emmener le corps plus loin dans la transformation, alors que cela semblait impossible, et que ce n'était pas le moment de m'inférioriser. Je me suis appuyé sur ce levier pour récupérer, oui, finalement j'étais bien fatigué en revenant de Malaisie. Il est parfois bon, en cas d'urgence, de se souvenir de ce que l'on a été, même si cela paraît loin, c'est peut-être une clé qui continue d'ouvrir certaines portes. Les montagnes russes sont moins impressionnantes depuis deux ans, et surtout, je me sens quand même bien mieux physiquement. L'énorme sentiment de culpabilité suite à un désastre dont j'ai été directement responsable, logé dans la poitrine, lâche parfois. Je crois que j'ai été persécuté avec les adeptes du mouvement que j'avais créé, c'est loin, mais ça remonte encore.



28 Février 2015




J'ai somatisé la maladie d'Alzheimer de maman, c'est sorti avant-hier, j'étais encore crevé après une longue sieste et j'ai lâché prise. C'était anormal de me sentir encore hébété après tout ce repos. J'ai senti la force se déposer d'une manière nouvelle, plus consciente, sur la partie endommagée du poumon ou des bronches à droite en haut. L'émotion n'est pas venue tout de suite, j'ai d'abord vomi comme un malade, puis je me suis vu à Nice, dans l'établissement où j'avais confié maman avant son départ pour Strasbourg. Tout mon moi supérieur avait accepté la chose, le déclin spectaculaire de ma mère, mais pas la conscience charnelle. J'ai revécu tout cet amour fabuleux que j'avais pour elle en contraste de la voir « une autre femme », puisque je l'ai vu délirer au sommet d'une phase «positive» de sa dépression maniaco-dépressive. La vision est revenue... Je n'avais pas digéré la chose «en-dessous», alors qu'elle était passée comme une lettre à la poste dans ma conscience. Pour Maman, c'était la fin logique d'une vie qui ne voulait pas croire à la conscience, alors que l'intelligence, supérieure, aurait pu s'y rendre facilement. J'ai bien pleuré après avoir vomi, j'ai dû dire maman à plusieurs reprises dans une sorte de cri. Tout mon être contingent est ressorti, remonté, dans le but sans doute de venir s'amalgamer d'une nouvelle manière à ma perception intelligible. C'est cet amour qui m'avait porté, mon père me dédaignant et ma soeur m'en voulant de l'avoir supplantée... Je le répète, c'est simplement parce que le supramental exige une perception d'une limpidité absolue que ce genre de choses est rendue nécessaire. On peut très bien vivre sans libérer ce genre de mémoires, mais si ça se présente, on est forcément gagnant. Raison de plus pour envoyer balader les théories hindoues qui veulent passer par-dessus le corps... Cela ne sera plus possible avec le supramental. On ne pourra entraîner vers le champ unifié que des corps reconnus pour leur utilité, leur soutien, et que nous apprendrons à aimer, même si nous leur donnons peu de satisfactions. Leur nettoyage prendra des années, on s'en fout on n'est pas pressé. Nous avons l'éternité devant nous, et contrairement à ce que raconte Woody Allen, ce n'est pas long vers la fin. C'est long dès le début, et c'est justement l'intérêt, avant et après ne veulent plus dire grand chose dans l'éternité. La causalité s'affale et s'abîme dans la grande tortue, qui un jour a pondu le temps, sans que personne ne sache encore pourquoi, même pas les frères Bogdanov, étrange non ?



5 Mars 2015


Que reste-t-il de la matière inanimée dans la vie ? Au moins les sels minéraux dans nos corps. Que reste-t-il de la vie dans le mental, toutes les survivances dynamiques, conquête et préservation du territoire, confusion entre souhait et désir. Pourquoi l'ensemble reste-t-il homogène ? Personne ne sait, c'est le mystère de l'évolution. La vie prend dans la matière, le mental prend dans la vie, espérons que le supramental prenne dans l'esprit. Chaque plan qui arrive sur l'autre le rend en partie passif, en partie seulement. Les sels minéraux peuvent soutenir l'équilibre du corps, la vie peut soutenir le mental, le mental peut soutenir le supramental. Il y a juste à changer d'échelle, et remplacer les secondes par des siècles. Quand je suis «anéanti», c'est juste qu'une mesure plus objective de ma place dans l'espace-temps veut remplacer l'égocentrisme dont tout être humain est porteur. De l'extérieur, je suis comme un minuscule insecte rempli de mémoires personnelles, héritier de mémoires héréditaires, ancestrales, génériques, et qui ne veut plus fonder son identité sur ce qui fut. Mais l'ensemble du film a été enregistré, la fin de maman est très mal passée, au moins deux (de «mes») existences se sont très très mal terminées, et c'est encore là. Le supramental devrait, anyway, même si la transformation ne va pas très loin, libérer une bonne partie du karma, et qui n'en a pas ? Recensé les dernières zones de résistances au supramental par ordre croissant:
1/ Côté droit du cou, la force y va souvent toute seule, léger pétillement agréable, c'est la torture à l'écrou.
2/ Haut du poumon ou des bronches à droite, me fait cracher, respirer mal,
être triste sans raison.
A/ somatisation de la fin tragique de maman, peut-être papa, grosses émotions à sortir pour consentir dans l'absolu à leurs termes de vie horribles pour papa (trois ans et demi grabataire, six mois nourri par le ventre sous la tutelle de ma soeur) et horribles pour moi. Maman a toujours su passer entre les gouttes, et elle n'a pas tant souffert que cela dans sa folie douce, mais c'est moi qui ai très mal pris la chose, c'est vraiment passé par en-dessous.
B/ somatisation de culpabilité karmique, sans doute une zone faible dans le corps «familial» cette zone, qui ramasse et stocke les préjudices. Très humiliant pour un ancien apnéiste amateur de ne pas pouvoir «compter» sur son appareil respiratoire...
3/ Le trou noir entre le plexus solaire et le cou. Je ne sais pas encore ce que c'est. Peut-être générique, mais l'ennemi a été découvert. Quand ça s'est ouvert une seconde, cela a suffi à la conscience pour identifier la chose, elle va s'en mêler. Confiance dans le processus, plus «propre» que la douleur des somatisations.
4/ la «balle de ping-pong» dans le creux au bas du cou, au sommet du thorax donc, le siège de la mort, sans doute, découvert en 2013.


Impression que tout le reste du corps suit et soutient la transformation. Gros travail, permanent, pour ne pas me sentir coupé en deux. Placer la force, le matin, à la sieste, le soir, quand je me réveille la nuit, si elle ne va pas se poser toute seule sur les zones en question.
M'aide avec des huiles essentielles, en massage, en diffusion dans la chambre.




28 Juillet 2015


Ai vécu trois périodes de trois jours à peu près, distantes d'une à deux semaines, complètement homogènes, avec un nouveau travail de la Force. C'est vrai que je préfère les vingt à vingt-quatre heures d'une intensité extrême, comme cela s'est produit de rares fois, mais ce travail en trois jours opère aussi dans une extrême profondeur, et c'est nouveau. La première fois, je me suis senti pas mal décalé avec un corps très présent et lourd, donc pas de bonne ambiance mentale mais supportable pendant quarante-huit heures. Puis le troisième jour au matin, tout le bas-ventre est devenu du plomb et je me suis senti « un sac de merde », c'était quasi humiliant. Impression que mes intestins pesaient cent kilos. Juste après toute la zone a été investie par la force et elle a tout libéré, je crois que j'ai gagné du positif dans cet organe, qui, par hérédité n'était pas terrible. Je n'ai pas cessé d'aller à la selle et d'évacuer du liquide plusieurs fois, ce n'était pas normal du tout qu'autant de flotte se barre, je ne sais pas d'où elle venait, c'était incroyable. Super forme après cela pendant plusieurs jours. J'ai vécu quelque chose d'analogue un peu plus tard, deux jours dans un mini cirage, et puis le troisième branle-bas de combat sur l'estomac. Là aussi, gagné du terrain, sensation chaude sur le ventre, mais avant, la révélation que des milliers de flux électriques innervent cette zone, pas croyable tout ce qui s'y passe, le plus souvent en-dessous du seuil de conscience naturellement. Un vrai nid à traumatismes cette zone. La troisième phase a été absolument incroyable. Je me suis enfoncé trois jours je ne sais où, j'ai cru sentir que la force n'arriverait jamais assez bas pour me transformer, et j'ai été découragé tout au bout d'une descente qui n'en finissait pas. Par « bas », j'entendais tout ce passé pendant lequel j'avais fonctionné sans le supramental, tout mon corps, finalement jusqu'à vingt-sept ans. J'ai lâché prise en me disant tant pis, toute cette histoire ne m'appartient pas finalement, et je me suis dégagé du malaise.



3 Août 2015


Nouvelle résistance très profonde. Malgré des matinées entières à méditer-dormir-mantra, quelque chose ne suit plus. C'est dans la gorge à droite, sans doute une blessure karmique, et dans l'ensemble des poumons. Une non-envie de vivre avant le flux des pensées. Quelque chose d'obstiné. Nouvelles sensations dans les jambes, pas désagréables, mais constantes. Un fourmillement qui resserre. Tout ça vient peut-être du fait que j'ai senti la nécessité de me reposer, de laisser aller les choses (pas de projets de déplacement) et de revenir à mon caractère fondamental, être spectateur absolu et apprécier toutes les secondes. Ai travaillé quand même, en allant un peu à la bibliothèque, et j'ai toujours des phases de jubilation intellectuelle, mais je ne les appelle plus. J'en ai assez de surplomber par la conscience le moi organique et le corps éthérique. Il semble qu'il y ait encore plein de blessures, de la culpabilité, donc je lâche, mais la paix m'emmène hors de la vie, et j'ai de la peine à revenir au monde contingent. Il y a vraiment quelque chose qui veut s'écrouler, ça vient de très loin; ça crie grâce, ça veut disparaître et attaque la respiration. En même temps, je me moque de tout, je tiens le coup, je m'écoute en ne faisant que ce qu'il me plaît, lectures, petites marches, séries télé où je décode sans cesse des schémas humains avec plaisir, ce qui fait que même en ne rien faisant, je travaille, car la distraction ne me distrait plus du tout. J'avance parfois aussi sur la philosophie supramentale, mais je me sens peu soutenu par l'énergie de vie. J'ai appris il y a un mois que Sri Tathâta avait annulé sa tournée, et qu'il est malade, paraît-il. Peut-être vaut-il mieux ne pas s'habituer, malgré leur régularité, à ces baisses de régime. Y consentir quand même, j'ai l'impression « démente » que je peux encore aller plus loin dans la manifestation d'émotions lourdes. Je dois y aller, encore trouver le chemin. Bien que je ne censure rien, il y a trop de choses qui veulent sortir sous la pression de la transformation, et je dois encore plus m'abandonner. Je me croyais spécialiste de la chose, mais il faut encore progresser, sans peur, vers ça. De toute façon c'est un peu normal, avec Saturne opposé à la lune (et Mercure) et un surmoi nickel-chrome, je dois être attentif aux émotions, à leur amorce, sur laquelle je peux passer vite fait bien fait. Bref, le privilège supramental paraît parfois se payer très cher, et là, il vaut mieux s'en remettre au Divin que faire le mariole, en se plaignant ou en se croyant au-dessus de la souffrance. L'idée d'échouer ou d'en rester là me traverse sans que cela me dérange. J'ai de moins en moins l'impression d'y être pour quelque chose dans ce qui m'arrive, alors si la voie est bloquée, elle est bloquée. Jusqu'à présent, cela n'a jamais duré. Mais je ne sais pas tout, alors je laisse l'aventure se continuer de toute façon, avec de moins en moins d'attentes. Je dois m'élargir, supporter la médiocrité, facile dans la tête, moins facile dans un aéroport, je dois embrasser tout ça car tout se tient. J'ai fondé plusieurs existences sur l'excellence, normal que je sois sévère avec les autres, mais même ça je n'en vois plus l'utilité. Notre société nivelle par le bas, je n'y peux rien. Les têtes qui dépassent sont coupées par les petits marquis de la bien-pensance de gauche. Je crois que cette Histoire-là est foutue, je dois m'y faire et préparer la suite, quand le mouvement s'impose. Alors je suis inspiré, mais ce que je reçois ne peut faire plaisir à personne. C'est la faillite, mais l'huissier se planque, et on peut faire dans le déni, comme d'hab. La fin de Mère et celle de Satprem me semblent de plus en plus logiques. Le mental embellit, décore, mais là, nous avons affaire à un business colossal, le système organique et ses dérivés vers les plans subtils. L'ensemble sent et ressent, perçoit et souffre, et meurt. On n'y voit goutte, en dépit des belles planches d'acupuncture, ou des posters des chakras. Dans les faits, descendre là-dedans est souvent insupportable. Pourtant, c'est nécessaire d'y aller. Traverser, difficile de savoir de quoi ça dépend. Même a posteriori. Ni se plaindre, ni fanfaronner masochistement. Sur le fil du rasoir. Mieux sur le fil du rasoir d'Ockham, accéder à la simplicité absolue, celle des S.D.F reconnaissants qu'on leur jette une pièce.


17 Novrembre 2015



J'avais presque décidé de ne plus parler de mes « expériences » tant elles deviennent étranges, dans le sens d'intraduisible, mais brusquement je me sens une dette envers l'avenir. Après trois opérations distinctes de trois jours environ, en juillet, à une semaine d'intervalles à peu près, c'est comme si la Force s'était brusquement retirée, et je me suis retrouvé anéanti, pour la énième fois, mais cette fois c'était plus ennuyeux, puisque j'avais énormément apprécié les trois séries discrètes de travail profond, dont une dans le bas ventre et sans doute les intestins. Je me suis alors demandé si cette fois l'âge ne frappait pas un grand coup, étant donné que c'était la seule explication. Je me « traînai », avec peu d'énergie, alors que quelques jours avant, j'étais plutôt satisfait de mon sort, et de cette avancée dans ce qui, peut-être cette fois, est carrément organique et plein de subconscient of course, c'est-à-dire le plan matériel le plus dense.


L'impression d'être « un sac de merde » et rien d'autre avait duré plusieurs heures, tout l'emplacement des intestins était devenu une chappe de plomb, et puis, comme d'habitude, un grand soulagement est apparu d'un seul coup, mais c'est vraiment passé par cette conscientisation d'être « un sac de merde », c'était d'une neutralité absolue. Il n'y avait pas de culpabilité, pas même de honte dans cet aveu, mais c'était bien ça. J'ai donc dû reconnaître cette identité purement matérielle de ma pomme, m'identifier à ça, à un corps pur et simple soumis à l'excrétion, l'impôt à payer pour jouir de tout le reste. Mais ce n'était pas à proprement parler sale, mais vraiment, un poids incommensurable s'est manifesté dans cette zone. C'est comme si mon ventre avait pesé d'un coup une bonne vingtaine de kilos dans un volume assez réduit, qui partait de quelques centimètres sous le nombril jusqu'au pubis. Je suis mince et pas très grand, et ne dépasse plus les cinquante-huit kilos depuis longtemps, bref, presque la moitié de mon poids s'était condensé dans cette zone, si l'on veut. Quant à ma capacité d'évaluer les poids, elle provient de la chasse sous-marine, j'ai porté suffisamment de ceintures de plomb de sept kilos pour sentir ce que ça fait, et j'observe aussi à l'aéroport le poids du bagage qui part en soute, et que j'ai porté dans les escaliers. Donc, vingt kilos, c'est déjà du lourd quand ce n'est pas conceptuel, et là ce n'était pas du tout conceptuel, une invasion massive de poids dans une partie du corps qui n'en avait jamais entendu parler. Belle séquence donc, pour se retrouver un peu plus tard hors service, what else ?


Là, je n'ai plus su prendre la moindre mesure, et me suis retrouvé lessivé. J'ai donc décidé de trouver la solution, car je ne me voyais pas rester longtemps là-dedans sans dépérir. Dans les grandes épreuves, je reste couché le matin et fais mon mantra jusqu'à plus soif, ce qui peut me mener jusqu'à treize heures.


C'est donc ce que je fais, et finalement au bout de deux trois jours, je ne sais plus, enfin la solution arrive sur le plateau que j'avais commandé plus de quarante-huit heures avant, mais bon, le Divin n'en fait qu'à sa tête, et je n'ai donc pas tiqué sur le retard, bien trop content de voir le bout du tunnel. Là, je ne sais pas ce qui s'est passé, peut-être me suis-je parlé à moi-même, ou c'est l'intelligence qui a fait le boulot, peu importe, la réponse arrive. Je me vois donc vivre presque tout le temps dans la même position, à savoir abolir mon être, mon passé, et m'ouvrir totalement au présent, comme si je n'existais pas ailleurs, pour être précis c'est comme ça que je fonctionne, et là... je me rends compte que ça ne peut plus continuer comme ça. Cette posture est périmée, point barre. Je suis toujours lancé en avant sans m'appuyer sur rien, et là, ça ne le fait plus. Alors je change de stratégie. Je ne me porte plus vers le Divin ni vers le présent, et je me dis : Il se débrouillera pour venir jusqu'à moi si Je l'intéresse, moi, je dois me souvenir de ce que je suis, et toute mon identité s'étale donc depuis plus de soixante ans, je dois la conserver avec moi tout le temps, parce que le mec qui n'est que dans le présent et qui se moque de qui il est, ça le fait plus.


Cette nouvelle méthode a commencé à marcher un peu, en tout cas elle m'a tiré d'un bien mauvais pas, et j'en profite pour dire que si je n'avais pas été « aguerri », un truc comme ça est suffisant pour rebrousser chemin, arrêter tout, ayant l'impression d'avoir été abusé par Dieu Himself, ce qui fait qu'il peut aller se rhabiller.


Mais je commence à connaître la chanson, et donc je mets la tête hors de l'eau peu à peu. Ensuite, pris d'un délire métaphysique, pour me requinquer j'écris l'appel de Socrate, qui n'avait commencé qu'en tant que « journal philosophique », because je suis quand même un mangeur de grenouille, et ça commençait à faire désordre de ne m'intéresser qu'à la Chine et à l'Inde, puisque mes soi-disant racines, organiques en tout cas, sont bien de chez nous les barbares domestiqués par des barbares plus farouches encore, les Romains, dont on ne célèbrera jamais assez la perfection de son église catholique, prêchant l'amour par la violence.


L'écriture me remet les idées en place, et me prend beaucoup de temps, mais au moins c'est rigolo de retracer à grands coups de pinceau la philosophie occidentale, qui a toujours pété plus haut que son Q.I, sauf chez pas grand monde, et j'en profite pour me régaler, en tombant sur Husserl qui exécute Descartes, de la manière dont je commente un de ses aphorismes, et je cite aussi un très court passage de Bergson, qui à lui seul aurait pu soulever les masses si justement elles n'étaient pas des masses, c'est-à-dire du poids mort (dans une perspective évolutive, sinon tout va très bien madame la Marquise, les criminels et les pédophiles font partie du paysage)... Le tout se trouvera sur le prochain site, une bouteille à la mer okay, mais on ne sait jamais, et qui s'appelera « la spirale philosophique ».


Finalement, j'arrive à me reconstituer tout au long du mois d'août pour décider de repartir à Bali, en m'arrêtant par Phuket où mon ami webmaster doit passer préparer un nouveau site. J'arrive dix jours avant lui, et complètement cassé par le voyage, je me fais peur à nouveau, une ankylose terrible s'est emparé des jambes quand je descends l'escalier, et je flippe un peu. Du coup, je décide de faire une monodiète d'eau de noix de coco, d'autant que celles du pays sont une des preuves de l'existence de Dieu. C'est quasi un jeûne, puisque ces quatre ou cinq boissons journalières ne s'accompagnent la première semaine que d'un carré de chocolat, et de deux ou trois tranches d'ananas séché. Puis les trois derniers jours, rien de solide, et encore les mêmes noix de coco du marché. Là aussi découverte, j'ai continué à aller à la selle alors que je n'avais plus mangé du tout de solide depuis deux jours, mais au moins tous les vieux déchets sont sortis.


Je conseille vivement ce régime, on a bien sûr à peu près l'équivalent en Europe avec les monodiètes de raisin, au mois d'octobre. En tout cas, ce jeûne a été un tournant, puisque depuis, j'ai moins besoin de manger et c'est tout bénef puisque la Force travaille davantage.


Enfin à Bali, j'ai vraiment remonté la pente.


Qu'on me pardonne de ne pas commenter les attentats sérieusement, pour moi c'est râpé depuis mars 2011, déclenchement de la guerre civile en Syrie et Fukushima.



27 Janvier 2016




Hauts et bas incroyables, je ne sais même plus « qui » tient.

La Force descend tellement profond que je me sens lourd et aspiré dans un trou noir. Toute la tête lourde avec la nuque. Et puis, je dédramatsie, me dis que l'esprit n'a pas à s'enfoncer dans le travail physique, n'a pas à suivre ce qui arrive au corps, automatiquement, quand c'est angoissant. Cela marche, après ces descentes, je baille une bonne dizaine de fois avec une amplitude invraisemblable. Nouvelle attaque de la vieillesse comme fin juillet. Pieds froids, sciatique, bref vieillir est une connerie, mais j'apprends à faire accepter la chose à tous les plans de l'être. Si le Divin veut combattre l'entropie, Il le fera d'autant mieux que j'accepterai sereinement l'inéluctable baisse de force.


Hier, je sors entre deux averses, et vais boire une noix de coco pas loin, en utilisant le scooter. Je suis resté quelques secondes figé dans l'éternité, c'était une perception absolument inconnue, mais avec un déjà-vu d'une force incroyable. Cela m'a fait penser à l'éternel retour nietzschéen, je devais parvenir à ce point extrême, voilà tout. Donc, je navigue entre cette satisfaction et un corps qui n'en peut mais, malgré les progrès incroyables, puisque le plastron de mort, du sternum à la gorge, avec les côtes qui partent du sternum, a enfin été pénétré par la force fin décembre. Ce n'est pas érotique, mais l'impression d'ouverture et de soulagement est magnifique, c'est une sensation incroyablement féminine, et très fine, du plus léger que l'air s'infiltre dans du plus lourd que du plomb, quelque chose d'une riigidité absolue, comme si ça remontait aux premières calcifications!


Il y a eu trois jours de travail, une interruption, et ça reprend: quand je suis là, arc-bouté contre la mort elle-même, je suis vraiment à ma place. Donc ça avance, mais le prix à payer semble encore parfois, quand je suis épuisé, exorbitant.



15 Février 2016



Trois expériences vraiment incroyables, je m'en remets tout juste. Le 13, après plusieurs heures passées sur l'ordinateur à dessiner, je vais m'allonger et là je suis prêt à perdre pied. Une envie de mort se manifeste, monte peu à peu, alors que j'ai les yeux fermés et ne pense à rien. Je voulais juste dormir un peu... Quand je sens une tentation suicidaire qui se pointe, je me lève et décide d'arrêter volontairement cette sensation psychologique, dont aucune origine n'apparaît. Cela marche, et l'après-midi je fais une grande virée en scooter pour respirer, et gagner une épicerie bio. Il y a tant de circulation que je décide de m'arrêter un bon moment et de prendre un dîner sur le pouce. Je me sens plein de force, mais l'expérience m'a perturbé.


Finalement, quand je reprends la route, je suis soulagé et même étonné que les embouteillages soient finis, ce qui fait que je parviens à me détendre en roulant aux trois-quarts de la course, et là j'ai une prise de conscience violente qui m'arrache des larmes. C'est clair, j'ai été attaqué par une pulsion de mort ! Cela me fait du bien de pleurer un peu, j'ai l'impression que l'être psychique vient tout devant, s'empare de toute la situation et je rentre tranquille. Mais le lendemain, dimanche 14 au matin, pour la première fois de ma vie j'ai des doutes sur ce qui se passe en me réveillant. Une peur panique s'empare de moi et en même temps la Force irradie le bas-ventre, entre le nombril et le pubis, c'est une véritable invasion, un pétillement très net, et la première minute, ça ne passe pas, je suis prêt à flipper, me dire que je vais rester dans ce malaise tout le temps car le cerveau est pris dans le refus, et puis le corps lâche enfin subitement, accepte cette autre présence massive, et mon esprit retrouve ses facultés instantanément, mais vraiment, pendant une minute, c'était too much!


L'après-midi j'ai senti quelque chose que Sri Aurobindo a vu, et décrit dans Savitri. C'est une sorte de présence de la mort, puisque cet esprit (aussi quantique que la Grande Tortue, je ne sais pas où je suis allé le dénicher) fait savoir que tout lui revient, pourtant ce n'est pas méchant ni arrogant, c'est plus comme un trou noir immatériel, un trou noir en apesanteur, invraisemblable. Et là, la chose attaque. Elle m'enlève trois ou quatre moments les plus précieux de ma vie, comme un déjeûner avec ma mère à Villefranche-sur-mer, quand j'avais une vingtaine d'années, et qui était resté inscrit comme une référence absolue de connivence avec elle et avec la vie. L'esprit de la mort arrache d'autres moments, mais je lui rétorque que mon identité n'a pas besoin de ces choses-là, et qu'il peut les dérober sans problème, mais l'impression générale d'être un mort (en sursis) déjà mort sur le plan des principes demeure... pour m'écraser comme on écrase un moustique, et là, je me dis et lui dis, mais enfin, ces moments existent dans le présent éternel, tu ne peux pas me les voler, et je ris de bon cœur, ce qui remet les choses en place.


Voilà, je dois préciser que cela était bien différent d'une expérience provoquée par la Shakti divine, dont j'ai déjà parlé comme d'une opération chrirurgicale prélevant toute une période de ma vie attachée à Lyon et à l'établissement de ma famille où j'ai travaillé. Non, là, cette présence avait pour but de m'anéantir, un peu comme en 2001 à Mayotte, où j'avais été attaqué de l'intérieur : « tu n'es plus rien, plus d'avenir devant toi, tu es fini...  ». Cette fois, la forme avait changé, mais je me suis baigné dans quelque chose de très étrange, pas même noir, disons pour personnifier que cela ressemblait au dieu de l'entropie, qui avale tout et ne s'en laisse pas conter. Au début de l'expérience, cela m'a rappelé vaguement un passage de Savitri, dans lequel la Mort s'exprime et dit à Satyavan que ce qu'il entreprend est voué à l'échec.


Et puis après ça, je décide de sortir, mais me voilà complètement anéanti à nouveau, je renonce. Je vais m'allonger, et quelque chose remonte vraiment de très loin, alors j'éclate en sanglots, c'est mon procès, je suis accusé de me faire passer pour un envoyé de Dieu, et je me défends en disant que de toute façon ce que je fais c'est pour le bien de tous, mais ça ne fléchit personne. Tout ça aussi subtil que des souvenirs bien entendu, pas d'images vraiment, mais la souffrance se concentre dans la gorge et sur le côté droit, où j'ai été sans doute torturé. C'est puissant et rapide. Je vais cracher et vomir, comme d'habitude depuis 2008, mais cette fois j'ai l'impression qu'il sort un gros paquet de mémoires très toxiques, et juste après je me sens bien et sors en scooter.


Bien sûr, je ne peux pas plus prouver l'existence de la Grande Tortue, un potentiel éternel d'évolution auquel s'accroche peut-être l'espace-temps et auquel la vie s'adosse, que je ne peux établir que l'entropie absolue, la mort, puisse être vécue de manière sensible, physique et spirituelle dans son principe même mais, étant donné tout ce que permet le Supramental, il n'y a rien d'extraordinaire pour moi une fois que je suis devant le fait accompli. En revanche, imaginer ou prévoir ce type d'expériences est absolument impossible. Cela n'a rien à voir avec du connu, le soi impersonnel est banal à côté, ce qui nous donne une idée des millénaires prometteurs qui s'avancent pour les amants de la Conscience, si nous en réchappons, évidemment. Parfois, j'ai des doutes sur ma possibilité d'avancer encore plus loin, Inch Allah !



23 Décembre 2017



La relecture de Solaciel, préparé pour Amazon, m'a rempli de cette jubilation « intellectuelle » avec laquelle je suis né, mais que je perds parfois, avec tous les maux physiques qui m'assaillent. C'est ce que je veux retrouver, et je prends mon mal en patience quand je ne me sens pas dans mon assiette, ce qui est fréquent le matin. Le 5 décembre, j'ai passé une journée merveilleuse, bains de mer et partie d'échecs sur la plage de Jimbaran, après quoi je me suis cassé la figure comme chaque fois que j'atteins un « niveau perceptif » très performant. J'en ai profité pour arrêter le café, dont la modique consommation me permet de planer un peu moins. Bref, des jours avec des hauts et des bas, et puis le 13 décembre, enfin du nouveau. La Force envahit l'os d'une vertèbre, sans doute la première dorsale en-dessous des cervicales. C'est émouvant ce forage, cette sensation parfaitement précise et profonde, qui m'a rappelé quelque chose d'équivalent à Padang Bai, il y a plus de dix ans, mais c'était dans le coccyx. Bref, ça ne dure pas très longtemps, je me sens assez bien pour aller à la plage de Nusa Dua, et, après une brève baignade, quand je reviens sur mon scooter, c'est l'expérience attendue depuis longtemps qui se produit. Je roule tout bêtement, et à un moment, ça y est, une tristesse infinie jaillit dans mon esprit, en même temps que la sensation que les poumons sont enveloppés de « merde » tout autour. C'est toute la cage thoracique qui est comme phagocytée par de la noirceur... Enfin, la Force semble parvenir au cœur du problème qui me torture depuis 2008. Au bout de trois cents mètres, je freine pour pouvoir cracher, et je dois récidiver deux fois. A vrai dire, pour la première fois de ma vie je me suis senti humilié par cette présence morbide, car elle ne m'appartient pas et elle est toujours là. Mais cela semble avancer. Entre le 5 et le 13, j'avais pensé plusieurs fois à ma grand-mère paternelle qui a passé sa vie à souffrir, elle ne savait rien faire d'autre, à part la cuisine. Elle ne s'est jamais relevée du décès de son bébé, puis mon père est arrivé pour faire oublier cette histoire, mais ça n'a pas suffi. Ma grand mère était vraiment très fruste, faible intellectuellement, et elle débordait d'émotions et de sentiments. Il y a peut-être un lien, ou alors c'est encore une histoire karmique, la fin d'une vie qui s'est très mal passée. Ou autre chose, de générique, cette fois ça descend encore plus profond.


Je m'habitue à l'idée d'intégrer le corps physique, qui est le dernier dans notre histoire, à ce que je suis réellement. Je sens souvent le conflit entre les deux identités, mais je laisse de plus en plus faire « le Divin » que j'ai la chance de connaître. Il ne correspond absolument à rien de ce que l'on peut imaginer, et je ris sous cape de tous les egos surdimensionnés qui osent en parler comme s'ils savaient de quoi il en retourne, et qui n'ont même pas réalisé le Soi (un ou deux éveillés pas plus sur un million de terriens). Le mental fournit une fausse identité fondée sur des « représentations », et elle est fausse, mais bien peu s'en rendent compte. C'était pourtant le message de Bouddha, Tchouang Zi, Héraclite, Lao-Zi, et d'une certaine façon celle de Spinoza. Valéry, Goethe et Bergson ont senti le complot, eux aussi, de la pensée. Pour ne plus penser Sri Aurobindo, il est donc nécessaire d'être à fond dans une sadhana mystique, c'est largement suffisant, et elle n'a même pas besoin du « cadre » aurobindien. Aimer l'Esprit, aimer Dieu, et n'agir que pour Lui, c'est la voie, « le supramental » n'est qu'une décoration, ou plus exactement l'ultime promesse que Dieu s'occupera de la Vie, ce qu'Il n'a jamais réellement poussé très loin, avant 1956 dans le corps de Mère.


La question de la dérive de la vision supramentale ne se posait pas au début de cette aventure, toute nouvelle. Mais le temps a passé, la fascination demeure pour ce couple étrange de Pondichéry, et toutes sortes de dangers, si l'on veut, sont possibles. Des anarchistes purs, incapables de la moindre soumission au Divin, mais intelligents et pervers, voudront se faire passer pour les détenteurs légitimes du flambeau, quitte à faire descendre de drôles d'énergies sur la Terre, que leurs affidés, punis de leur complexe d'approbation et qui se seront laissé prendre, devront considérer comme supramentales, même s'il ne leur arrive rien d'autre que de se sentir en opposition avec le monde entier. C'est la raison pour laquelle je continue de penser que sauver mes textes est important. Je ne sens pas que le charisme fallacieux puisse être transféré dans la magie de l'écriture, alors qu'il va de soi qu'un grand manipulateur peut oralement embobiner toute personne qui a des failles et qui croira les colmater en se soumettant à une autorité « sécuritaire ». Autrement dit, si l'on a des doutes sur une personne qui prétend représenter le supramental, il vaut mieux l'éviter, et s'en tenir aux textes de Sri Aurobindo et Mère, et même éviter les miens, si la confiance n'est pas au rendez-vous. En tant qu'occultiste, je rappelle que la Terre est un enjeu pour toutes sortes de forces qui ont dérivé du Divin originel au cours de la manifestation de l'espace-temps, et que pour elles, infiltrer le mouvement le plus élevé et le plus intelligent de tous, soit l'aurobindisme, qui est l'Advaïta en action, est sans doute une priorité. Parce que c'est là, dans le clan de ceux qui reconnaissent Sri Aurobindo, que se trouve le cheptel le plus fin dans l'immense troupeau humain. Les personnes touchées par ce message ont forcément un coefficient intellectuel élevé, un respect inné pour la totalité une, qu'ils cherchent à développer tout en restant libres et libérés des dogmes. Il s'agit donc d'une catégorie très intéressante, car dans son ensemble, elle est relativement meuble. Il faut être « poreux » pour être emporté par la saga de Mère, et les facultés « spongieuses » de l'esprit, c'est justement ce que les manipulateurs cosmiques recherchent, car ils s'infiltrent plus facilement. D'ailleurs, j'avertis les médiums ordinaires, dont la vie spirituelle est encore fragile par manque de connaissance de soi, qu'ils constituent des proies idéales en ce moment pour devenir les victimes de grandes opérations de récupération de l'âme humaine à des fins délétères.


Je suis donc heureux de continuer mon travail qui revient toujours sur ce que personne ne veut entendre mais qui est pourtant vrai, l'exigence du Divin. En termes astrologiques, tant que la fonction Saturne (autorité-intégrité-responsabilité) n'est pas intégrée, le sujet demeure malléable dans le mauvais sens du terme. Sa souplesse l'entraîne parfois trop loin, dans des abandons corrupteurs puisque, en fin de compte, seul l'abandon au Divin possède une valeur absolue. Avant lui, l'abandon à l'Amour risque d'être teinté de trop de subjectivité et d'attentes, l'abandon à l'intelligence est plus fiable, mais n'est possible qu'en déconnectant le mental du vital, ce qui impose une sadhana également, dont je continerai de faire l'esquisse sous le terme d'alchimie. On a beau essayer de noyer le poisson, la vérité est qu'il n'y a pas de réalisation avant que chacun des gunas soit mis à sa place, et comme le nature les mélange allègrement, nous devons accepter la lenteur du processus de récupération par l'être psychique des fondamentaux de l'incarnation.


24 Décembre 2017



Bien que je ne trouve pas utile outre mesure de m'étendre sur les « expériences supramentales », je dois récapituler, pour l'avenir, une drôle de séquence qui s'est déroulée au mois d'avril. La perception du temps s'était ralentie à l'extrême, j'avais l'impression, à midi seulement, d'en être à la nuit tombée (saturation), et le corps physique a eu de la peine à s'habituer. Il a fini par y parvenir, et depuis, chacune de mes journées est interminable, et j'ai trouvé une astuce pour supporter ça, je me place dans un « temps intérieur », qui, sans abolir ce qui se passe, est fondé sur le sentiment de l'être relié à lui-même. Ainsi, un trajet de train de banlieue d'une heure est pénible dans le temps objectif, mais dans le temps intérieur (il faut un miniumum d'exaltation pour le superposer à l'autre) le même parcours semble ne durer que dix minutes. Fin juillet, le processus de la transformation m'a dépassé pendant trois semaines. Mon corps physique ne parvenait pas à me rattraper, j'avais arrêté thé et café également, et cette relaxation nerveuse a dû accélérer le travail. J'ai même donné une journée de séminaire dans un état physique difficile, mais mon esprit était parfaitement clair. J'ai retrouvé mon équilibre, miraculeusement pendant la nuit, sans savoir pourquoi. C'était, par hasard, à mi-chemin entre la Sorbonne et le Collège de France, rue Saint-Jacques. J'ai revécu alors des moments importants, comme ce désaccord avec un routard qui se baladait avec le Yi-King, et qui voulait me convaincre que rien de bon ne pouvait être accompli à l'intérieur du système. Je devais avoir vingt-et-un ans, et j'étais encore convaincu que je devais pousser mes études très loin, et que, de l'intérieur, je ferais bouger les choses. Bien sûr, c'est lui qui avait raison, Il était sur le chemin, mais moi je tenais encore « à savoir plus de choses » et je croyais pouvoir percer dans cette société ! Ce qui m'a fait le plus regretter d'avoir échoué Normale Sup, c'est le niveau tellement médiocre des professeurs de Lettres à Nice, quand j'ai senti que je n'étais pas à ma place d'une part, et que je ne me voyais pas prof d'autre part. Je me suis mis à « manquer de la vérité » comme un drogué en manque, et je ne pouvais plus me projeter dans le moindre avenir. Le « regret » d'avoir raté Normale Sup est souvent venu me visiter car ma vie sociale a vraiment été nulle jusqu'à trente-huit ans, non, ce n'est pas agréable d'être pris pour un minable par sa famille, quel que soit le détachement, et puis j'ai bénéficié d'une petite reconnaissance en tant que professeur d'astrologie humaniste, qui m'a permis de gagner un peu d'argent. Mais même en astrologie, j'étais trop novateur et exigeant, et les brillants esprits, pour la plupart narcissiques, qui composaient le réseau d'astrologie humaniste m'ont pris de haut quand j'ai présenté mes recherches à Genève, pour le gratin de la discipline, qui ne se sentait plus pisser d'avoir compris quelques algorithmes de la vision de Dane Rudhyar.


Bref, le supramental m'a détourné du destin pour lequel je me croyais « prédestiné » (écrivain, chanteur engagé ou philosophe) et me voilà occupant, à l'insu de mon plein gré, une place d'honneur dans le monde spirituel, place dont tout le monde se fout éperdument. Cette société ne peut pas me reconnaître et ce qui me console si l'on veut, c'est que des esprits similaires au mien s'infiltrent par les réseaux sociaux pour se faire entendre, par la bande comme on dit, car leur vision du monde sape tous les fondements de notre société. Autrement dit, la « nouvelle conscience » n'est pas le monopole des personnes spiritualisées « pour de vrai », mais une attitude d'esprit profonde, qui n'interprète plus les choses « par rapport à soi », mais par rapport à l'intuition profonde du bien collectif. Grande satisfaction de voir Etienne Chouard, interrogé par Natacha Polony sur sa T.V, travailler comme moi sur la distance entre le signifiant et le signifié. J'étais enchanté ! Il va même plus loin, en montrant comment le signifiant, habilement présenté dans une structure, finira par détourner du signifié (sur les articles de la Constitution... ) Je le vois en réincarnation de Tocqueville ou Montesquieu, il respire « la politique ». Avec ce genre d'individus qui apparaît, le mensonge en prend pour son grade, il dérouille le mensonge. L'éditeur du jardin des Livres semble avoir une mission à accomplir. Je crois à son histoire qu'il a senti une balle lui arriver dessus (en Californie) tandis qu'il était passager d'une voiture, et qu'il s'est détourné à temps. C'est un type vraiment bizarre, en tout cas il n'est formaté par aucun système, et tant pis s'il nous fait flipper sur l'avenir, ça fait réfléchir sur les « oligarchies » de l'argent, l'énorme magouille des relations entre les banques et les Etats.


Je me suis donc habitué à ressentir le temps d'une manière extrêmement lente et je suis toujours obligé de me référer au calendrier pour m'apercevoir que si peu de jours ont passé entre un souvenir qui me paraissait lointain et maintenant. C'est une victoire pour le corps, le temps semble souvent ne plus s'écouler du tout, c'est plutôt lui qui m'entoure à droite et à gauche. Le corps physique peut tenir. Ensuite, je crois qu'il faut mentionner aussi certaines phases qui peuvent être déconcertantes et durer plusieurs jours, comme en octobre. Ça commence par un effacement de soi progressif et peu à peu je m'enfonce dans une sorte d'impuissance absolue. Je me rappelle de loin que ma vie a de la valeur, comme toutes les existences, mais ça s'arrête là, je suis noyé dans une réalité sans limites. Je n'ai pas envie ni de créer ni d'écrire, je deviens entièrement passif et je l'accepte. Je diminue. Un soir, trois secondes d'une perception autre, très émouvante. Vision que la Nature a mis des millions d'années à concevoir « mon » corps, une sorte d'émotion surgit, je me doute grosso modo de l'immense persévérance de la vie montant depuis le bas vers plus de conscience. Flash stupéfiant ! Qu'est-ce-que je fais de cet organisme où se sont concentrées des énergies qui s'organisent pour rester complémentaires depuis plusieurs millions d'années ? Il y avait la trace d'une peur à voir de si près « de quoi il en retourne vraiment », je n'ai pas pu rester plus de quelques secondes dans cette dimension, mais j'ai eu la sensation précise et profonde que mon corps présent s'appuyait sur un passé immémorial... toujours là en quelque sorte, à travers les multiples procédures d'équilibrage homéostatique. Cette indépendance du corps vis-à-vis du moi, de l'esprit, du « mental », c'est bien le sujet que j'ai traité dans Politique du Dao : c'est toute notre histoire d'êtres VIVANTS.


Une autre phase a été très intéressante, et totalement imprévisible. C'est une perception, en arrière plan de la mécanique des enchaînements de pensée, qui a duré près d'une semaine. C'était très profond également, doux, mais en même temps d'une intensité incroyable. Un véritable oxymore perceptif. Normalement, l'intense et l'insipide ne sont pas compatibles. Là, c'était conjoint, incroyable. Aussi évanescent que puissant, un truc dont le mental est prêt à jurer que ça ne peut pas exister. Eh bien si! Le temps qui se déroule est devenu autre chose, c'était saisissant, et cela a duré, chaque jour je me sentais plus redevable à l'univers. Mais redevable dans la gratitude. La durée était perçue comme l'unique réalité par laquelle tout existe dans « mon » univers d'être humain. C'est comme si un mantra se répétait en moi inlassablement, sans troubler ma perception, et qu'il me rabâchait, je ne suis là que parce que le temps existe et se prête à ce qui va suivre. Autrement dit, ne te gargarise pas, pauvre cloche, de ce qui t'arrive, tout cela n'est POSSIBLE que parce le temps se prête à ton devenir et que tu peux compter sur lui, — c'est parce qu'il ne se dérobe pas que tu peux être ce que tu es, et toi tu n'y es pour rien... Sans lui, pauvre abruti, tu n'aurais strictement rien été. Tu lui DOIS TOUT, absolument tout, tu ne reposes que sur lui. Cela fait reconnaître notre dépendance absolue vis-vis du monde réel, dont nous ne sommes qu'une insignifiante partie, même triturés par le supramental.


L'attaque assez violente de la vieillesse en novembre, avec l'impression que le corps veut rétrécir, a vraiment été pénible. J'ai changé des trucs pour être encore plus zélé dans le yoga. Différencier l'inanité de la culture humaine du temps absolu, parfait, qui porte tout. Ne pas attacher d'importance au drame de l'Histoire qui s'enfonce encore plus bas dans la « merde » mentale.


26 Décembre 2017



J'en reviens à ce qui se passe pour de nombreuses âmes en avance sur les autres. Elles « se voient » développer quelque chose qui « leur tient à cœur », elles développent donc ce que j'appelle une raison d'être, avec toutes les difficultés que cela comporte, mais elle y tiennent car leur vie n'aurait pas assez de sens sans cette vocation, cet engagement, cette création. Cette vision de soi-même dans le devenir peut rester subjective, et c'est la raison pour laquelle les traditions préconisent de suivre plutôt le dharma, une sorte d'obligation pour conformer son existence aux principes divins, avec la « carotte » d'obtenir le ciel ou une meilleure réincarnation. Le dharma est pour moi une évidence, d'autant que je vois de plus en plus le karma chez les personnes qui me fréquentent, et je leur propose donc une rectification pour dissoudre le reliquat de tendances néfastes (que je ressens sous forme vibratoire). La question se pose donc pour Sri Aurobindo, puisqu'il se voyait « libérer l'Inde des Anglais, l'amener à l'indépendance. » Il a fait autre chose à partir des illuminations à la prison d'Alipore. Je me voyais devenir, par une éloquence quelconque et un travail intellectuel intense, le fer de lance d'une vision du monde à la fois rationnelle et spirituelle, ce dont je ne pouvais guère douter, plusieurs professeurs de Lettres m'ayant trois années consécutives pris à part pour me persuader que j'avais des dons exceptionnels, une maturité incompréhensible pour mon âge (Première, terminale, Hypokhâgne). Ayant ainsi reçu l'appui de personnes que j'estimais et qui voyaient ce que mon propre père, jaloux, ne voulait pas voir, je n'avais aucune raison de douter que j'étais sur le chemin qui me convenait. C'est en Hypokhâgne que j'ai pris l'habitude, aujourd'hui invétérée, d'explorer les bouquineries, et je me fis vite à l'idée qu'il existait des « principes cachés » qu'il fallait découvrir, aussi inaccessibles qu'ils puissent paraître, pour que la vie prenne tout son sens. Dès ma classe de Première, toute mon activité intellectuelle était déjà tournée vers le secret des choses, et comme ma sensualité n'avait pas encore été réveillée j'étais tranquille, bien que je fusse tombé amoureux d'une actrice quand je m'essayais, sans succès, au théâtre amateur. Le plus incroyable quand je pense à mon passé, c'est à quel point j'étais confiant, insouciant et heureux de vivre jusqu'à la crise de mes 22 ou 23 ans, alors que mon esprit, bien que tendu en permanence vers la vérité, n'était toujours pas plus avancé. J'ai été en quelque sorte « sauvé » par mon ascendant Taureau qui considère (et oui nous avons plusieurs moi quantiques en nous, comme je le dis dans une vidéo du site en citant Sri Aurobindo) que la vie telle quelle est déjà une sacrée aubaine, et que je pouvais continuer ma route sans me faire du cinéma sur cette terrible frustration de voir la vérité m'échapper. Ce qui s'est produit, j'écrivais des textes exaltés, fumais parcimonieusement du haschich pour jouer de la guitare et m'envoler, et ma vie « sexuelle » n'avait pas d'importance. Après ma première rupture, je pouvais rester seul jusqu'à me faire draguer, moi-même n'ayant pas assez d'énergie à consacrer à la séduction des filles qui pouvaient m'intéresser, et dont je me sentais, déjà, très loin psychologiquement. Tout était profondément unifié dans ma perception, sans conflits, comme allant de soi, et aujourd'hui j'ai encore beaucoup de peine, malgré le supramental, à comprendre comment la plupart des êtres humains « se compliquent la vie » par différents moyens qu'ils ne soupçonnent pas mettre en place eux-mêmes, comme les attentes vis-à-vis des autres, qui sont de véritables poisons. Bref, comme Sri Aurobindo, j'ai été détourné de la vocation que je croyais être la mienne, réveiller l'âme spirituelle de la France, et comme lui, j'ai accepté la bifurcation divine.


Il doit être maintenant établi que le supramental détourne tellement de la poussée incoercible de l'ensemble des karmas qui se poursuivent à toute vitesse dans notre vie présente, qu'il est extrêmement difficile à incarner pour cette raison même. C'est un peu comme un détournement d'avion dans le fond. Tout ce que nous avons vécu par le passé se prolonge rapidement dans notre vie présente, avec une nouvelle petite marge de manœuvre, et d'un seul coup, c'est un virage vers l'inconnu absolu, plus rien ne tient selon l'ancienne stratégie du moi. Il y aura donc forcément des stades intermédiaires de réalisation pour ceux qui ne tiendront pas le coup face à ce bouleversement total, et qui ne pourront sans doute pas incrémenter le supramental dans le corps, même après avoir légèrement flirté avec lui dans la conscience. Ces personnes-là ne devront pas se plaindre, bien au contraire, leur vie sera moins douloureuse que celles de ceux qui, comme moi, sont complètement possédés par la transformation physique, qui met en contact avec TOUTES les forces qui veulent empêcher ce passage de l'homme à l'homme conscient. Une fois de plus, le Divin est souverain. Quand il tombe à bras raccourcis sur quelqu'un, Il se permet de le détourner de sa voie, mais le paradoxe est de taille. Celui qui accepte d'être pris en otage s'égare beaucoup moins que s'il s'en était tenu à vivre sa vie selon ses propres modes. Il y a un gros hic. L'obéissance est de rigueur, mettre au pas rajas est un travail de titan, voir les limites de sattwa est humiliant, nager dans le tamas universel dans lequel il faut également plonger pour tenter de soustraire le corps à l'emprise de la mort, constitue un exercice décourageant, qui sape le moral. Chaque remontée est miraculeuse.


Cette fois je n'ai plus de regret d'avoir manqué ma carrière, le Divin fait de moi quelqu'un de plus conscient que ce que j'aurais pu obtenir par mes propres moyens. C'est plus important qu'un rayonnement social, qu'une reconnaissance, qu'une « réussite ». Le plus étrange dans cette histoire c'est qu'il faut lâcher prise chaque jour, car la place la meilleure est donnée par le Divin, et ne correspond pas aux attentes de celui qui n'est pas encore entièrement transformé. Peut-être même que je fais davantage « de bien » par le supramental que par tout autre moyen, comme il était plus important pour Sri Aurobindo de suivre l'injonction « Va là où nul ne s'est encore rendu » que d'obtenir plus rapidement, en restant dans la politique, l'indépendance de son pays.


27 Décembre 2017



Hier matin, j'étais vraiment bien dès les réveil, ce qui est exceptionnel, et j'ai donc passé une journée tranquille. J'ai senti que je devais parler de cet incroyable paradoxe que le Divin sait mieux que nous quelle place nous pouvons prendre dans la vie, et c'est vrai qu'il passe le libre arbitre à la moulinette. Ce matin, bon réveil aussi, et je suis allé à la plage tôt, le soleil ne m'agresse pas avant 10 heures, et il me fait du bien. J'ai nagé quelques brasses au milieu des familles de russes, trop contentes d'être au chaud à Phuket à Noël. Puis j'ai eu la sensation étrange, mais nette, qu'il n'y avait peut-être qu'une force qui essayait de me faire rejeter mon corps depuis février 2008. Je suis rompu à ses manœuvres car le 22, toute la journée a été vraiment pénible, puis vers 18 heures, j'ai senti très précisément toute la zone douloureuse en haut à droite des poumons, elle s'est délimitée, et son centre est comme un petit trou noir. A priori, avec ce que j'ai vu ce matin, cette force a perdu. J'y ai senti de l'intelligence my God (Natarajan est avant tout un hyper-réceptif pour ceux qui n'auraient pas compris à qui ils ont affaire), oui, il semble bien qu'il y ait toujours une part d'intelligence dans les prakriti, qu'il n'y ait pas de rupture fondamentale entre les deux. Si ça se représente, j'essaierai de la cerner. Ce n'est pas une intelligence très futée, mais elle est inlassable et intarissable. C'est trop puissant pour être vaincu, donc il faut se contenter de couper le cordon. C'est certain qu'elle est horriblement tamasique et entêtée. Dans le même ordre d'idées, je me souviens d'avoir paniqué à Sri Lanka tandis que je faisais du snorkeling. J'avais perçu la conscience d'une énorme masse de corail homogène, et c'était tellement loin de moi, que ça m'a fait peur et que la peur a chassé la sensation.


La découverte de cette force non identifiée m'a fait tellement de bien que je me suis senti inspiré quelques minutes. Notre condition est difficile. Notre être profond est non-phénoménal (Sri Aurobindo, la vie divine, tome 1) et toute l'incarnation consiste à dépendre du phénoménal. L'être humain n'est pas si bête que ça finalement. Il déguise les contraintes depuis la nuit des temps. Manger, c'est une contrainte, moralité je me gave, je m'empiffre et j'en profite. Le désir sexuel est une contrainte, moralité autant « baiser » au maximum, ce n'est pas désagréable. Mourir est une contrainte, no problem, le paradis nous attend contre deux pater et trois ave chaque dimanche. J'ai vu que je manquais encore de tolérance, certaines personnes sont tellement laides intérieurement, que ça me dérange sur le coup. Puis je sens qu'elles ont le droit de vivre, de toute façon l'Histoire ne m'intéresse plus, alors toute la médiocratie ambiante, je vais finir par m'y faire. En revanche, ça ne pourra plus longtemps rester homogène toute cette humanité, non seulement elle est profondément divisée, mais chaque clan devient chaque jour davantage convaincu qu'il est légitime. Les couteaux s'aiguisent.


28 Décembre 2017



Encore un bon réveil et séance de plage entre 9 et 11 heures. Vu que trois questions seulement me tarabustent en ce qui concerne mon incarnation présente. L'egocentrisme triomphal (mon père et ma soeur), le manque de sincérité (ma mère toujours en représentation), le suicide, soit le départ de ma soeur à 63 ans, qui se jette sous un train. Je n'ai réglé qu'une question pour le moment. L'égocentrisme triomphal est un processus naturel, dicté par la soif de l'existence individuelle. Les égocentriques ne sont pas forcément égoïstes, c'est juste qu'ils s'imaginent qu'ils perçoivent LA REALITÉ. J'ai traité la question de deux manières différentes, dans « dissidence divine » et dans la définition du soleil générique en astrologie, qui fonde le narcissisme primaire ( « Je» ne peux pas « me » permettre de considérer que « je » peux avoir tort sans « m »'humilier « moi-même » — et je ne suis pas là pour ça, que je sache !) Je continuerai à affirmer que la Nature n'aime pas la conscience, si ce n'est la sienne propre. Ce en quoi elle obéit, comme absolument tout le reste, au principe de l'identité ne se reconnaissant que dans l'identique. Bouleversement avec le Soi, si rare, trop rare, et puis l'univers pousse le bouchon encore plus loin avec le Supramental. Il y a deux choses essentielles à savoir sur ce mystère, il attaque l'entropie dans le corps physique (mais c'est très très lent quand même) et il commence à produire une connaissance par identité, tout à fait merveilleuse. C'est d'ailleurs elle qui m'a permis de VOIR les matrices conceptuelles, et leur emprise sur les civilisations. Je sens que la Terre ne peut pas s'unifier dans ces conditions. La complexité des échanges entre 27 nations rend l'Europe impossible, l'acharnement au devenir (ou au matérialisme car cela revient au même) des U.S.A est dangereux, les deux Afrique sont complètement retournées, l'Inde va devenir orgueilleuse en raflant la 5° place économique à la France, et la suite pour la Grèce, la Catalogne, la Corse, l'Ecosse, l'Ukraine, la Corée du Nord, le Vénézuela... Ce pauvre Yemen, l'arrogance de certains Emirats, les espèces qui disparaissent et les pollutions industrielles qui ne sont pas enrayées. Et puis l'échec de la démocratie car le suffrage universel ne garantit pas le meilleur choix, plus les peuples auront peur, plus ils voteront mal... Bref, Onfray a raison, le Titanic coule, on est dessus, on boit du champagne pour fêter ça, on ne va pas se laisser berner par un simple naufrage quand même! Un siècle égale une seconde à la véritable échelle du système solaire, alors l'Histoire, hein, ça va et ça vient, ce n'est pas la peine de dramatiser. Etre prêt à ficher le camp, pour les plus jeunes, il y a de la place en Asie, beaucoup de place, et la pensée n'y fait pas encore la loi. On y respire avant de penser, c'est l'état d'avant la chute, sans blague.




1 Janvier 2018



Avec la mode de dénoncer le harcèlement sexuel, le machisme est en train d'être mis à nu, le mâle est un salaud que rien n'arrête dans son besoin de jouissance, ah bon, il a fallu attendre l'affaire du producteur d'Hollywood pour s'en rendre compte... Le monde extérieur me parait de plus en plus faux, la capacité de tricherie du mental est infinie, j'ai des bouffées de compassion pour les animaux qui souffrent des actions humaines, je vais sans doute aboutir à la conclusion que changer à n'importe quel prix vaut mieux que cette déliquescence. La pensée est en train de pourrir, c'est bizarre, la liberté d'expression devient conditionnelle, tout peut être dit ou presque, et le presque augmente considérablement, la censure propre sur elle fait des ravages. Admirons les Croisés du 12° siècle, mais n'allons surtout pas chercher la moindre analogie avec le djihadiste sincère (1 sur 10) qui y croit vraiment à son sacrifice, le monde extérieur lui étant apparu comme il m'apparaît, une formidable poussée de différentes soifs destructrices (pouvoir, richesse, jouissance). Se dire qu'il y a Dieu derrière tout ça est rassurant, mais il y a quand même trois galaxies de distance entre la vision de Sri Aurobindo et celle du type qui saute en tuant des mécréants et qui croit donner des leçons. Comme je reste amoureux de l'intelligence (le Divin en est jaloux en quelque sorte car il m'arrive de passer par des périodes « bébé »), je risque d'avoir encore des choses à dire, mais il ne faudra pas s'attendre à du gratifiant, of course. Non, je plaisante, le Divin me fait passer par des périodes bébé pour baratter le cerveau, et, quand l'intellect revient, il est plus performant qu'avant. Sacré supramental, on n'est pas prêt de le récupérer, my God.


Nouvelle prise de conscience sur la pertinence de « Politique du Dao » que j'ai vraiment écrit avec beaucoup de soin. Oui, la personnalité humaine ne s'aligne pas forcément sur l'intelligence, il faut continuer de parler de cet écart quasi infranchissable entre la bête et l'esprit... Desproges, par exemple, était vraiment supérieurement intelligent et d'une grande sensibilité, mais son perfectionnisme était maladif et il se réfugiait dans la séduction. Pour moi, je continue de penser que le mélange de mental et de nature est une expérience parfaitement aléatoire, et qu'elle ne réussit que rarement. Un nouveau toubib est en train d'asséner ce que l'on ne veut pas voir. Beaucoup de maladies mortelles proviendraient d'un choc innassimilable (encore un qui enfonce le clou), moralité, se débrouiller pour faire coïncider un minimum la personnalité (et ses compulsions) avec ce que l'on appelait autrefois « le jugement », ce pilote automatique du moi qui le maintient dans la réserve et le continu constructif, et qui surplombe, tant bien que mal, aussi bien le corps que l'instinct et le subconscient. Le libre arbitre serait ce programme aléatoire qui permet au jugement de naviguer, mais le jugement a besoin d'une image de soi... qui cadre rarement avec la poussée des pulsions.


J'ai craint longtemps que l'homme se détruise de mon vivant ou un peu plus tard, mais maintenant ça ne me préoccupe plus. Même avec le supramental, je ne suis pas au niveau de juger l'univers dans sa tentative totalement fantaisiste de vouloir COORDONNER ce qu'il y a de plus subtil avec ce qu'il y a de plus épais. La conscience de l'os ne veut pas évoluer, tandis que le mental le plus ordinaire peut imaginer des mondes en accélération rapide vers la perfection. Mascarades et fariboles de la pensée, assujettie au corps qui pourrira très vite.


Quand un malheur arrive et qu'on ne sait pas d'où il tombe, on s'empresse d'en inventer un tout neuf, de toutes pièces, pour se sentir responsable de ce lisier... J'exagère, le malheur qui arrive tout seul déstabilise et on en profite pour faire des erreurs qui le décorent et donnent une légitimité à la souffrance, tout est là, trouver une cause à la souffrance, imaginaire bien entendu, et hors de soi, cela va de soi. Il y a une jouissance dans la récrimination, une véritable saloperie, mais bien peu s'en rendent compte. Ils sont prêts à tout pour pouvoir récriminer, ils deviennent des experts du sabotage relationnel. Il y a donc des secondes natures perverses qui correspondent aux fonctions psychologiques et elles s'installent quand on ne sait plus utiliser correctement Mars et Vénus, Jupiter et Saturne, qui dictent des modes de perception dans un univers psychologique qu'ils se partagent. La vision supramentale est simple, l'accès à la complexité est naturel, la complexité n'est donc plus compliquée ! C'est un ordre, tout simplement. Cet ordre apparaît spontanément, mais le désordre en fait partie, car les forces complémentaires sur le plan des principes deviennent opposées et rivales dans la Manifestation, tout en se mélangeant dans des amalgames furtifs. (Les physiciens qui se spécialisent dans la mécanique des fluides sont exaspérés par les formes imprévisibles que les turbulences adoptent sous l'effet de la convection, soit le rayonnement d'un changement de température dans un liquide quelconque. Oui, je me tue à le répéter, l'échelle du temps où se passent vraiment les échanges de toutes sortes est peut-être encore bien plus rapide que celle qui nous fait générer des pensées, dont le rythme est ralenti par l'épais cerveau. Aucune pensée ne s'immobilise, c'est déjà du très vite, mais au niveau de la matière, notre fréquence mentale, ça lambine.) C'est d'une simplicité enfantine d'admettre que tout se mélange et qu'il suffit de trouver les couleurs fondamentales, mais le mental ne peut fonctionner de cette manière-là que chez les personnes qui l'ont complètement détaché du vital, lui qui passe son temps à brouiller les pistes avec les projections (certaines attentes sont illégitimes du côté de Jupiter et Vénus comme certains mouvements partant de soi sont illégitimes avec Mars et Saturne).


La connaissance est déposée partout, mais l'aveuglement préside, et je dois l'accepter. Cela me fait parfois soupirer, comment font-ils pour passer à côté de la conscience qui leur tend les bras? Le plus probable, c'est que les mondes au-delà du désir ne les intéressent pas, et le « désir d'être soi » est fondé sur la nature tant que le basculement vers « le chemin du retour » n'est pas opéré. Même parmi les penseurs, la moitié est manipulée par la vanité, soit l'idée qu'ils sont meilleurs que les autres. La plupart finit sectaire, la haine prête à se jeter sur les pairs qui voient les choses différemment. C'est à ce genre de considérations que l'on comprend le risque extraordinaire que court la nature en passant de l'instinct au mental, qui fabriquera des fanatiques en série parmi ceux qui « croiront » au pouvoir de la pensée. J'ai commencé à l'évoquer, la pensée qui s'empare du moi (et coupe de l'incarnation) est aussi dangereuse que la pensée au service de l'instinct. En réalité, la seule pensée vraiment positive est celle qui renonce à elle-même et comprend ses limites. Bref, pour se consoler, nous n'avons qu'à dire que c'est normal que le Divin ne soit pas pressé: il est éternel. Allez, bonne année dans l'unité de la souffrance/jouissance (et sans sadomasochisme of course).


4 Janvier 2018



Le problème, c'est que l'ostracisme sévit aussi dans la spiritualité, ce qui signifie que le mental est toujours plus puissant. Les disciples de Sri Aurobindo, — rien n'est plus facile que de se déclarer tel, sont les plus fantaisistes de tous les chercheurs spirituels. Ils jouent habilement, comme les tantriques, sur la valeur de la vie, que leur maître défend, ce qui les autorise à un certain laxisme sur de nombreux plans. Mais Sri Aurobindo n'a pas justifié la vie pour elle-même, ce qui est la pure thèse matérialiste, comme peuvent la défendre des esprits supérieurs sachant rester intègres au sein de l'immanence sacrée, comme Onfray et avant lui Démocrite. La vie doit être défendue par les yogis supramentaux pour la transformer et non pas pour la légitimer telle qu'elle est. Dans cette mesure, la méfiance vis-à-vis du désir est à conserver pour les hommes et les «  nouvelles femmes », qui peuvent dissocier la sexualité de l'amour. Mais en termes de diagnostic psychologique, la plupart des disciples aurobindiens sont des uraniens, c'est-à-dire des êtres humains au karma déjà bien chargé du fardeau de la liberté. Les uraniens ont horreur des contraintes, agissent de leur propre chef, ils ont tous une personnalité très différenciée et le terme de soumission les fait plutôt flipper. Ils préfèrent donc lire les œuvres fascinantes qui sortent complètement de l'ordinaire des dogmes religieux et des recommandations doctrinaires, que de se pencher sur « Lettres sur le yoga » par exemple, où Sri Aurobindo ne cesse de rappeler que le passage ne peut s'effectuer si le Divin n'est pas au centre de toute l'activité psychologique, ce qui est nécessaire pour détourner, alors que c'est long et très pénible, l'âme charnelle de sa domination — prendre du plaisir et l'imaginer.


Néanmoins, la puissance de l'âme charnelle est telle que la chasteté ne porte pas forcément de fruits si elle s'accompagne de trop nombreuses frustrations, comme un amour vrai peut fonder dans la reconnaissance de la vie et de son potentiel magique de transformations évolutives. Chaque contexte modifie la valeur des principes tels qu'ils sont énoncés sur la carte, et de nombreux bramacharias ne servent à rien (quand ils ne renforcent pas l'ego spirituel), comme de nombreux abandons sincères à la force de la Vie peuvent mener à reconnaître la nécessité de faire marcher ensemble l'âme charnelle (trop désirante) et l'âme intelligible (qui surplombe les faits pour cultiver des dénis). Une fois de plus, c'est le terrain, me semble-t-il, qui fait la loi, il y a des moments pour « Vivre » et d'autres pour s'enfoncer à l'intérieur de soi-même dans une exigence absolue, qui exclut le recours à l'autre, aussi bien sur le plan vital que mental. Je défends donc becs et ongles l'idée du « chantier » du moi, chantier sur lequel il est souvent nécessaire d'abandonner la construction, même s'il n'y a plus que le toit à poser, parce qu'il aura fallu attendre ce moment-là pour se rendre compte que le terrain n'était pas le bon. En général, « on » continue quand même. Seuls, les êtres possédés par l'intelligence du mouvement savent se raviser quand cela est nécessaire. Les autres pensent aux efforts qu'ils ont dû faire pour creuser les fondations et monter les murs et les cloisons, alors ils préfèrent finir le logement dans lequel ils pourriront, que de reprendre la route sans rien regretter de leur précédent échec. C'est la pose de la charpente qui les a éreintés, alors même si le flash se produit qu'ils n'ont rien à faire ici et qu'ils feraient mieux de déguerpir, ils posent les tuiles quand même pour se féliciter d'être allés jusqu'au bout, et ils s'installent !


Il n'est jamais trop tard pour faire machine arrière, et les mariés ou mariées qui s'enfuient en courant avant d'entrer dans l'église pour l'échange des anneaux, contrairement à une opinion répandue, rien n'indique qu'ils fuient. Il faut même un sacré courage pour planter tout son beau monde à ce moment-là. Les flashs de lucidité absolue ne proviennent pas du mental « constructeur », mais d'une fenêtre qui s'ouvre inopinément donnant sur la vraie vision de l'avenir, celui qui n'a pas été conçu, et qui fera foi. Renoncer au dernier moment, trahir, tous ces mouvements ont parfois une vraie légitimité. La loyauté, la fidélité, okay d'accord, mais à qui, à quoi être fidèle, si seul le Divin ne trompe pas?


5 Janvier 2018



La connaissance avance énormément depuis quelques jours, alors que j'ai passé près de deux mois sans aucune intensité mentale. Mais quand le besoin de réfléchir revient, avec celui de s'exprimer, il est plus puissant, plus enraciné dans une réalité plus vaste. Je concède que les choses vont dans un sens assez « dérangeant » si je suis les progrès de ma perception: l'homme n'occupe qu'un tout petit segment de la réalité, et l'humain fait différents types d'erreur en ne comprenant pas quelle est sa place. La première erreur, la plus courante, consiste à inventer de toutes pièces la réalité manquante. A défaut de découvrir la vraie, le mental invente une réalité purement illusoire, mais qui lui donne l'impression de « contrôler », de « maîtriser » beaucoup de choses. La seconde erreur consiste à trouver tous les moyens imaginables pour décréter que le peu de réalité que l'on connaît est largement suffisant pour permettre de se sentir épanoui, il suffit d'organiser le milieu correctement, d'en tirer parti, et d'oublier toute question profonde. A ce propos, je trouve vraiment que les boxeurs de ma catégorie sont trop peu nombreux. Les esprits vraiment prêts à dénicher les manœuvres de l'intelligence partout sont vraiment rares. Heureusement qu'il y a eu René Guenon, et, aujourd'hui, François Jullien démontre, si l'on veut, qu'il n'y a pas qu'une seule manière de percevoir le réel (la nôtre depuis Aristote), puisque les chinois voient les choses autrement. Ils n'ont pratiquement pas besoin de concepts, tant ils se fient à l'observation pour avancer vers les décisions. Certaines tribus d'Amérique centrale (voire d'autres lieux évidemment) ont une culture avare mais propre pourrait-on dire, et, bien que l'on ne le perçoive pas du haut de notre Histoire, y naître peut constituer une opportunité pour l'âme qui prendra confiance dans l'incarnation, la culture du conflit y étant absente. Je me sens, cette fois, dépositaire d'une avance de plusieurs siècles sur mes contemporains, et je dis bien dépositaire, car c'est le supramental et lui seul, qui remplace la perception conceptuelle par une sorte de nouveau « regard », puisque les choses sont vues au lieu d'être pensées, arrangées, structurées pour appartenir à une vision du monde...


Pourtant, l'esprit logique reste fidèle au poste, et peut-être même qu'il devient encore plus rigoureux. J'ai réalisé soudain, une intuition brève et profonde, que mon petit discours sur « la maison à abandonner alors qu'il ne manque que le toit à poser » correspond forcément à un des hexagrammes du yi-king. Je m'y suis intéressé cette vie-ci, mais j'ai préféré réorganiser totalement le tarot des 22 arcanes avec l'aide du supramental. De toute façon, je me tue à le dire, les principes vraiment PREMIERS ne sont pas très nombreux, tout le reste n'est que leur mélange. Je n'ai sans doute pas terminé le travail à faire dans cette même direction, mais j'ai déjà été si radical, en ne préconisant que l'essentiel, être yin ou yang, observer les gunas, savoir laquelle des sept fonctions alchimiques prend le devant de la scène dans le présent, que j'ai mis tout le monde au pied du mur. Moralité, tous les faux chercheurs sont écœurés, ils ne peuvent plus tricher, ils ne peuvent plus se donner le change avec de belles paroles et des commentaires snobs. Quant aux éveillés qui s'enferment dans leur illumination, il n'en manque pas non plus, car pour le moment, nous ne sommes pas nombreux à saisir la puissance du supramental, et à pouvoir faire la différence avec les autres « réalisations », qui restent assez pauvres par rapport à ce qui se produit dans la transformation supramentale physique, le cerveau commençant un autre fonctionnement, que ni le soi ni le surmental n'autorisent.


J'aurai au moins servi à cela, ramener toute spiritualité au travail intérieur à accomplir, et non à la discussion des canons, des sutras, des squelettes conceptuels des doctrines, qui ne sont que des friandises pour le mental qui ne veut pas mourir, et s'arrangera donc pour en tirer une fausse stratégie de changement, pour rester à la surface des choses avec des jongleries.


6 Janvier 2018



Ce que l'on veut dissimuler, c'est justement le lieu des faiblesses ou des incapacités, ce dont on n'est pas fier, mais cette politique échoue. Une personne qui se débrouille pour donner une belle image d'elle-même sera méprisée une fois démasquée, alors que l'individu qui « avoue » sans cesse ses difficultés, même s'il semble vulnérable, finira par attirer confiance et sympathie. Il ne s'agit pas de tout déballer en permanence, mais d'abandonner un certain triomphalisme, qui consiste, systématiquement et pour toute l'espèce, à gonfler ses mérites et ses succès, et à minimiser erreurs, inconduites, fautes, faux pas, chutes, etc. La « pratique » du yoga supramental n'a rien à voir avec les beaux discours et les idéaux et il devient impossible de se cacher quoi que ce soit sur soi-même. Rien ne dit que les « principes » tiennent la route en permanence dans la navigation à vue qu'est le yoga supramental. Il y a trop de choses à voir de près, trop de pressions de la part de forces surhumaines pour prétendre pouvoir s'en tenir à la même stratégie, alors que l'avancée est extrêmement rapide et fait changer la perception des choses à toute vitesse. C'est donc l'honneteté qui doit primer, et, en ce qui me concerne, j'étais prêt à préférer vivre selon ma propre loi que continuer à obéir à des principes qui ne me concernaient plus, après sept ans d'obéissance. Il se trouve que le Divin m'a donné « carte blanche » et que j'ai avancé selon mes propres besoins avec un retour à la sexualité après huit ans d'abstinence absolue, ce qui m'a mené jusqu'à l'extraordinaire aventure des « artifices génétiques » en janvier 2001. Alors que je venais de « tout » envoyer paître, ma compagne et son désir d' enfant récurrent, ma soeur me persécutant sur un héritage, et une petite maison acquise par chance (elle en avait beaucoup) par ma mère. Bref, j'ai voulu sauver le yoga supramental en laissant tout derrière moi, en partant à Mayotte, où j'ai vécu des choses absolument incroyables, dès mon arrivée. Là s'est passé un grand tournant, un immense tournant. En effet, en 2000, tout mon corps passait par des périodes de malaise imprévisibles, avec des sensations très désagréables, très certainement la « conscience de la mort » s'avouait dans les cellules, à quarante-neuf ans. C'était l'enfer, tout le corps suintait un mal-être global, ça durait des heures, j'étais dépossédé de moi-même. Il est aujourd'hui certain que le supramental ne pouvait pas continuer dans cette substance matérielle du corps biologique répliqué depuis des milliers de générations en stockant des informations inconscientes par millions. Les gènes ont donc explosé, pour ouvrir un nouveau chemin au supramental. Le yoga supramental n'est pas une aventure qui découle d'une notice apprise par cœur, mais quelque chose qui plonge dans d'innombrables dimensions INCONNUES.


Que ces dimensions inconnues soient présentes sans qu'on les aperçoive, c'est à la mécanique quantique d'en rendre compte. Elles sont là, mais pour les voir, il faut atteindre par la conscience une nouvelle condition. C'est donc sans doute « l'être psychique » qui soudain, par une opération indéfinissable, utilise le corps autrement, ce qui ouvre COMPLETEMENT les fenêtres de la perception. C'est mystérieux, et c'est certain que les matérialistes profitent encore du peu d'expérimentateurs pour affirmer que ces perceptions sont des hallucinations alors qu'elles découvrent des sphères principielles. Une fois ce monde pénétré, une fois que l'on y sera accroché (pour moi c'est le 17 mars 1978), toutes les perceptions peuvent changer, tandis que des prises de conscience fantastiques (il n'y a pas de meilleur qualificatif pour évoquer la surprise et l'aspect irrationnel des découvertes) peuvent se produire. Or, comme il y a un écart absolument considérable entre les dimensions nouvelles perçues et le monde dans lequel elles n'existent pas tant elles sont cachées, le moi est obligé de faire une navette rapide et aléatoire entre les nouveaux objets perçus, comme les identités divines, le champ imprégné de supramental, et tout le reliquat de l'individu dans son milieu ordinaire, ce sujet qui possède sa logique, son corps, son hérédité, sa personnalité, c'est-à-dire son caractère, et qui supporte l'intrusion divine. Il se trouve que la puissance de tout ce que l'on aura été avant la transformation ne peut pas assimiler, ni intégrer rapidement les contacts avec les dimensions supérieures qui se présentent. Il y aura donc des degrès différents de conquête selon les capacités d'adaptation des individus. Il y aura aussi le karma à résoudre, avant d'aller très loin, car l'illumination ne le dissout pas entièrement. Bref, non seulement pour le moment le Supramental est presque inaccessible, mais une fois « touché », les difficultés ne font que commencer, car toute l'histoire de la vie se refait à l'envers, bonjour les dégats. C'est en quelque sorte la preuve par neuf qu'il s'agit vraiment d'un autre monde que le monde « spirituel » connu, recensé, établi.


C'est-à-dire qu'il faut prendre au pied de la lettre la définition de Sri Aurobindo: c'est le début de l'hémisphère supérieur.


Or, c'est une véritable révolution, qui va par exemple à l'encontre de certains canons spirituels élevés. Par le passé, il était entendu que certains maîtres dits parfaits pouvaient perdre le contact avec le monde extérieur, embrasés par leur amour pour Dieu (source Meher Baba). Ce n'est pas la direction de l'évolution. Grâce à Sri Aurobindo et Mère qui ont réconcilié le Divin et le vie, le bhakta accompli restera fidèle au poste dans la vie, et verra le Divin s'emparer de son enveloppe charnelle. Dans le même ordre d'idées, et de l'autre côté exactement, il était dit que le Parabrahman, le soi du soi, était l'ultime réussite spirituelle. Il se trouve que Sri Aurobindo a traité de lâches les maîtres qui voudraient se diriger vers cette dimension, une fois le Soi atteint, pour suivre la doctrine archaïque du Vedanta. J'ai fait l'expérience du Parabrahman en 1984, quelques secondes seulement, mais j'étais trop jeune, avec toute cette force de vie en moi, pour trouver intéressant de m'y confiner. J'avais aboli le sujet à un point inimaginable, et j'étais complètement désidentifié de moi-même, tout en étant complètement le monde extérieur, jusque-là ça va, mais le fait d'être totalement identifié à tout (en l'occurence ce bœuf qui tirait une charrette ne pouvait être que moi-même) n'avait plus aucun sens. Zéro multiplié par zéro égale un infini négatif ! Dans d'autres voies encore, il était possible de se donner le change avec des « siddhis » et ceux qui les acquéraient se croyaient les humains les plus parfaits de la planète... et se prenaient pour des dieux. Tout cela, ce n'étaient que les enfantillages les plus performants du singe devenu conscient. Le supramental, ça fout aussi la pagaïe au sommet des hiérarchies spirituelles et c'est normal: c'est le début de l'hémisphère supérieur, c'est-à-dire du supracosmique.


Si c'est donc du supracomsique, et j'y reviendrai, c'est un monde hors du temps lui-même, et qui se moque donc de la durée (les trames qui constituent la matière ne peuvent être modifiées qu'à partir d'une vitesse supérieure à celle dont l'espace-temps dispose). Le supramental parviendra ou non à s'immiscer dans la vie humaine, mais cela n'a aucune importance mon cher Saturne, qu'il y parvienne en trois cents, trois mille, ou trois cent mille ans. C'est de l'autre côté, un point c'est tout. Là où l'éternité rote tous les quinze milliards d'années un nouvel univers dans un coin vide de l'infini. Rien à voir avec quoi que ce soit de concevable. Bon, je ne veux pas vous assommer non plus. C'est la pause café.


7 Janvier 2018



Il est devenu clair pour moi que le mental prend très souvent le rôle de l'inquisiteur, pour d'innombrables raisons, ce qui permet au sujet d'avoir l'impression d'avoir raison. Bien que seul Jésus et ses meilleurs disciples aient compris au cours des âges que le jugement de valeur était une projection, aujourd'hui plus que jamais le jugement de valeur triomphe et obéit à certains codes, comme le politiquement correct (indignation des journalistes nantis face à toute position plus réaliste que la leur) et le spirituellement correct pour les petits groupes sectaires des chercheurs (soi-disant) de la vérité. Non seulement les obsédés de la non-dualité se regroupent en se tenant à l'écart de la vision aurobindienne, mais, parmi les thuriféraires de Sri Aurobindo, il n'y a pas d'entente, avec de petits blocs hermétiques. Comme les Auroviliens divisés en factions, les fidèles de Satprem qui mettent un point d'honneur à le surestimer et à ignorer l'hypothése de nouveaux mutants, ainsi que les suiveurs de Nolini, le premier ashramite à proclamer que, Mère ayant échoué, le projet supramental était reporté pour la terre entière, ce qui m'interdit donc d'être ce que je suis et de faire ce que je fais. Nous tenons le principe de déni du réel, c'est-à-dire l'opinion qui se détourne des faits avant même de les avoir observés, cette terrible tare humaine à laquelle Michel Onfray s'attaque depuis quelques années. Avec son exécution de Freud, il a enfin trouvé la vraie perspective pour démystifier les héros, car les héros ne survivent que si leur part maudite, ou en tout cas leur ombre, reste cachée. Le déni du réel est donc pratique, c'est le couteau suisse de la pensée, de la matrice. Les faits désobligeants, qui ne cadrent pas avec des opinions préconçues érigées en système, ne sont pas pris en compte. En revanche, construire une glorieuse pyramide avec quelques considérations incontestables, permet de chérir son héros, de l'envelopper de cette pureté idéale sans laquelle il ne mériterait pas ce piédestal. S'il faut pour cela détourner les yeux de certains événements, qu'à cela ne tienne. C'est justement cette politique « idéaliste » qui est en train de se casser la figure partout. Plus personne n'a envie d'autoriser la lumière à cacher l'ombre des grands de ce monde. La chute de D.S.K parait déjà anodine par rapport à l'ignoble conduite du producteur américain Weinstein. Et je crois que ce n'est pas fini. J'avais d'ailleurs averti tout le monde que le transit de Pluton en Capricorne allait faire des ravages au sein des « autorités ». Cela continue.


Au lieu de me plaindre de la politique du déni, je ferais mieux de me féliciter de ne l'avoir jamais pratiquée. N'ayant toute ma vie fait qu'une chose, obéir au nécessaire, je suis devenu mon propre chantier de transformation, prêt à tout pour avancer. J'ai profondément modifié ce qu'aurait dû être le cours de ma vie si je ne m'étais pas attaqué de plein fouet à ce qui pouvait m'empêcher de me réaliser. J'ai fait des efforts surhumains pour me soustraire à l'envoûtement du présent, qui me privait de toute volonté, même une fois l'illumination de la libération atteinte. J'ai passé outre mon hérédité et mon thème natal pour mettre au pas ma sensualité, je suis resté classique dans le fond, très classique, profondément sourcilleux et scrupuleux, sans quoi le monde supracosmique m'aurait laissé de côté, d'ailleurs rien ne dit que les éveillés y soient prédestinés : ils ont travaillé jusqu'à la libération, et n'ont pas forcément envie de continuer à faire du zèle, zèle sans lequel le supramental se dérobe, car un nouveau chantier s'ouvre.


Je ne dis pas cela pour me vanter, mais bien pour établir qu'il est possible de changer en profondeur « la nouvelle donne » de l'incarnation présente, même une fois éveillé. La naissance oblige à s'habiller d'un caractère imparfait, mais qui fait pleinement son office dans une vie ordinaire, et certains chocs laissent des traces profondes qui altèrent le fonctionnement cérébral. La sadhana est donc une sorte de cerise sur le gâteau pour les plus exigeants, capables de se frayer un chemin à la machette parmi les opportunités et les contraintes de l'existence, s'ils sont prêts à revivre leur passé pour y dénicher des faux plis, et à renoncer aux ambitions courantes qui rendent le présent esclave des images de l'avenir. Mais elle est d'une telle exigence qu'il existe un fossé entre ceux qui la suivent et ceux qui font semblant, et qui ne font que décorer leur existence ordinaire de considérations métaphysiques. J'ose avancer que l'être humain est « programmé » pour prendre de mauvaises décisions. La vraie décision ne peut pas découler du passé, et cela déroute complètement ce pauvre cerveau animal, ce qui conduit à reconnaître que seules les personnes qui ont une intuition de leur être psychique prennent les bonnes décisions. Elles servent alors leur être au lieu de continuer à être au service de cette âme charnelle toute puissante, qui, depuis le bébé, n'a cessé de renforcer son emprise sur le sujet. Il est vrai qu'à trente ans une première décantation est possible, mais pour la majorité des êtres humains, les bifurcations sont ratées (30 ans, 40 à 42 ans, 57 à 60 ans) car le moi poursuit sur sa lancée originelle, soit la formation d'un caractère donné qui se fixera.


Il existe toute une catégorie d'êtres humains coincés entre la nature, leur caractère, et la vision spirituelle. Ils ne sont plus soumis à la mécanique, mais ne parviennent pas à l'engagement absolu. Ils remplissent les rangs des gourous à succès, qui, s'ils ne sont pas des charlatans, les branchent sur des énergies positives, qu'ils gaspilleront ou utiliseront comme marchepied selon les individus. Aucune de ces démarches ne dépend du supracosmique, la magie cérémonielle enveloppe le darshan de Sri Tathâta, encore un mythe en marche de canonisation puisqu'il est préconsisé par ses dévots d'abandonner toutes les autres références (inférieures ça va de soi)... Pour moi le darshan d'Amma est plutôt une drogue qu'autre chose, un énorme shoot de morphine, tellement puissant que le sujet peut repartir sur des bases plus saines s'il est vraiment sincère. SInon, il voudra sa dose régulière naturellement. Il reste mère Meera, une entité non humaine, qui interface peut-être son propre niveau d' énergie avec le supramental. Personnellement, je continue ma route vers l'Esprit, que j'aime, et que j'ai enfin la chance de pouvoir rencontrer physiquement, sans pouvoir donner de sens à ce que je vis, si ce n'est justement d'accepter de supporter l'intrusion de l'énergie originelle. Le supramental triture tous les corps, en suivant sa logique à lui. Hier, par exemple, les cuisses et les mollets étaient si écrasés que c'en était douloureux, mais c'est resté supportable, ça s'arrête plutôt que de désorganiser la perception d'ensemble quand la douleur dure trop longtemps.


Alors que la chenille devient papillon à son corps défendant, la transformation supramentale oblige à une responsabilité harassante vis-à-vis du corps et du caractère, et il faut en plus gérer l'incompréhension dont on est l'objet, tant de personnes sont gênées, parfois, par votre seule présence, ou plus généralement par le discours, dans lequel il ne subsiste que très peu de projections par rapport à tout ce que la matrice oblige à penser chez tous les humains qui ne basculent pas vers la radicalité spirituelle. Il reste à ces derniers, aux chercheurs, à se débarrasser de leur propre école pour avoir une chance de comprendre que le supracosmique s'avance. Ce qui devrait mettre fin à la guerre entre les démons et les dieux, les religions et les humanismes, puisque toute la terre est infestée de pouvoirs occultes qui veulent s'en emparer. Dans l'ensemble des forces actuelles, peu d'individus veulent se soumettre à l'énergie supracosmique, ce qui rend le mouvement extrêmement lent. Mais si nous avons des siècles devant nous tous les espoirs sont permis, même celui de voir arriver la vie divine dans des monastères tibétains, et l'agenda dans les quelques couvents survivants, tandis que les chinois devraient finir par apprécier, dans quelques siècles, les principes de la Manifestation d'un certain français respectant leur bon sens et leurs allergies aux envolées idéalistes, aux hypothèses esthétiques et aux digressions masturbatoires. Infuser les énergies supracosmiques sur terre est une entreprise toute nouvelle, et qui ne peut pas être prise en compte par les représentants officiels des cultes monothéistes, bouddhistes et taoïstes.


Seul l'advaita s'en rapproche, encore faut-il qu'il incorpore que le contact avec la Mère des mondes est possible, ce qui ne peut s'opérer que par la reconnaissance de Sri Aurobindo, et de l'Agenda de 1956 à 1973. Bref, si nous sommes pressés, nous attirons des déceptions inutiles. Tout cela va très lentement, y compris la transformation physique. Il faut s'y faire, saluer la perfection du projet et le servir, mais en mesurer mesquinement les résultats indique simplement qu'on n'a pas saisi l'écart entre le supramental et tous les autres pouvoirs spirituels, qui laissent la matière intacte. A moins que l'on me montre un « corps de gloire » vivant, je continuerai de considérer que l'énergie supramentale tente quelque chose de neuf, que la mère de Pondichéry a inauguré.


8 Janvier 2018



Je ne trouve pas pour autant que les autres voies soient inférieures, car la vision supramentale n'est plus d'ordre hiérarchique. Elle obéit à un autre principe de perception globale, ce qui veut principalement dire, dans l'immense champ de l'évolution, qu'une personne qui a peu de moyens mais fait de son mieux est plus proche du Divin qu'une personne aux nombreux talents et qui ne bascule pas vers la reconnaissance de sa dette pour le Divin, ou qui se l'approprie. Car la dette est vraiment là, d'abord cachée, puis quand le moi comprend qu'il est porté par le Tout, il sent qu'il lui est redevable de sa propre existence et il est prêt à se méfier de ses croyances. Le merveilleux travail commence, descendre de son piédestal pour rejoindre le vrai présent, celui dans lequel c'est le corps qui est embarqué, et c'est avec une immense satisfaction que je vois de nombreux éveillés, parfois en contact avec le public grâce à la revue 3°millénaire ou des tv privées comme Hym-media, rappeler la simplicité de la voie, revenir au moment vrai, celui qui nous embarque dans le flot de l'Histoire. C'est là que les choses se passent, mais ce moment présent et pur n'est pas celui de la pensée, qui l'interprète avant de le vivre. C'est autour de cette seule vérité que s'articulent toutes les voies, sur la terre, qui ne sont pas à proprement parler mystiques, mais qui tendent simultanément à une connaissance de soi et à une réintégration dans la réalité immuable. Il est pour moi assez incompréhensible que des personnes qui refusent de passer par là s'intéressent au supramental, lui qui ne peut se manifester qu'une fois le mental totalement pacifié parce que le contact authentique avec le présent absolu aura remplacé celui des projections perpétuelles.


Le problème est donc celui de l'usurpation. Un maître du Soi impersonnel peut très bien n'avoir qu'une dizaine de disciples tandis qu'un simulateur, parce qu'il s'appuie sur des forces occultes, peut avoir des disciples dans le monde entier. Les maîtres ne sont pas tous authentiques, et parmi ceux qui le sont, beaucoup surestiment la portée de leur enseignement, mais c'est très rarement intentionnel. C'est simplement qu'ils continuent de trop « généraliser » à partir de leur propre expérience, et ils ont donc tendance à rendre obligatoire leur propre cheminement, en toute sincérité, parce que c'est ce chemin-là qui leur a réussi. Le supramental a tellement de puissance qu'il permet de supporter tous les ostracismes pour la bonne raison qu'il voit spontanément l'intention vraie qui anime les systèmes qui se refermeront sur des manœuvres, des formes, des interdits et des règlements (voir essais sur la Gûitâ, un livre parfait). Le supramental voit la part de vérité partout où elle émerge, avant qu'elle ne devienne totalitaire, ce qui arrive nécessairement par la création du dogme qui garantit l'expansion de la doctrine. C'est un cercle vicieux. L'intention pure est toujours plus profonde que toute mise en forme conceptuelle qui devra en rendre compte, bien que la Vie divine échappe à cette règle puisque son niveau d'inspiration n'a plus rien à voir avec celui des avatars. Même sil faut un certain entraînement pour faire la différence entre les plus grands textes sacrés et l'œuvre de Sri Aurobindo, un jour il apparaît distinctement qu'il n'a pas d'équivalent. Mais à ce moment-là, le mental peut l'emporter quand même. Le supramental n'est réel que pour ses inventeurs, dira-t-il ! Le présupposé : le Divin reprend possession de la Matière, ne sera que pure hypothèse, tant qu'il n'y aura pas de « mutants » confirmés. On ne peut pas attendre grand chose d'un mental qui n'a pas la foi, et les « informations objectives » ne plaident pas en faveur du mouvement. La « Mère » est restée une personne énigmatique, avec son mariage bizarre qui l'a uni à un homme qu'elle considèrera comme un adversaire haut placé du Divin, et une maternité qui, de l'extérieur, semble avoir été négligée. Satprem n'a pas « réussi » et il a été fort contesté par ses proches à la fin de sa vie, proportionnellement à un mythe qui en fait, à tort, un héros, mais il s'est accompli quand même et a bel et bien sauvé l'Agenda.


L'humain pensant ne peut prévaloir sur le Divin lui-même, et il continuera donc de se produire l'événement suivant: des hommes et des femmes méprisés par tous les autres, ou rejetés pour leur radicalisme, leur profondeur, leurs exigences de vérité, leur franc parler, leur intégrité, trouveront l'éveil en catimini, — seuls contre tous. Et après avoir subi l'opprobre générale, dix, vingt, trente, quarante ans, ils deviendront des héros adulés par les enfants de leurs contempteurs. C'est le schéma classique. Le rejet obstiné, le plus longtemps possible, puis l'admiration obséquieuse les générations suivantes. Enfin, la déification quelques siècles plus tard pour certains. Il est évident que ce schéma est profondément défectueux, mais il est systématique. Bien sûr, la forme peut varier quelque peu. Mais nous ne sommes pas sortis de l'auberge avec l'islam. Si le Prophète n'a pas été déifié, le Coran est considéré par les musulmans comme la parole même de « Dieu » qui l'aurait dicté. Il ne faut pas être grand clerc pour soupeser les menaces qui découlent de cette affirmation. La situation n'est pas rassurante. La première issue véritable du monde mental est constituée par l'éveil, qui ne concerne pour le moment qu'un ou deux terriens seulement sur un million. Il existe naturellement des êtres humains qui respectent les lois cosmiques spontanément, sans même en avoir conscience, et, quel que soit leur nombre, ces terriens-là ne seront pas nuisibles et se rangeront en grande partie du côté des leaders évolutifs. Mais il reste plusieurs catégories d'individus pour lesquels toute transformation est une menace posée sur leurs privilèges, même chez certains spiritualistes, qui ont des institutions à défendre. Demander à un jésuite de passer de Jésus à Sri Aurobindo ou à un brahmane de passer de Sankara à la mère de Pondichéry, ce sont des opérations difficiles tant le « moi » a besoin de s'identifier à des repères qui le rassurent.


Je ne peux pas m'empêcher de considérer qu'un conflit se prépare entre les « terriens évolutifs » et les autres, que l'Histoire devrait condamner avant la fin de ce siècle. Nous sommes en pleine période de transition. L'insatisfaction va grandir. Mais une « concertation » à l'échelle planétaire étant impossible, des guerres, numériques, économiques ou autres, devraient finir par se produire, d'autant que la démographie exponentielle sur certains continents poussera à toutes sortes d'invasions, ce fameux sujet tabou que Renaud Camus a laissé s'échapper de sa conscience conservatrice, qui apporte de l'eau au moulin de toutes les partis d'extrême-droite d'Europe. Etant donné les difficultés de l'esprit à se reconnaître lui-même dans des formes différentes, le métissage généralisé n'est pas si évident que cela à mener à bien, puisque les croyances divisent les humains en clans incompatibles. C'était un des leitmotivs de Krishnamurti, qui combattait la violence en la fondant dans la pensée croyante dont il préconisait de s'affranchir, comme à une autre échelle, Levy-Strauss, qu'on ne peut soupçonner d'idiotie, avait averti qu'au-delà d'un certain seuil, une structure collective donnée ne pouvait conserver son intégrité face à une somme trop importante d'éléments hétérogènes. Cette pensée n'est pas angélique, mais sans doute bien réelle, ce qui envoie ce pauvre Edgar Morin dans les choux et les cordes, puisqu'il prétend qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter d'une saturation d'immigrés. Il ne pourrait avoir raison que si le métissage général se passait lentement, mais tel n'est pas le cas. Toute l'Histoire a comploté dans le même sens, les inégalités entre les Etats riches et pauvres, la démographie, les turbulences politiques dans les pays en voie de développement, l'efficacité des moyens de transport, comme l'avion qui a permis à des centaines de jeunes français de rejoindre incognito et illico presto le djihad. Qui, il y a un siècle seulement, aurait accepté de voyager un mois ou deux à ses risques et périls, avec peu de chances d'y parvenir, pour rejoindre une insurrection ? L'abolition des distances a chamboulé beaucoup de choses, et nous n'avons pas encore saisi toutes les conséquences des déplacements géographiques rapides, de même que les connexions immédiates à longue distance par internet, nous réservent encore des surprises, toutes sortes de surprises !


L'Histoire ne nous attend pas, et utilise toutes les conséquences des actes que nous n'avons pas prévues.


La pensée ne touche pas sa bille au milieu de ce chaos rapide.


Raison de plus pour laisser le monde phénoménal de côté en ne le prenant plus au sérieux même si on l'assume : il n'a pas fini de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.


20 Janvier 2018



Encore quelques journées assez étranges, pas de joie, mais une sorte de sérénité impresciptible qui remplace presque ce qui me manque. Jours sans entrain, avec peu de solutions, mais la Force descend dans des zones encore plus profondes. J'ai repris avec plaisir le jeu d'échecs, gagnant parfois des obsédés qui jouent tous les jours, à la plage ou à Denpasar, avec ce long trajet en scooter pendant lequel je lâche complètement prise, et qui me place au centre spirituel de Bali, sur cette merveilleuse place près d'un temple vénéré. Sinon, je surfe un peu. Le net est intelligent et constitue un mode de résistance souverain — mais il faut trouver les bonnes adresses. Je confirme que tout notre corps est de la mémoire organisée, avec tous les problèmes de ce que nous traînons avec nous et qui vient d'ailleurs. La psychogénéalogie, les fantômes familiaux, la psychanalyse transgénérationnelle, tout cela revient au même, avec l'épigénétique. Cela me permet donc de classer les survivances dynamiques en génériques (colère, jalousie, peur sans danger, envie compulsive, intransigeance psycho-rigide, attentes obsessionnelles, narcissisme primaire entre autres) et en génétiques, avec tous les héritages toxiques possible imaginables. Je patauge dans ce monde-là depuis 2001, mais je suis moins catégorique que les intervenants sur le web, ces praticiens qui laissent entendre que ce type de préjudices pend au nez de tous. Ce sont des révélateurs analogues qui les activent, mais certaines personnes passent à travers, et pour eux ce genre de « kystes » ne joue pratiquement aucun rôle. En revanche, leur réveil à la suite d'un événement correspondant, peut certainement troubler énormément la personnalité, et même, chercher à la détruire.


Il faut vraiment aimer le Divin pour supporter tout ce que je vois dans la Manifestation depuis dix-sept ans, il n'y a pratiquement que du gaspillage, et pire, du sabotage. La qualité intuitive des « praticiens » dans ce genre de thérapie est remarquable, et la plupart font un excellent travail. Personnellement, j'ai revécu un enfanticide, ce qui est consigné, et avant de le voir surgir, pendant des années, le trauma agissait par en-dessous : j'étais dans un malaise certain à chaque moment qui sortait vraiment de l'ordinaire, comme un voyage en avion par exemple. L'idée que nos ancêtres ont laissé des dettes dans notre corps ou notre esprit n'est pas si absurde que cela peut paraître au prime abord cartésien. La vie est avant tout énergie, mais comme l'énergie et la conscience ne sont jamais totalement séparées, ce qui est conscience dans l'énergie de vie souffre quand elle est reniée, et il n'y a pas de reniement plus profond que l'infanticide. De même, à un moindre degré, les manques d'amour-attention brident l'élan vital, et ce genre de choses sur plusieurs générations peut laisser des traces dans l'ultime rejeton qui n'en est pas « responsable ». Une simple rupture affective peut réactiver ce logiciel. Pour moi, qui me bats depuis le début du siècle contre toutes ces inscriptions, génériques, génétiques, individuelles, cela ne fait aucun doute que toute cette mémoire n'est pas morte, et qu'elle revient à la surface le cas échéant, une cause de plus pour expliquer le peu d'individus qui débouchent dans le soi. Si leur pratique spirituelle ne parvient pas à bout de certains dénis hérités, ils plafonneront, de même s'ils cultivent certains karmas à leur corps défendant.


Il est même possible que d'autres modes de transmission soit possibles, sans parler des gènes. Il peut très bien exister des univers psycho-énergétiques, comme des réservoirs « astraux », et il suffirait que notre mental se branche dessus pour être manipulé par une fréquence analogique à son trouble intérieur. Il suffit de réfléchir sur le wi-fi pour comprendre l'omnipotence des ondes dans notre monde.


Il est également probable que la position des pouvoirs planétaires favorise ou non l'éclosion des trauma transgénérationnels, et à ce moment-là, par amour, quand les dysfonctionnements apparaissent, nous pouvons payer les dettes de nos ancêtres en traversant les « bugs » qu'ils auront laissés dans notre programmation psychologique. Je suis à peu près certain que quiconque en voudrait à ses aïeux de lui avoir confié ce genre de dettes les renforcerait gravement par cette attitude fermée, car rien n'est plus nocif que de culpabiliser les morts, ou de culpabiliser ses parents, quoi qu'ils aient fait, — car ce n'est pas par hasard que nous débarquons dans telle ou telle famille. Accepter sans se soumettre, telle est la force du yin originel, comme s'affirmer sans nuire, telle est la force du yang originel. Il est donc nécessaire de remonter à ces vibrations parfaites pour guérir plus rapidement des maladies et des fautes de nos ancêtres.


Toutes sortes d'algoritmes sont possibles. Certains dénominateurs communs aux préjudices transgénérationnels et aux scories karmiques peuvent s'épauler pour « abattre » un ego. Ces rebondissements des mémoires les unes sur les autres devraient forcer à des prises de conscience à double-tranchant, salutaires pour ceux qui sont prêts à la résilience, catastrophiques pour ceux qui célébreront la souffrance ainsi redoublée. Toute personne qui s'intéresserait à cette problématique doit d'abord charger son intelligence de lui faire comprendre ce qu'est une répétition. On peut être forcé à répéter des actes (ou des représentations fausses) pour se conformer à des attitudes profondes adoptées par nos ascendants, jusqu'à la septième génération, selon les Ecritures et les observations des praticiens.


Bon, vous pouvez toujours déclarer que, dans ces conditions, ce n'était pas la peine de débarquer si c'est pour traîner autant de boulets... Il vous reste donc à remonter le temps, et à empêcher la rencontre de vos parents...






24 Septembre 2018



C'est sans doute par fidélité au projet supramental que j'écris, car je ne sens pas la nécessité de parler de « moi », mais comme les candidats à la supramentalisation sont rarissimes, et qu'il faut se méfier des imitations, c'est sans doute nécessaire de garantir un suivi minimum. Donc, ça continue ferme, avec une intensification des sensations dans le corps, ce qui fait qu'en me réveillant, je dois mettre cinq minutes à changer la douleur dans les jambes, une sorte de compression, en devenant consient que c'est le Divin qui travaille, ce qui atténue la sensation désagréable, puis, dès que je me lève, il doit y avoir « dispersion » du phénomène.

J'ai travaillé comme un malade pendant deux mois chaque jour sur mon grand œuvre, en juillet août, un traité d'astrothérapie qui fonde un nouveau métier, mais c'est si en avance que le Rocher m'a déjà félicité avec une fin de non-recevoir. J'attends cinq réponses, sinon il restera Amazon ou la création d'un nouveau site pour former les futurs astrothérapeutes, s'il y a de la demande. Je n'avais jamais autant rectifié un texte et cela m'a rapproché de ma sœur qui avait travaillé six ans d'arrache-pied sur une thèse d'Etat en Droit, ce qui l'avait laminée. Mais elle s'est suicidée bien plus tard et pour d'autres raisons. Le supramental, conscience de vérité, concerne surtout la connaissance des principes ou guide ce que l'on a à faire soi-même, mais cela ne m'a pas transformé en devin, et d'ailleurs, mon tarot, dont je suis fier, pose toujours la question du potentiel contre l'actuel. Personne n'a vu venir le suicide de Sylvie, ses enfants la dissuadant, au nom du Christ et du karma, mais elle s'est jetée sous un train quand même.


Il y a eu aussi deux descentes de trois jours vers l'inconscient, avec moins de vitalité, et la première je n'en ai pas trouvé la cause, mais la seconde, quinze jours plus tard, ma mené au fond du trou, et j'ai dû pleurer une nouvelle fois en pensant à mon père, trois ans grabataire puis six mois nourri par le ventre. Il est encore sorti du chagrin de mon corps, mais j'ai l'impression qu'il restera inépuisable, car c'est mon identité elle-même qui en a pris plein la poire, puisque je suis né exalté et bien dans ma peau à un point difficilement imaginable. Le moment où ma mère atteinte d'Alzheimer ne m'a pas reconnu, est aussi resté gravé profondément. Bon, c'est de la faute au Divin, cette putain de matière enregistre tout, absolument tout, puisque ce sera avec cette base de données qu'elle modifiera le principe même de la perception. Peu d'êtres humains comprennent que tout ce qu'ils font laisse une trace qui transformera leur vision des choses, mais c'est quand même la révélation qu'ont subie les meilleurs philosophes à la recherche d'un « code parfait » et c'est aussi ce que nous bassinent les avatars avec le karma, le péché et tutti quanti.


J'ai établi dans mon traité qu'un principe très sensible nous avertit de l'écart entre ce que nous vivons et ce que nous voudrions vivre, il est juste en-dessous du « jugement », mais le précède d'une bonne longueur, mais pas de bol de chez j'ai pas de chance, très peu d'êtres humains perçoivent sa fonction, ce qui fait que l'émotionnel ne se transforme jamais. Grâce à ses nouvelles réminiscences, le taoïsme originel n'a rien à envier à l'ensemble des doctrines hindoues, dont le propre est d'égarer vers le haut en niant le bas, avec les catastrophes que l'on connaît comme le machisme sacré, la haine de la vie qui se traduit par toutes sortes de pollutions recommandées, mais, comme le dit Sri Aurobindo dans les fondements de la culture indienne, il y eut une époque pendant laquelle la spiritualité ne condamnait pas la vie, mais elle n'a pratiquement pas survécu sauf à travers des combines compliquées et dangereuses, comme l'éveil de la kundalini, qui a déjà envoyé en hôpital psychiatrique pas mal de candidats. Quelques écoles tantriques vraies sont tenues par des maîtres qui font descendre des énergies, je ne le conteste pas, mais une fois qu'on est parvenu au supramental, le reste fait piètre figure.


Le problème c'est que le supramental ne se mettra jamais à la portée de l'être humain, s'il descend : cela ne s'appelle plus le supramental, et c'est moins puissant, moins unifié, donc incomparable. Je n'en reviens toujours pas de ce qu'a fait Sri Aurobindo entre 1926 et 1950, il a trouvé le transformateur, et ce n'était écrit nulle part. Personne ne sait comment il s'y est pris. Toujours est-il qu'il a permis que l'accès à la conscience suprême engendre sponte sua sa conversion en énergie, ce qui a pour conséquence de chasser le Divin de l'esprit, pour qu'il ne s'y installe pas, afin que le corps soit obligé, lui, de le retrouver par le bas (chez ma pomme, après onze mois et trois semaines de descente progressive en enfer). En gros, je n'ai rien d'autre à dire que ça, mais ça explique tout, l'échec des rishis coincés dans des visions ultimes sans conséquences sur le corps, et ça explique aussi que Mère ait pu commencer à vivre un truc de ouf, au lieu de planer sur les plans les plus hauts de l'esprit.


La conscience est en quelque sorte plus importante que l'énergie, en principe, mais dans la nature, c'est l'inverse. Une partie de nous sait que la conscience est supérieure, une autre le nie farouchement sous l'emprise du désir, de la peur, du besoin de sécurité, de la demande d'approbation et tutti quanti. Bref, le chemin des maîtres est unique, incomparable et discutable à l'infini, comme le mariage de Mère avec un des adversaires haut placés du Divin, ce qui fait que la Raison n'est d'aucun secours pour se hisser à la compréhension du travail des précurseurs. Le monde serait-il si différent sans Amma et Sri Tatata ? Pas vraiment. Ce n'est pas la même chose que l'arrivée sans tambour ni trompette du supramental.


En ce qui me concerne, je vais mon petit bonhomme de chemin, je ne me remettrai jamais complètement ni de la fin tragique des trois membres de ma famille, ni d'avoir éprouvé Vasudeva, à plusieurs reprises de longues heures d'affilée en 1978. Finalement, il y a de l'équilibre, et je défie quiconque de me prouver que le noir existe sans le blanc et réciproquement, bien que tout voir en gris fasse illusion un bon moment, y a qu'à raboter les élans et mettre la poussière sous le tapis, ça marche, en tout cas un moment, avant que le gris n'implose dans le noir, et là, c'est le trou du même non, avec de grosses maladies protestataires, la vie n'aime pas qu'on la prenne, ni pour une poire, ni pour une pomme, pas même celle d'Eve.







3 Octobre 2018



Le dao ne serait plus ce qu'il est s'il ne passait son temps à se foutre de notre gueule, et quand je vois que l'excellent livre de Guy Corneau, revivre ! a été bradé un euro chez Gibert en face de chez moi à saint-Germain en Laye, je me dis que l'amour de la connaissance n'est pas encore ce qui caractérise l'humanité. On y trouve des sortes d'éclaircissements sur ce que j'établis moi-même avec le shen, la sentinelle très active de l'inconscient, qui mesure l'écart entre ce que nous attendons de la vie et ce qui se passe. Autrement dit, l'inconscient non formaté par les mémoires est positif, mais son disque dur enregistre le négatif à notre insu, ce qui fait qu'il est très difficile de savoir si notre inconscient vierge et propre l'emporte sur celui qui est contaminé par les mémoires négatives, refoulées dans le subconscient, afin de ne pas altérer la perception générale. Ce qu'aurait défini Reich, cité par le canadien. Plus ça va, plus je me dis que les maladies graves ont pour but de faire prendre conscience au sujet qu'il est autonome, libre, au-delà de ses personnages, ce qui fait de la souffrance l'autoroute de l'éveil pour ceux qui conduisent avec amour. Pour les autres rebelote. Rechute pour avoir coupé les cheveux en quatre pour en... les mouches. Beaucoup d'êtres humains ne savent rien hiérarchiser du tout et brûlent ce qu'ils ont adoré et adorent ce qu'ils ont brûlé, j'en ai fait l'expérience à plusieurs reprises et je continue à être sidéré, bien que l'explication apparaisse souvent grâce à l'étude du moment de naissance. L'apparence aventureuse de la démarche chaotique déborde de bénéfices secondaires intenses, mais le corps peut finir par se révolter contre le manque de stabilité de l'esprit.


Bref, c'est encore une question d'équilibre entre l'ouverture au nouveau et une « base intérieure » qui maintient l'intégrité contre les turbulences des extrêmes jouissifs ou douloureux, exaltants ou angoissants. La seule question sérieuse est de savoir si nous pardonnons au Divin de se produire par couches autonomes, car sensations, sentiments et pensée n'ont strictement rien à voir les uns avec les autres, mais ce pauvre libre arbitre fait la circulation, envoie des coups de sifflet, et dresse des contraventions, avec les amendes de la culpabilité quand nous prenons des sens interdits. Nous ne faisons rien d'autre qu'être les spectateurs de leur ménage à trois, avec les jalousies qui en découlent, quand l'un est obligé de tenir la chandelle au lieu de jouer avec les autres.




8 Octobre 2018



Ai passé deux jours très exalté, comme « avant » en quelque sorte, comme avant les artifices génétiques de 2001, tout allant de soi, la vie ayant été exprès conçue par un couturier génial exactement à mes propres mesures. Faite pour moi, et tant pis si elle est un costume trop ample, trop serré ou encore un déguisement pour les autres, je n'y suis pour rien. Le soir avant de dormir, impression extraordinaire qui se résume en une seule phrase : le temps est l'expérience de la conscience (ce qui lui permet de varier ses procédures de perception grâce au renouvellement du flux). Est-ce qu'il est quelque chose d'autre ? Pas vraiment, mais c'est un secret. Motus et bouche cousue s'il vous plaît. On pourrait vous interner.






9 Juin 2019



DIMANCHE DE PENTECÔTE 2019, 9 JUIN
Une énorme surprise de temps en temps, c'est notre lot. Je suis revenu chez moi en scooter dimanche vers 18 H sans savoir d'où je venais, mais j'ai retrouvé la route. J'ai dû conduire dans une sorte d'état d'hypnose, j'avais mal à la tête et j'ai pensé que j'avais choppé un virus en arrivant chez moi, mais j'ai constaté que je ne me souvenais pas des heures précédentes. Puis j'ai vu en descendant du scooter que j'avais le dessus du pied droit brûlé sur quelques centimètres carrés, et puis j'ai fini par voir que j'avais l'arcade sourcillière amochée, une pastille rouge sur les pommettes, et un énorme bleu sur l'épaule droite... sans compter un enfoncement au sommet de la joue droite, dont l'effet esthétique est douteux. J'ai bien dû conclure que j'avais eu un accident dont je ne me souvenais absolument pas, que j'avais donc été assommé, ce que laissent à penser les éraflures sur le casque et la visière. Je me demande « qui » est entré à la maison en conduisant, puisque je n'ai strictement aucun souvenir de l'après-midi en entier.


Ayant trouvé des filtres à café dans le porte-bagages, je me rappelle vaguement d'être passé dans le grand centre commercial Lucky, mais toute l'après-midi reste hors de portée. N'ayant aucun souvenir, j'ose quand même imaginer que j'ai été pris par surprise sur le côté, il me semble que si l'accident avait eu lieu de face, j'aurais eu une telle concentration que je me serais sans doute souvenu. Là, ça fait bien penser aux coups portés derrière la tête dans les romans et films policiers. Le mystère essentiel demeure dans le fait que je suis revenu seul, comme si personne n'avait eu à me secourir. Je me souviens de quelques délires au retour, quand j'ai laissé le scooter sous l'auvent, j'essayais de reconstituer en vain mon itinéraire et je me voyais revenir avec trois petites bouteilles d'huile d'olive australienne, que, naturellement je n'ai jamais achetées.


Cette aventure prend facilement une place d'honneur au palmarès des Surprises qui méritent un Oscar. Le 4 Janvier 1974 a été aussi une énorme surprise avec le terme instantané de toute pensée dynamique, comme la descente du supramental accompagnée de réminiscences karmiques trois ans plus tard. Enfin, toute la période des artifices génétiques a été scandée par des surprises invraisemblables, en janvier 2001, avec des descentes au plus bas de ce qui est possible et des montées aux plus hautes sphères, dont des incursions dans la conscience d'Agni, et une identification de quelques minutes au « seigneur suprême », sur laquelle je reviendrai sans doute un jour, et qui à elle seule prouve que Sri Aurobindo a raison sur toute la ligne. Toutes les créatures vivent pour le Seigneur suprême sans le savoir naturellement, puisqu'il se tient à une distance encore plus éloignée que le supramental, qui n'est pas la porte à côté. Ces quelques minutes d'identité parfaite avec le seigneur suprême m'ont soutenu par la suite, car je vivais vraiment dans l'horreur absolue une nuit sur trois ou quatre. Il se peut que nos vies soient orientées par les surprises, car elles peuvent modifier considérablement l'image de soi ou la vision globale de ce que la réalité représente pour nous.


C'est humiliant de ne pas se souvenir des dernières heures écoulées. J'ai mal à la brûlure quand je pose le pied par terre, mais apparemment pas de foulure, pas de fracture. J'aimerais savoir ce qui s'est passé, naturellement, mais ça me semble inaccessible et je ne vais pas me diriger vers ça. C'est un peu bizarre que ce soit passé un dimanche de Pentecôte, mais pas moyen de savoir si ce n'est qu'un accident. Etant donné que conduire un scooter est presque mon activité principale à Bali depuis 2003, qu'il ne m'était jamais rien arrivé sauf une petite collision en changeant de file à cause d'un abruti fonçant à toute allure, j'ai de la peine à m'incriminer dans l'accident. Je ne suis pas assez voyant pour déterminer si c'est de la magie ou pas. Peut-être qu'une partie de moi se réjouit d'être pratiquement indemne, car les deux premiers refus d'une nouvelle proposition aux éditeurs, parvenus au même moment par mail (un roman), sont passés comme une lettre à la poste. Bref, je ne sais absolument pas ce qui m'est arrivé. N'étant pas débile, je me repose, il y a un énorme travail du corps sur la brûlure (sans doute le pot d'échappement) et le vide de mémoire a aussi créé un nouvel espace. Des souvenirs remontent. Je suis comme mon père, addicted à la vie. Tout ce qui revient est merveilleux, et réparti dans toute ma vie. Il y a eu quelques salves seulement, mais c'était intéressant, à Nice en particulier, quand je me remettais des artifices génétiques. Des souvenirs de désir sexuels fugaces sont aussi venu me dire que j'étais bien encore en vie, c'était très rapide et pas plus de trois ou quatre fois. En revanche, je me suis vu rouler avec une grande satisfaction sur mon Piaggio, de Cimiez vers le port de Nice, le nez au vent, sans doute pour gagner les galets de la petite plage qui lui succède, et m'y baigner, l'été 2001. J'ai dû m'ancrer sur terre d'une nouvelle manière à ce moment-là, quand j'ai récupéré des artifices génétiques, et peut-être que le cerveau cherche à combler le déficit de la journée de dimanche en me ramenant du positif inoubliable.




15 Juin 2019



Nous sommes samedi et ça fera donc une semaine demain que je me suis cassé la figure sans m'en rendre compte. Je suis resté à la maison, et il n'y a que ce matin que j'ai pu marcher sans souffrir après quelques pas seulement. J'avais quelques provisions, et en mangeant très peu, je n'ai pas eu à sortir. Je comprends l'expression avoir de la chance dans son malheur, je ne vois pas comment un accident aussi grave aurait pu être moins porteur de conséquences. Bien sûr, la brûlure n'est pas anodine et elle est profonde sur deux petits points, comme si quelque chose était entré profondemment dans la chair, mais la douleur ne vient que de la peau qui « tire ». De toute façon, je tiens de ma mère de me sentir presque mieux dans l'adversité que quand tout va bien, et je me suis entraîné à mettre la conscience sur la douleur pour la ressentir en tant que sensation, ça ne marche pas du tonnerre, mais la volonté que ce ne soit pas de la souffrance parvient à atténuer la douleur. Je ne cherche pas le sens de cet accident, tout au plus il correspond à Uranus en Maison 12 natale, avec un carré exact de Neptune au soleil, et depuis que c'est arrivé, j'ai supposé que le Divin allait en tirer partie.


J'ai rarement été victime sans participer moi-même à mes déboires, en particulier sur le plan sexuel et sentimental avec des choix peu inspirés, mais en quelque sorte obligés par une attirance inaliénable, en revanche, cet accident est peut-être entièrement fortuit, être au mauvais endroit au mauvais moment, et ça arrive.


J'ai navigué sur le web, il y a beaucoup d'esprits éclairés qui passent à thinkerview, et nous avons ainsi le dessous des cartes dans de nombreux domaines décisionnels. Les malversations concernant les banques, avec la création artificielle d'argent, la manipulation des cours d'intérêt, —tout cela est absolument irrespirable. Le plus curieux c'est que la peur du fascisme est telle que l'on préfère se soumettre à ce mensonge généralisé de la mondialisation avec l'Europe (qui sait s'il ne remonte pas à Monet), que ruer dans les brancards, et reprendre ses billes grâce à la souveraineté nationale, que l'on tient à tout prix à présenter comme réactionnaire, alors qu'elle serait peut-être la bonne issue de secours... (voir nouvelle vidéo sur spiralephilosophique.fr). Les banques peuvent continuer à confondre les branches de dépôt et d'investissement selon un spécialiste très brillant, un jésuite, un intellectuel idéaliste à la Debray, Gaël Giraud, qui respire l'honnêteté intellectuelle, comme quoi, ne jamais généraliser... Autrement dit, les carottes sont cuites. Qu'on s'imagine Marine le Pen en réincarnation de Hitler ou en simple élue rétrograde profondément attachée à ses racines territoriales, anyway l'Europe (et peut-être même la droite française) agonise autant dans les abus de pouvoir que dans les débats stériles, les uns équilibrant les autres. Faire front avec les « prochains » de son espèce locale, comme Salvini, aux menaces du grand remplacement, que seul un snobisme idéologique empêche de prendre au sérieux, coule de source, mais les projections sentimentales condamnent les mesures efficaces. Le politiquement correct aussi mou que de la barbe à papa fait dans le déni systématique de tout ce qui dérange, et comme l'invasion musulmane dérange, on se rassure en la nommant autrement, mais le réchauffement climatique poussera vers le nord peut-être des millions d'Africains d'ici une vingtaine d'années. Cette invasion peut combler l'Allemagne aujourd'hui, qui parvient encore à maintenir une colossale production industrielle, et elle lui permettra de payer au rabais les réfugiés dans les usines, afin d'ajourner la hausse des salaires dérisoires des ouvriers non-qualifiés, une sorte de remake encore plus tordu que l'arrivée massive des Algériens chez Renault, à l'époque de la 4 L... C'est une aubaine économique à faire passer pour de la grandeur d'âme, of course, les portes ouvertes aux migrants. Mais l'Histoire me souffle à l'oreille une de ses sentences préférées, adaptée au goût du jour : Si tu es né pour être esclave, ce n'est pas en changeant de côté de la Méditerranée, que tu échapperas à ton destin... ou bien un courage surhumain te sera nécessaire...


La crise des migrants est comme dirait insoluble et tant que des structures nouvelles ne permettront pas aux exilés de rester sur leur propre continent, quitte à changer de pays, nous aurons affaire à des infiltrations de mentalités rétrogrades, échouées chez nous par nécessité, et qui conserveront des valeurs que nous avons nous-mêmes dépassées. Le heurt est inéluctable car de part et d'autre l'ouverture d'esprit est insuffisante. Les cercles et les carrés ne font pas bon ménage longtemps, seuls quelques rares hexagones découlent de leur rencontre, qui transcende leurs différences. Souvent, les cercles finissent cabossés, et les carrés perdent leurs angles droits. Toute l'Histoire témoigne que le mélange d'identités lointaines est un processus dangereux, lent, incertain, souvent voué à l'échec, le génocide couvant dans les vengeances inassouvies.


Le comble, c'est que c'est l'identité congelée dans ses propres principes, qui se reconnaît elle-même dans des formes adverses. Yes, sir, c'est la psycho-rigidité du Rassemblement national qui lui permet de reconnaître la psycho-rigidité dogmatique de l'islam, et de s'en méfier... Les Marion Maréchal laissent entrevoir que certaines âmes veulent conserver du passé « français » ce qui fit sa grandeur et qui a totalement disparu sous l'avancée du laxisme consumériste des années Tapie-Mitterand, qui ont fait de la consommation une religion au dogme complaisant: la seule interdiction, le seul péché, c'est d'être pauvre depuis que Bernard Tapie a été vu par des millions de français à 21 heures en train de courir en suant sur un tapis roulant de fitness, comme si le monde lui appartenait ! Mitterand, le scorpion accompli, sournois et calculateur, avait été fasciné par la spontanéité de génie de Bernard, qui avoua mentir sans s'en rendre vraiment compte, et qui a vécu plusieurs vies en une seule. Il n'y a pas à tortiller, Watson, les personnes qui se sentent vraiment légitimes sont capables de beaucoup plus de choses que les autres, en bien comme en mal. Et figure-toi qu'elles sont rares... A moins d'avoir été aimé et reconnu, ou à moins de s'aimer soi-même si les autres en sont incapables, ce qui est possible avec certains moments de naissance, le sentiment d'être légitime est faible, et il s'ensuit que l'on devient un mouton, qu'on ne traverse jamais en-dehors des clous, que le risque est considéré comme une menace et non un tremplin...


Il n'y a pas de jugement de valeur à porter sur l'Histoire: ce sont toujours les mêmes forces qui l'animent, l'ouverture et la fermeture, le principe Yin/yang dans son alternance quasi automatique, chacune souffrant — à un moment donné — de la démesure de l'autre quand elle tend au monopole. D'où les renversements irrémédiables, inévitables et imprévisibles. Le laxisme prédomine en France depuis le premier mandat de Chirac... et il s'épuise lui aussi, alors par quoi le remplacer ? (Une petite parenthèse sans doute avec Sarkozy qui aurait bien mené la réaction à la crise financière, tout en s'embourbant dans l'opération lybienne, soutenue par d'autres puissances... )


Naturellement, j'ai la chance d'avoir eu la matière grise complètement baratée par le supramental dans les années 80 et 90... et je suis donc passé à autre chose, une vision dans laquelle chaque aspect hétérogène apparaît appartenir à une phase de reconstruction homogène, ce qui est d'ailleurs très jouissif, puisque rien ne peut s'opposer à quoi que ce soit (voir nouvelle vidéo sur supramental.fr). Le réel se diversifie sans se perdre, et les choses apparaissent spontanément à leur place, tandis que les déplacements eux aussi révèlent des failles à rectifier. Les limites des « visions » intellectuelles apparaissent également spontanément et me différencient largement des spécialistes les plus engagés. Zemmour et Onfray sont excellents dans certains champs, mais absolument nuls dans d'autres... Peu importe, j'ose affirmer qu'ils « ont des couilles » ces deux-là: tous ceux qui font dans le déni systématique aimeraient les voir pendus. C'est essentiel dans ce monde pantouflard de donneurs de leçons patentés, que l'évocation de l'intégrité qui manque soit évoquée, Et Zemmour comme Onfray la défendent. Mais, dans un monde aussi plastique que le nôtre, — à vrai dire flasque jusqu'à l'informe, l'intégrité passe pour de l'intégrisme... Ceux qui vivent dans des bulles de bonne conscience, veulent qu'on accueille tous les migrants, les pauvres, sniff sniff, mais n'en logeraient jamais un seul dans leur appartement trop ample pour eux, ou leur maison de campagne vide.


La carte et le territoire disait Bateson... C'est l'unique problème, le décalage entre les pensées et les actes... Ceux et celles qui parviennent à le réduire dans leur propre vie sont haïs par tous les lâches de la terre, innombrables, qui colmatent avec toutes sortes de mensonges le fossé entre ce qu'ils disent et ce qu'ils font. Je milite pour la complémentarité Yin/yang puisque c'est la même chose, la réceptivité ne doit pas empêcher la fonction décisionnelle, et cette dernière ne doit pas empiéter ni sur la sensibilité, ni sur l'empathie, ni sur la réceptivité. Il s'ensuit un travail quotidien, dont j'énonce les principes dans un nouveau texte à lire dans supramental-astrologie.fr. Cet essai de quarante pages, Cosmothérapie, est une synthèse de l'approche thérapeutique qu'une connaissance profonde de l'astrologie humaniste, complétée par mes soins, permet. C'est la suite de la voie du guerrier intérieur, dans Transmission.


Pour le moment, le mental Objectif est réservé aux seuls éveillés, un élu seulement sur un million de specimens humains, mais la proportion va décupler rapidement, et ensuite ce sera exponentiel, mais un nettoyage est indispensable avant... par des moyens drastiques sans doute, comme un effondrement progressif ou non de quelques sociétés, ce qui permettra de changer l'ensemble des motivations existentielles. Pour le moment, Jupiter est devenu le tyran absolu et sans égal, et le mythe de la croissance exponentielle, qui survit à plus de vingt ans de stagnation économique, le confirme. Les « élites » croient encore à cette fable, il y a de quoi jouer à la roulette russe, et les Yves Cochet, par exemple, sont encore trop rares, lui qui rappelle que le bout du chemin « consumériste » a été prévu et défini depuis plusieurs décennies, dans un interview de thinkerview. Personne n'écoute les Cassandre, et les catastrophes ne peuvent donc être évitées.




Samedi soir.
J'ai pu sortir, élancements violents, mais en boîtant, c'était supportable, acheté nourriture, puis fried rice local au retour, dans un resto. S'ajoute à l'énigme le fait que le scooter marche impeccable. Accepter de souffrir un peu, savoir que cela doit se produire, est une pensée beaucoup plus riche que se plaindre. Il faut se féliciter d'endurer des douleurs supportables, et c'est justement le cas, le répit est certain entre deux pas, et il reste à négocier une façon de s'appuyer ultra-rapide sur le pied déficient. Toujours tranformer la douleur en simple sensation, possible si c'est très court, et justement, l'appui sur le pied est rapide, et ainsi les douleurs discontinues peuvent-elles être tolérées par l'esprit très facilement. N'empêche que la douleur est la plus grosse connerie que la vie charrie avec elle, et le supramental peut devenir le moyen de la diminuer, sur quelques millénaires, si le Divin est reconnu par le plus grand nombre, non comme un père mais comme une destination exigeante et satisfaisante.





21 Juillet 2019



Quelques éclaircissements sur l'accident. Je me souviens très bien au retour chez moi de m'être « souvenu » d'avoir acheté trois petites bouteilles d'huile d'olive australienne, et je me demandais d'où tombait cette impression absurde. Un mois plus tard, en rangeant mon débarras, je trouve, —pratiquement cachées, trois petites bouteilles du produit en question, et du coup je suis mort de rire... Je n'ai donc retrouvé mes esprits, avec cette impression d'avoir mal à la tête à cause d'un virus, qu'après être allé planquer mes bouteilles... Rassuré par cette opération instinctive de survie, je suis retourné au scooter et c'est seulement là my God que je suis sorti de l'état somnambulique, tout en découvrant mes blessures. Je rappelle à tout hasard que c'est l'hypnose qui a mis sans doute Breuer sur la piste de l'inconscient, dont Sigmund s'est emparé. Je ne sais donc pas si je suis revenu en état d'hypnose ou en tant que somnambule mais la machine biologique s'est remise en marche parfaitement bien avant que le moi conscient ne réapparaisse. Et encore une semaine plus tard, en allant faire des courses dans la meilleure épicerie fine de Kuta, je tombe sur un étal conséquent de l'huile en question, rare au demeurant sur l'île, avec cette inscription, achetez-en deux, la troisième est offerte!


Tout s'explique, mon moi inconscient s'est sans doute réfugié chez « Dijon », cette belle épicerie, qui est un commerce que j'affectionne, et il était assez présent pour profiter de l'aubaine (je me demande assez souvent si je suis très économe ou radin). Je ne sais même pas si j'ai payé les bouteilles, le personnel est toujours caché derrière un comptoir élevé, et j'ai dû me dire: mission accomplie, je rentre à la maison, ce produit va me sauver. Ayant vécu cette chose incroyable, je consens davantage aux scénarios de films où l'on voit un pauvre huluberlu se demander si oui ou non il a tué quelqu'un car il ne se souvient de rien. Bref, perso, je ne recommande pas de se laisser hypnotiser pour le fun, et en thérapie, j'ai l'impression que cela peut parfois être risqué, mais je dois poursuivre mes recherches sur ce sujet, et voir ce que l'on peut y substituer, ce que je commence à faire dans les séances de «réorientation gravitationnelle» qui permettent de récupérer l'énergie conforme au moment de naissance. Le moi hypnotisé obéit aux injonctions, croit à ce que l'hypnotiseur raconte... Qui est-il?


En fait, je voulais reprendre le journal pour parler d'une avancée du supramental dans le fond de la matière organique. Le 8 juillet au soir, l'image de mon père et celle de sa mère fusionnent dans mon esprit, sans prévenir, et je cours vomir et cracher, comme presque tous les jours depuis 2008, mais là, c'était le soir et vraiment violent. S'ensuit une descente de la Force dans tout ce qui ne va pas dans le corps, un léger décalage des hanches, un travail chaud sur l'épaule gauche pas tout à fait rétablie, et des sensations très fortes, astringentes mais pas désagréables, sur les deux genoux, sensations que je prends très bien, je sens que c'est pour éviter les articulations de se figer trop vite. Mais pendant neuf jours, tous les matins et jusqu'à treize heures environ, je ne suis plus le même, je suis bien sous l'emprise d'une vibration consciente intolérable que je parviens à identifier le huitième jour: c'est une négation absolue de la vie... qui tire son origine de la pensée (décret) que la souffrance est injuste.


Cet état d'esprit me prive de toute légitimité et de tout désir, et de toute vision de l'avenir, mais cette fois c'est clair, ma grand-mère paternelle a vécu là-dedans. Je la connaissais bien, c'est elle qui m'a élevée de 6 à 7 ans, et elle était la tristesse incarnée, la résignation faite chair. Elle ne s'est sans doute jamais remise de la disparition de son premier fils mort-né, que mon père a eu pour tâche de remplacer... C'était une personne totalement dépourvue d'intelligence et très sensible. Bref, l'organisation génétique est infaillible et il est probable que ce déficit en haut et à droite du poumon droit vienne de là, et c'est là que se combinent l'état d'esprit mortifère et les sensations physiques de parasitage. D'ailleurs ma grand mère a passé sa vie à être malade, soit de l'estomac, soit de l'appareil respiratoire avec asthme, bronchites et tutti quanti. Elle gémissait plutôt qu'elle ne parlait, c'était un cas d'école.


Mon père a hérité de la chose mais l'a transformée totalement: il parlait avec complaisance, entrain, et parfois même avec joie, de toutes les maladies possibles imaginables... C'était son dada, son obsession, de parler des défaillances de la santé, et personne n'y coupait, c'est ainsi qu'il a fait le vide autour de lui, tout en accusant facilement les autres, avec colère, de nombreuses turpitudes. Il se jetait aussi sur le journal pour lire la rubrique nécrologique et ne ratait pas un enterrement à saint-Raphaël, dès ses soixante-dix ans, même ceux de personnes qu'il n'avait fait que croiser distraitement.


Nous ne sommes qu'au début de comprendre ce que l'évolution trafique depuis des millions d'années. Mon père a fait un saut impressionnant en avant. Ce fils de chocolatier ruiné, obligé d'aider ses parents dans la petite boulangerie grenobloise pendant son adolescence, s'est payé ses études d'ingénieur, allait être largué dans son avion de chasse quand est survenu l'armistice (major de sa promotion), puis il n'a pas trop mal mené sa barque sur le plan professionnel, en ayant l'idée géniale de créer un lotissement entier à la sortie de saint-Raphaël. C'est sur les deux derniers lots qu'il s'était fait construire une magnifique villa, pour ses cinquante ans. Je mesure aujourd'hui seulement le chemin incroyable qu'il a parcouru, d'autant qu'il a eu la patience de s'occuper de sa mère la moitié de l'année, qui habitait sous notre toit quand elle n'était pas chez sa fille à Grenoble. Selon la légende familiale, c'est moi qui suis à l'origine du déménagement de mes parents. Ils ne voulaient pas que je grandisse dans les brouillards lyonnais, et sont partis dans le midi quand j'étais tout bébé. Ma soeur non désirée et de quatre ans mon aînée, n'avait joui d'aucune faveur, et sa jalousie à mon égard a fini par bousiller son existence. Son thème natal la prédisposait à se sentir insatisfaite par définition, et cette tendance a été encouragée par son éducation, nos parents séparés n'étaient pas des modèles, et, tandis que ma mère et moi ne formions qu'une seule personne sur un certain plan, ma sœur n'a jamais bénéficié d'une véritable reconnaissance ni du père ni de la mère. Le schéma était tout tracé pour que je devienne le bouc-émissaire de son malheur, qu'elle entretenait par des décisions insensées, mais c'est une autre histoire.


Etant donné que cette emprise mortifère que je viens d'évoquer est très désagréable, déstabilisante, j'en parle surtout pour prévenir les prochains candidats au supramental, qui ne savent pas à quoi ils s'attendent. Plus ils iront profond, plus les résistances se manifesteront, et bonjour les dégâts. En ce qui me concerne, c'est « la tristesse infinie » qui me persécute, mais je vois d'autres scénarios probables d'héritages empoisonnés se dessiner pour mes successeurs, comme l'intolérance absolue à toute opposition, concentration du yang, ou l'abandon systématique à toute tentation comme concentration du yin. Bref, nous ne sommes pas sortis de l'auberge espagnole de l'inconscient ancestral, qui regorge de perversions. Le supramental le fait ressortir pour le nettoyer, et je répète que, sans la transformation dont je suis l'objet, les postures mentales de mes ancêtres se tiendraient dans l'ombre. Mais la nouvelle conscience que peut engendrer le supramental est incompatible avec ces logiciels truqués, qui ont déformé le contact avec la vie, l'ont désacralisée, et ont laissé leur empreinte toxique, leur voile, leur sombre couleur...


Je sais bien que j'ai de la chance de voir comme le nez au milieu de la figure ce que d'autres découvrent dans le vague et qu'ils ne peuvent préciser, et qu'ils subissent parfois, mais c'est tout simplement que le mental est verrouillé vers le haut, ce qui oblige à passer par l'éveil pour voir directement le fonctionnement de la réalité, en s'affranchissant des algorithmes génériques de la perception. Les éveillés sympathiques, comme Sadhgourou, disent des choses très intelligentes, mais une lecture au scanner révèle que tout leur discours s'articule autour d'une seule proposition: si vous souffrez autant c'est parce que vous croyez être au centre du monde. Oui, même parmi les « chercheurs spirituels », beaucoup ne sont pas des trouveurs car ils perpétuent leur feeling d'être au centre, même s'ils en ont plein la bouche de la «non-dualité»... Le bocal résiste à tout, sauf à l'humilité, très rare au demeurant chez les aficionados du « Cosmique », qui se sentent supérieurs parce qu'ils font des bisous imaginaires au Transcendant qui leur échappe.


D'une certaine façon, je ne suis plus personne, en particulier quand la force travaille bien, que tout mon être l'accepte, et que je tombe dans une sérénité absolue, d'ordre physique. C'est la preuve que le supramental veut créer un autre mode perceptif. Cet état d'âme ou d'esprit ne ressemble à rien de connu, mais il est certain que pour progresser dans cette direction, tous les miasmes héréditaires et karmiques, tous les algorithmes défectueux de notre histoire présente, depuis notre naissance, doivent être nettoyés.


J'ai découvert aussi que j'avais eu toute ma vie tendance à sous-estimer « mon histoire », c'est-à-dire ma famille, et même mon «vécu», pour que mon esprit gouverne seul et s'adonne sans frein à la réflexion enthousiasmante, — une prédisposition du caractère que possédait par exemple Spinoza. C'est donc assez légitime que tout mon parcours remonte aujourd'hui avec force, car je ne cesserai de le répéter, la matière enregistre tout, et notre corps est une véitable cimémathèque! Mais ce n'est pas désagréable de sentir mes parents tout proches alors qu'ils sont morts (2001 et 2003) d'autant que je n'ai plus aucun compte à régler avec eux. Je les aime tant maintenant que les larmes me viennent aux yeux, alors que mon père ne m'a été utile que par son opposition farouche, et que je n'ai pas pu l'aimer avant sa vieillesse. Il avait fini par mettre de l'eau dans son vin, et ne pouvait plus rien m'empêcher, contrairement au jeu qu'il a joué systématiquement jusqu'à mes vingt ans. A cet âge-là, je n'ai plus été qu'à la charge de ma mère. Une anecdote curieuse me revient... Mon père n'avait pas accepté qu'à la fin de mon Hypokhâgne, je passe « sans avoir travaillé » dans la classe supérieure, comme l'avait établi un convive. Il apprend cela au cours d'un dîner consacré à ce succès, où mes copains de classe de la région sont conviés, dont les recalés méritants... Le lendemain matin, papa me traite comme du poisson pourri pour avoir été réveillé par ma mobylette, et je me casse dans le camping d'en face. Le gars qui m'accueille est un joyeux drille en vadrouille, qui m'avait abordé dans la rue pour une raison inconnue l'été précédent, où nous avions joué nos propres chansons à un petit groupe d'étudiants en vacances connu de mon viel ami d'enfance, Jean-Yves. C'étaient des soirées sur la plage, exceptionnelles de complicité, entre des personnes intelligentes et fort satisfaites de vivre. Georgie et moi commençons donc à chanter ensemble sur les terrasses pour nous faire du blé, maintenant que j'assume ma fugue avec une désinvolture totale... Je chante seul le pti bonheur de Felix Leclerc quand mon pote fait la manche et ensemble nous chantons Santiano, tandis qu'il balance à la suite une chanson à lui géniale, une rencontre amoureuse avec la mort... Ce garçon que j'ai vite perdu de vue, je l'ai retrouvé tardivement, il avait parfaitement réussi en Italie, après avoir monté tous les échelons d'une entreprise commerciale dans l'outillage. Il rayonnait d'esprit positif et cependant, un cancer l'a emporté passé la soixantaine. Ce fut pour moi l'occasion de penser à mon âge, à ma chance, d'autant qu'un autre ami, psychothérapeute, disparaissait au même âge du même mal, à saint-Germain en Laye, autour de ses soixante-cinq ans. Cette autonomie du corps pose problème, les causes des maladies mortelles ne sont pas toutes identifiées, et elles sévissent de plus en plus, en dépit d'une longévité accrue. Nous avons du pain sur la planche en médecine, puisque le psychologique se mêle à l'organique, dans les deux sens. Le péjudice matériel, accidentel, rebondit sur le psychique, autant que les fluctuations mentales peuvent entraîner des désordres organiques. Cette navette sera l'objet de la médecine du troisième millénaire, nous ne pouvons plus reculer l'échéance de ces investigations fort humiliantes pour la pensée cartésienne...


Bref, je termine l'épisode de cette fugue, qui m'avait libérée de mon milieu à dix-neuf ans. Je fais pipi dehors en sortant de la tente le matin et j'aperçois à travers les feuillages la maison luxueuse de mon père pendant cet acte trivial et ce rituel me confirme que j'ai la vie devant moi... et qu'elle sera forcément merveilleuse, que personne ne se mettra plus jamais en travers de mes aspirations. Mon père est déshonoré: son fils fait le clown en djellabah noire avec une barbe et des cheveux qui lui tombent sur les épaules au restaurant où se tiennent les assises du Rotary Club, dont il est le trésorier, à moins qu'il soit devenu vice-président. Les serveurs de l'Excelsior m'appellent Jésus, et se foutent gentiment de ma gueule. L'offense pousse mon père à me punir, et il m'envoie donc faire ma khâgne à Grenoble, interne, en jouant sur ses relations. Mais il se trouve que ma classe n'existe pas, et me voilà reparti à Lyon chez ma mère, passer une année rimbaldienne. Maman me passe tout, et loue un appartement pour moi. Je séduis, sans aucune allusion sexuelle bien entendu, un groupe de trois copains très liés qui sont en maths sup, et je deviens le quatrième mousquetaire. Je conserve à leur demande les 300 grammes de haschich divin turc dans mon vieil appart, mais je sens que les choses vont mal tourner rapidement. Mes copains se font prendre à siphonner une voiture pour leur vieille deux-chevaux, et les flics leur demandent s'ils connaissent « Barbu », le nom que la bande m'avait octroyé, mais les amis ne me dénoncent pas. Comme quoi, les quelques soirées haschich soufi et guitare avaient dû fuiter: mes copains y ramenaient parfois une fille dans l'espoir de la sauter. Bref, je retourne chez ma mère à temps, au bout d'un trimestre inoubliable...


On laisse tomber l'appartement baudelairien d'un commun accord, on sent que les flics ne sont pas loin, et je navigue alors dans des eaux fort tumultueuses: souvent la vie me paraît absurde et je me demande pourquoi continuer. Les hommes sont vraiment trop cons. Vous allez croire que j'invente mais tant pis, cela fait aussi partie de mon histoire. Un copain qui est pratiquement le sosie de mon père, et de la même région, Voiron, affiche le même tempérament que lui, offensif et péremptoire. C'est la grande année pendant laquelle les étudiants feront le deuil de la révolution, 1970, mais Dédé y croit encore: j'en ai rien à foutre des flics, s'il faut les descendre... Et moi, mais ce sont des pères de famille... Dédé me rétorque que ça ne l'arrêtera pas. Il a le même air buté que mon père contrarié... Je sens un sacré fossé, non seulement entre lui et moi, mais entre moi et tous les abrutis qui croient encore à la politique, — sous quelque forme que ce soit d'ailleurs. Je suis donc d'une autre planète, évidemment, car tout le monde y va de son devenir sur mesure, avec un zèle puéril qui m'affole... Moi, je crois en L'Esprit, je sais qu'Il est caché, mais je ne passe jamais plus d'une heure sans chercher à le débusquer, par une réflexion qui s'abîme, en chute libre, et dont je reviens bredouille. Ça me décourage. J'ai envie de sauter du septième étage de mon logement pendant l'hiver, je m'avance de la balustrade, je pense à Daumal, à Gérard de Nerval, j'arrive les gars, ce monde ne fait pas le poids... mais quelque chose d'indéfini me retient... Je renaîtrai trois mois plus tard, à l'arrivée du printemps, j'accepterai toute cette « merde » humaine, et la traverserai ! C'était un moment divin à Fourvière, Lyon s'étendait à perte de vue, avec ses vies insignifiantes ou nuisibles, mais ça valait la peine de continuer, les secrets finiraient par se révéler.


Pour en revenir à aujourd'hui, j'ai fait aussi un parallèle très intéressant entre mon père et moi. Il était assez enjoué, et nous rappelait parfois la chance qu'il avait de vivre. Il aurait été sauvé au dernier moment du peloton d'exécution par un milicien qui l'a fait sortir des rangs, car il le connaissait vaguement... Mon père a d'autant plus apprécié la vie qu'il se considérait comme un rescapé depuis la fin de son adolescence, il racontait cette histoire au moins une fois par an, et en tirait de la joie. En ce qui me concerne, je ne vois pas comment cet accident, avec perte de connaissance, aurait pu mieux se passer. Le sommet de la joue est un peu enfoncé, mais l'os n'a pas bronché, et j'ai toutes mes facultés: je joue aussi bien aux échecs qu'avant, et pour tout dire, mieux ! car je me laisse emmener par le présent où il veut, dans un état de gratitude que certains pourraient considérer comme pathologique, mais qui est assez courant à Bali. J'étends donc la vision de la possibilité des coups, et seul le champion de Bali (parmi les cinq intoxiqués) me gagne encore à chaque partie.


Je n'oppose plus guère de résistance à quoi que ce soit. J'ai définitivement compris que le cours des choses, ou l'Histoire, était gouverné par l'imprévisible qui transporte avec lui l'irréversible...


En petite ou grande quantité?


C'est une bonne question et je vous remercie de me l'avoir posée. « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous forgeons nous-mêmes nos propres épées de Damoclès... »


(Voir la nouvelle vidéo sur supramental.fr).