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Jalons sur le chemin


Comme une moisissure qui tue le parchemin, une lèpre attaque les dogmes de la quête, depuis toujours. Tandis qu'ils sont là pour fonder l'être, et rien d'autre, tout en donnant quelques moyens incitatifs pour y parvenir, la culture en fait rapidement autre chose. Les dogmes traditionnels stipulent qu'un chemin secret, secret parce que difficile et non représentable, permet à l'identité de croître, de briser les cercles de la personnalité. L'être est cet état inconditionnel qui permet au sujet de se reconnaître en toutes choses, d'une manière mystérieuse, et de participer ainsi à un souffle sans limites, à une réalité qui ne s'arrête pas aux frontières de ses propres représentations et jugements. Bien vite, le but est oublié, au profit des avantages qu'il procure. Le bouddhisme fait rêver de compassion et de détachement, de « sagesse », alors qu'il ne s'agit là que des conséquences de l'être, de ses attributs peut-être, mais attributs qui ne peuvent pas s'obtenir sans l'être lui-même, pour lequel ils sont naturels.


Le christianisme présente les nombreux avantages de l'amour, et y force en quelque sorte, alors que, pour ressentir l'autre comme soi-même, aucune autre stratégie n'est possible qu'accéder à l'être, qui permet une connaissance par identité, tout à fait nouvelle et interdite au mental. L'hindouïsme fait rêver du Brahman, du Soi impersonnel, comme s'il était un objet accessible qui met un terme aux incarnations, alors que c'est avant tout un état qui libère de la pression de l'existence et de la nature, et fournit une identité fondée sur autre chose que la pensée et les représentations.


Alors qu'une seule perspective peut être appliquée à la spiritualité, étendre l'identité sans limites, ce qui demande un travail considérable tant le moi est emprisonné dans différents cercles, cette perspective est oubliée, presque partout, au profit de choses à obtenir, qui masquent l'essentiel : un type de croissance exponentiel de la conscience, qui déborde largement le moi héréditaire et physique, et la personnalité psychologique inféodée au milieu.


Chercher à obtenir l'éveil n'est rien d'autre, en termes mentaux, que s'avouer que l'être est préférable à l'ego, mais si c'est l'ego qui cherche l'être, comment fera-t-il pour se détruire lui-même ? Chercher à aimer est un noble but, mais la nature dément que ce soit possible, puisqu'elle fait passer le moi avant l'altérité, et que tout notre système de perceptions valorise ce que nous sommes, ce que nous attendons de l'autre, plutôt que ce qu'il est, en dehors de nous-mêmes.


Un détachement relatif peut s'obtenir avant l'être, mais il n'en montre pas forcément le chemin, comme en témoignent de nombreux « quiétismes » dans lesquels la pratique spirituelle échoue dans son fond et réussit dans sa forme, donnant sur une forme d'indifférence prise à tort pour de la « réalisation ». Un amour pour les autres peut être pratiqué, mais il n'aura jamais de caractère naturel avant que le Soi ne permette, par le principe de la connaissance par identité, de ressentir l'autre comme soi-même, alors qu'il possède des caractéristiques psychologiques différentes. De la même manière, le lâcher prise, s'il est forcé, c'est-à-dire s'il comporte des bénéfices secondaires, ne peut en aucun cas mener au non-agir, qui libère l'être. Lâcher prise par opportunisme, par intérêt, par calcul donc, ou encore par résignation, ce n'est qu'une contrefaçon du lâcher prise authentique, consenti dans l'abandon conscient au Tao.


Le dogme aurobindien stipule une identité entre l'homme et le Divin, entre la vie et le Divin, mais il ne s'agit là que de formules fulgurantes pour faire comprendre que l'évolution terrestre n'en est qu'à son début, et que l'énergie divine et la conscience supramentale peuvent s'infuser dans la vie et l'existence mentale. Anticiper dans sa propre existence le sentiment du Divin, ou s'imaginer qu'on agit pour Lui et sous Son influence pour accélérer la sadhana constitue le risque majeur qui découle du dogme lui-même, et propose, en quelque sorte, de fausses pistes dès le départ. Inventer un dogme, c'est par définition fournir les illusions qui vont avec, puisque le dogme est conforme au langage lui-même. C'est un ensemble de signifiants, codé rigoureusement peut-être, mais où il y aura autant de signifiés que de personnes en contact avec le code.


La démarche authentique, essentielle, peut souffrir quelque temps d'être guidée par un dogme qui élague l'inutile. Mais jamais un dogme suivi sans l'intention de se transformer en profondeur ne mènera à la démarche transcendantale, qui casse le moule du caractère et humilie souvent le moi, face à ses limites. Il n'y a pas d'éveil dans le prolongement de la nature générique, quand bien même on suivrait scrupuleusement les principes d'un dogme ou d'une doctrine, quelle qu'elle soit.


Transcender, c'est changer l'identité, non pas faire vivre « le vieil homme » dans un cadre plus parfait, où son regard demeure le même, fermé à ce qui ne lui est pas conforme, avide du semblable, ouvert seulement à de petites améliorations du moi et de la pensée. Sans l'abandon au Réel ou Divin, la voie spirituelle n'est qu'une mascarade, un jeu de l'ego, une mise en scène narcissique, ou une pratique tragique fondée sur la culpabilité, à moins qu'elle ne constitue une sorte de thérapie créatrice. Ou encore, dans le meilleur des cas, la voie peut constituer une préparation à une reconnaissance plus radicale de l'engagement qui doit être fourni pour que l'être ait une chance d'émerger en traversant le mental, épuisé ou pacifié.


Mais à un moment donné, le moi n'a plus qu'une priorité pour avoir tant soit peu la chance d'obtenir l'éveil, sacrifier les prérogatives personnelles et se donner, dans un élan aux conséquences incertaines, à l'Esprit, ce qui produira un autre itinéraire, un nouveau fonctionnement mental, une nouvelle hiérarchie des guna. Il n'y a pas d'éveil possible par le perfectionnement moral et éthique de l'homme générique, qui continue de faire tourner l'univers autour de lui, au lieu de s'abandonner à la Totalité.


Il est nécessaire d'aller plus loin dans la remise en question de ses perceptions, de renoncer aux « progrès » facilement identifiables par la raison, et de se donner davantage, sans présumer de ce qui sera récolté, à la souveraine réalité.


L'image de l'existence peut évoluer au jour le jour, l'image de soi également. La relation entre le moi et le Tout peut découvrir à chaque instant de nouveaux critères et fluidifier l'approche du moment.




La question de la vérité demeure le coeur de la vie spirituelle. Il est donc indispensable de savoir à quel niveau de vérité se situe un instructeur ou prétendu tel. En effet, rien n'est plus facile que de se prétendre instructeur, ou de laisser entendre qu'on l'est sans l'avouer, en prenant des positons acérées dans de nombreux domaines, qui découleraient de «réalisations».


Premièrement, l'idée d'une vérité absolue est ridicule. Chaque être est limité, quel que soit son stade, par les contraintes de l'incarnation, l'appareil physique, les limites mêmes du cerveau, et la vérité qu'il défend ne peut être que relative à sa propre expérience. Même l'instructeur est soumis au supplice de découvrir l'authenticité d'une expérience vécue par un autre, s'il ne l'a pas faite lui-même. C'est ainsi que certains maîtres ne reconnaissant pas le supramental, parce qu'ils n'en ont pas fait l'expérience, et lisent donc Sri Aurobindo avec leurs propres projections, sans voir le signifié qui se cache derrière le signifiant, énergie divine, supramental, etc. C'est ainsi que certains mystiques, qui se croient foncièrement près de Dieu, dénoncent la libération du mental, puisqu'ils ne peuvent en supposer les bénéfices: ils veulent adhérer à ce qu'ils appellent Dieu, et comme toute leur pensée a été amalgamée à leur être vital et physique pour vivre dans ce sentiment, ils n'éprouvent plus la nécessité de se libérer la pensée. Ils l'ont en quelque sorte domptée pour qu'elle parvienne à toujours les maintenir dans l'axe de Dieu et de sa recherche, et même s'ils jouissent d'une certaine réalisation, par cette reconnaissance absolue de Dieu, et leur vécu conforme à cette reconnaissance, ils sont loin de la vérité, si l'on entend par là le Soi impersonnel, le Brahman, la libération.


Jusqu'à présent, il était rare qu'un être humain jouisse de plusieurs réalisations en même temps. La spécialisation vers l'être psychique donnait une véritable élévation, fournissait à la terre des saints, dans toutes les religions. Sur ce trajet, certains avaient certes édulcoré le pouvoir de la pensée, en le ramenant à une expression plus économe, mais pas tous débouchaient sur le silence intégral. La spécialisation vers le silence mental fournissait des sages, des maîtres, mais parmi eux tous ne débouchaient pas sur un contact avec le Divin. Ce contact est absolument indéfinissable, et ne ressemble en rien à la sérénité du Brahman. C'est un contact dynamique, qui recèle des formes extrêmement variées, comme le jaillissement d'identités profondes et purement transcendantes, comme Ishwara, et plus loin encore Vasudeva, et d'autres plans du supramental qui commencent à révéler ce que Sri Aurobindo appelle l'hémisphère supérieur, en «rupture», dans la manifestation, avec les plans précédents.


Il est hors de question de se préparer au supramental en ne choisissant qu'une voie, il est nécessaire de travailler dans différentes directions, qui peuvent très bien s'articuler entre elles, mais qui ne le font pas nécessairement. Il y a en effet dans la voie divine une reconnaissance du Divin, et de sa supériorité absolue, qui n'est absolument pas nécessaire dans la voie de l'éveil vers le soi, voie qui se méfie des signifiants sans l'expérience du signifié, et qui refuse donc que toute notion ou idée de Dieu soit cultivée: seules des projections s'amalgameraient au signifiant, pour lui donner une sorte de consistance factice.


Ce n'est donc pas le mental qui doit reconnaître le Divin, puisque, chaque fois qu'il le fait, il l'escagasse, comme on dit dans le midi, c'est- à-dire qu'il le déforme, le mutile, le réduit, l'écrase, et le soumet. Il existe pour autant des mouvements vrais vers le Divin, à condition donc qu'ils ne proviennent pas du mental, et qui viennent soit du coeur, soit de l'être psychique.


Certaines œuvres de Sri Aurobindo (et les miennes bien entendu) n'on pour but que de réconcilier la voie du Soi, bien connue en orient, et la voie de l'être psychique, dans laquelle le moi se reconnaît en le Divin plus qu'en tout autre chose, tout en étant mis au défi de se connaître lui-même pour ne pas se confondre avec Dieu.


Il faut donc débouter le mental de l'aspiration divine, afin qu'il ne la récupère pas, et débouter l'émotion et le sentiment de l'intelligence pure, afin de la libérer des fausses appropriations divines. Il suffit de ne pas mélanger les torchons et les serviettes, mais les deux ont pour but de recueillir les salissures. Je ne doute pas que certains ont déjà compris en profondeur les limites aussi bien de la voie du soi que celle de l'être psychique, voie qui s'autorise le plus souvent de l'Amour, le plus grand signifiant vide de tous les temps, puisqu'il comprend aussi bien la sexualité affective que la reconnaissance de l'autre, que le projet d'universalisation de la terre par la reconnaissance réciproque des terriens, et certains mêmes, dans leur enthousiasme, lui attribuent le pouvoir créateur.


Bien sûr, on rencontrera toujours des partisans d'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, et qui préconisent de choisir, soit la voie de l'éveil, où l'on pèle la pensée comme un oignon pour voir quelles motivations elle rapporte dans ses contenus, soit la voie psychique, où l'on s'autorise à s'en remettre à Dieu, qui, il est vrai, dans certains cas particuliers mais très rares, peut faire le travail à la place du mental, comme si l'être psychique s'emparait d'emblée de toute l'intelligence de l'individu. Rarissime.


L'être humain est potentiellement prêt à être simultanément:
libre, par l'éveil dans le Soi,
et soumis au Divin, par un contact avec le Supramental.




Nous vivons donc le début d'une époque qui n'a peut-être jamais eu lieu sur la terre, et c'est ce que Sri Aurobindo s'est tué à mettre en œuvre. Le soi ne mène pas à la libération terrestre. Il faut donc trouver des plans dynamiques, et si, au sommet, le supramental est si puissant qu'il doit lui-même se limiter dans son instrument, il existe d'autres plans intermédiaires, et tous ces plans-là se rejoignent à partir de la reconnaissance en soi de l'être psychique, et de la reconnaissance du Divin proprement dit, dont le supramental est la force exécutrice. Tous les ignorants qui veulent escagasser le chemin, la voie, dans une seule représentation, font fausse route. Le réveil de l'âme profonde peut engendrer le besoin de se libérer de la pensée, et la réalisation du Soi peut engendrer le besoin d'adhérence absolue au réel, dans lequel le samsara est inclus, ce qui est contraire à la vision archaïque des maîtres. Naturellement, la reconnaissance mentale du Divin n'est pas une reconnaissance réelle. Par reconnaissance du Divin, j'entends une expérience concrète (je m'excuse du pléonasme mais je connais des mental très résistants, disons donc une expérience concrète en rupture avec l''état de veille odinaire) que nous ne sommes pas là par hasard, ni seulement pour nous-mêmes, mais pour nous relier à tout ce mystère auquel on doit, en définitive, notre propre existence.


Il y a donc reconnaissance et reconnaissance, de la même manière que la «résignation» est une contrefaçon du lâcher prise. Reconnaître Dieu intellectuellement, c'est se soumettre bêtement à son autorité, et cela ne mène nulle part. Reconnaître le Divin au-delà des mots et du mental, c'est sentir qu'on lui est redevable, et que cela, non seulement ne porte pas atteinte à notre liberté, mais lui donne un sens absolu : celui de la quête infinie, qui ne tiendra jamais dans un itinéraire, dans une forme, dans un dogme, ou même dans une révélation.


Nous sommes donc quelques-uns à affirmer que rien n'est pire que de s'enfermer dans des référents, qui limitent les expériences possibles dans la voie. Oui, le Divin peut être aimé, parce qu'il est lui-même l'Amour, et même davantage, mais en tant qu'êtres humains, c'est le côté amour du Divin qui nous touche le plus. Oui, le mental peut se dissoudre dans le soi, et révéler une autre identité. Cette autre identité ne s'arrêtera plus à jouir du Brahman. Elle voudra, soutenue par l'évidence de sa participation matérielle à l'existence, donner un statut supérieur à l'humain, ce qui s'accomplira par l'ouverture au Divin, irrécupérable, et en fait inconnaissable. C'est lui qui se connaît lui-même à travers l'homme, mais l'homme ne peut pas y accéder. Comme le sommet est inconnaissable, il est particulièrement inutile de se forger des représentations du Divin, du Supramental, et même de l'être psychique. Ces signifiants désignent des signifiés particulièrement profonds, quasi inaccessibles, et en rupture avec le monde mental. Il peut donc être déplacé d'aborder d'une manière mentale ce qui lui échappera de toute façon. Se tourner vers le Divin est néanmoins possible, mais pas avec la tête. L'intelligence peut accompagner le mouvement, bien entendu, mais elle n'en est que très rarement l'origine. Dans certains cas seulement, et ce sont sans doute les meilleurs fondateurs du jnana-yoga qui ont énoncé cette voie, mais l'intelligence sans aspiration, ne sert que les fins du moi lui-même à un niveau quelconque.


L'aspiration peut donc aussi bien éclairer le mental jusqu'au soi, qu'éclairer le coeur vers l'amour et l'être psychique, qu'éclairer le corps vers l'intégrité physique. L'aspiration m'a personnellement suffi à atteindre tous les plans dits transcendantaux, elle a commencé par s'emparer du mental, qui est devenu à chaque instant le critique de la perception en cours, dès l'enfance, elle s'est ensuite emparée de mon être vital, au début de la transformation supramentale, qui a pu consentir pendant de longues années de nombreux sacrifices de satisfactions, au prix d'un véritable enfer, mais il fallait passer par là, je l'ai su plus tard. Enfin, il arrive que l'aspiration soit purement physique dans des moments extraordinaires où tout le corps devient conscient du Divin, un aspect particulièrement cher à Satprem, mais qui ne contient qu'une petite partie du mystère supramental. Ces avancées ne peuvent néanmoins pas se produire souvent, étant donné la résistance du corps humain né de la nature, et la résistance globale, mais ces expériences-là, qu'il m'arrive de faire spontanément et sans raison apparente, sont exactement dans la ligne de l'expérience de Mère. La dernière remonte à l'été 2004. Tout était transfiguré, aussi bien mon identité que la nature, qui n'était plus mue par elle-même mais par le Divin. Tout le corps était pris dans un bain formidable, et j'ai sans doute vu un lointain avenir, à condition que l'homme survive. Aucune évocation n'est possible, c'était bien au-delà de la sensation du supramental dans le physique, à laquelle je me suis habitué. C'était absolument tout qui répondait au Divin, en moi sur tous les plans, et dehors également. Le supramental n'est donc un mythe que pour ceux qui ne le vivent pas, pour ceux qui le vivent, il est l'origine et la fin, qui nous écrase dans son étau, parce que le corps physique n'est pas fabriqué par lui, mais par la nature. Mais Sri Aurobindo a retrouvé l'interface, ce qui est la révolution la plus importante de tous les temps, ce que tout le monde ignore pour le moment.


Pourtant, il demeure impossible de fixer un but particulier au supramental. Cela se ferait par l'addition de critères séparés, alors que le supramental, hors de toute atteinte intellectuelle, vit l'unité dans la multiplicité, ce qui est incompréhensible de l'extérieur. Le supramental fracasse et escagasse les parois entre les choses, et la matière, comme la vie, possèdent une interface inconnue avec lui. Même les maîtres propres sur eux l'ignorent, ou ne veulent pas le reconnaître, en se débarrassant de la finalité de l'incarnation par le samsara. On en revient donc au point de départ. C'est le moment de relire cette lettre, et de comprendre, que hors votre expérience, rien n'est réel. Et cela vaut pour les instructeurs, les anti instructeurs, les francs-tireurs, et naturellement pour moi, également. Maintenant à vous de voir si ça vaut la peine ou non de se battre sur les signifiants vides, comme le proposent certains, qui laminent tout sur leur passage, dans un but qui personnellement ne m'apparaît absolument pas. Moi je dis que non, que ce n'est pas la peine de s'attacher à de meilleures définitions de l'être psychique, à une approche plus ciblée du supramental, à moins que cela ne permette le chemin du signifié, ce qui est fort peu probable.


Alors que je jouissais déjà de la libération, rien en moi n'a osé s'emparer de la vision de Sri Aurobindo. Je sentais qu'elle était infiniment supérieure à tout le reste, c'est tout. Il m'a transmis, mais je le savais déjà pertinemment, qu'il n'existe pas de voie, puisque toutes sont aussi bonnes quand elles sont suivies correctement, et pour le reste, et bien, oui cette supériorité incontestable, il vaut mieux la laisser immaculée que s'en prévaloir d'une manière quelconque. La loi est dure, mais c'est la loi. N'oubliez pas que le mental est là pour cautionner vos erreurs, s'il reste le moins du monde relié à votre vital. Oui, la théorie des guna mène au Divin, si ce n'est pas qu'une théorie, pas qu'un signifiant, si l'on remonte aux signifiés, comme d'habitude. Il n'y a que ça, pas la peine de chercher plus loin. D'ailleurs un ou plusieurs autres ne disent rien de plus, mais ils en font tout un fromage, il reste donc à voir dans quel but un certain niveau de vérité est manifesté. Même les hautes expériences spirituelles demeurent le fait d'individus particuliers, et l'appréciation de sa propre vérité est donc sujette à caution. L'on est libéré de ce problème avec le supramental, puisqu'on peut supposer qu'il se retire de qui ne jouerait pas son jeu. Il y a donc une vérité, même supérieure, par être, et nul ne peut prétendre la représenter aujourd'hui, puisque la vérité est en mouvement, ce qui est aussi une nouveauté. On ne peut plus «s'asseoir» sur le Soi et s'imaginer être parvenu au bout, ou vivre le Christ sans devoir se défendre chaque jour, si c'est le vrai qu'on incarne bien entendu, et non une de ses centaines de contrefaçons. Il reste à vivre une guerre placide, et préserver son aspiration,

Sinon vous tomberez sur du faux amour
Du faux supramental,
De la fausse connaissance,
Du faux Soi.


Si ce n'est pas ce que vous souhaitez, alors, libérez-vous, et ne traitez exclusivement que de votre expérience. Rembarrez toute personne qui ne reconnaît pas votre expérience sous prétexte qu'elle ne serait que projection. Tout le monde surestime ses expériences, il est vrai, et certains plus perspicaces que d'autres, veulent ramener les choses à de plus justes proportions, mais cela peut être également rien d'autre qu'un système, qui dément formellement les intentions pures de l'individu, agissant toujours à charge contre ceux qui veulent s'élever, comprendre, se donner au Divin, — sous prétexte de leur incompétence en la matière. C'est à vous de différencier l'expérience de la projection, et de vous méfier autant de qui veut vous rabaisser, par principe, y compris sur le web, que de celui qui veut vous flatter. Il y a des forces derrière les textes. Nous devons dépasser toute scorie émotionnelle, mais justement, certains n'hésitent pas à les utiliser, et il est donc conseillé de sentir dans quelles fins tel ou tel correspondant vous «met le nez dans votre caca», ou au contraire vous félicite pour vous séduire, et se sécuriser lui-même dans ses illusions par un soi-disant partage. Il n'y a en quelque sorte qu'à désosser le sentiment ou le souvenir de ce que vous avez vécu, et voir ce qui perdure maintenant, pour vous relier en profondeur à votre aspiration. Les expériences de lumière peuvent laisser des traces, comme étant l'envers des traumatismes, mais comme les traumatismes, elles ne s'intègrent pas toujours facilement, vu qu'elles se dissolvent dans le temps et descendent en perdant leur pouvoir dans toutes les parties matérielles de l'être.


L'autre peut se tromper, c'est l'autre, il n'est pas infaillible, même s'il s'en donne l'air. Son expérience n'est que son expérience, et même hautement spirituelle ou avancée, il ne peut vous en transmettre qu'une petite dose. Travaillez pour le Divin, c'est-à-dire en fin de compte pour vous-mêmes, si l'aspiration est absolue et parfaite. Si tel n'est pas le cas, il faut savoir départager la «consécration», tournée vers le Divin, du travail sur soi, tourné vers l'amélioration de son être incarné, par la connaissance de soi. Méditation quantique a été prévue à cet effet. On ne peut pas rêver d'unité globale dans la juridiction du temps. On passe forcément d'un mobile à un autre, du moi au non-moi. Je vous conseille d'accepter l'écartèlement cardinal défini dans méditation quantique, et d'œuvrer aux jonctions des quatre mystères, intuitivement. Si vous fomentez une méthode, ça se cassera la figure. Si vous laissez faire, le mental peut carrément dégorger ses projections utilitaristes dans le 3, ses projections vitales dans le 4, ses projections égocentriques dans le 1, et ses projections idéales dans le 2. Les signifiants vides en prennent plein la tronche, et il est même amusant de déchiffrer son propre organigramme proportionnel. Souvent, un mystère défaillant est compensé par un excès dans un autre. C'est particulièrement parlant dans les axes, un déficit de présent authentique est compensé par une rigidité du moi inexpugnable, un abandon au présent exagéré donne des personnalités molles, un manque de racines perso pousse vers la vie imaginaire en 2, transcendantale ou pas, un manque profond d'idéal renforce les prérogatives du moi dans son mode contingent.


Bon, tout ça ce ne sont que des mots, il reste à pratiquer. Loin de moi le projet de vous balancer des signifiants sans signifiés derrière.






Yin et yang sont sur un bateau.

Yin tombe à l'eau et barbote sans trop se soucier de ne pas savoir nager car elle se dit qu'elle va profiter de l'occasion pour apprendre, et que si elle n'y parvient pas, yang, qui a réponse à tout, viendra la sauver. Mais yin sent trop que l'eau est une chose merveilleuse, et surprise par sa contemplation, elle en oublie de trouver les gestes qui la maintiennent à la surface. Elle sait qu'elle va s'épuiser et couler, et elle attend que Yang vienne à la rescousse. Mais non. Yin coule mais elle est sauvée par une tortue géante qui l'emmène au bord. Rejoint par Yang, Yin s'écrie «heureusement que la tortue est passée, sinon je serais morte !». Yang ne réagit pas. Yin finit par lui demander: pourquoi n'es-tu pas venu me sauver, je suis sûre que tu sais nager toi, ou tu aurais pu rapprocher la barque, fort comme tu es ! - Tu ne me l'as pas demandé, dit yang, la conscience tranquille, or je t'ai bien observé et tu avais cent fois le temps de m'appeler. - Mais cela allait de soi que dans un cas pareil je n'avais pas besoin d'appeler pour que tu viennes à mon secours, non? réplique yin. - Dans ton esprit à toi, certainement, mais moi je m'appelle Yang, et je ne me mêle de rien si l'on ne me le demande pas. J'ai assez à faire avec ce qui me concerne.

Yin et yang sont sur un bateau.

Yang tombe à l'eau. Il ne sait pas si bien nager que cela, et bien qu'il se maintienne en surface, il réalise qu'il n'aime pas cet élément, l'eau, insaisissable, sur lequel on ne peut pas avoir de prise. Il essaie de ne pas bouger pour réfléchir, mais comme il n'a pas trouvé la position ni rempli ses poumons, il voit que ça ne marche pas, et il passe derechef à des mouvements désordonnés. Zut alors, même les chiens savent nager, se dit-il. Il se sent si humilié d'être là impuissant, qu'il ne parvient pas à faire bonne figure. Mais comme il est très fort, il surnage en faisant des tas d'éclaboussures et ne prend pas peur tout de suite. Néanmoins, il ne parvient pas à se diriger vers le bateau, et la rive est encore plus loin. Cela commence à l'agacer. Il fatigue. Il a envie de hurler: «yin, débrouille-toi pour rapprocher le bateau rapidement, espèce d'imbécile», mais avouer qu'il a besoin de yin, ça lui fait mal au cœur, et il se demande s'il ne préfère pas se noyer. Naturellement, Yin n'y tient plus, et a même commencé il y a belle lurette à rapprocher le bateau en dépit du courant avec des efforts insensés, et, finalement, exténuée, Yin parvient à venir avec l'esquif tout près. Dans un sursaut, Yang s'accroche à la barque, à bout de souffle, alors qu'il allait bel et bien couler. Yin s'étonne du silence de Yang. «- Tu ne me remercies pas de t'avoir sauvé?». Yang la regarde avec dédain. «Mon heure n'était pas venue, que veux-tu, tu n'y es pour rien; et puis c'était ton intérêt de me sauver, qu'est-ce que tu deviendrais sans moi?». Yin n'en revient pas, pleurniche un peu et se reprend: «c'est vrai, qu'est-ce que je deviendrais sans toi, mais je t'ai sauvé par amour, pour que tu vives, et non parce que j'ai besoin de toi».

Yang est vexé d'avoir une dette vis-à-vis de yin, alors que yin ne s'attribue même pas le mérite d'avoir sauvé yang, ce qui compte c'est qu'il soit vivant.

Il y a des milliers d'années que yin et yang communiquent à coups de malentendus, mais c'est ce qui assure la marche du monde.






Un livre à ne pas mettre entre toutes les mains ?

L'Agenda de Mère est positif pour se libérer de l'envoûtement du Soi impersonnel, pour ceux qui le recherchent, et faire comprendre à quel point cette réalisation, que certains s'escriment à présenter comme le fin du fin de la conscience spirituelle, est limitée par rapport à tout ce que promet le Supramental. (Ne pas s'attacher au souhait d'obtenir l'illumination: un accident de parcours).

Ce même livre de treize tomes est dangereux pour les rêveurs, pour ceux qui n'ont pas confiance en eux-mêmes, et qui seraient alors si épatés par les expériences de Mère, qu'ils en diminueraient encore l'estime qu'ils se portent à eux-mêmes.

L'Agenda de Mère est indispensable pour échapper à toute dogmatique, qui enfermerait le chercheur dans la carte de son itinéraire, au lieu de l'inciter à l'Expérience, à la consécration.

L'Agenda de Mère est nécessaire pour comprendre que le Divin agit hors de toute représentation humaine, et qu'il va souvent à l'encontre des attentes souhaitées.

Il est dangereux pour ceux qui confondent expérience et identité, et qui, à cause de lui, s'attacheraient outre mesure à essayer d'avoir des expériences, des contacts, des extases, des révélations, dont je ne dirais jamais assez qu'elles doivent se produire spontanément, et qu'il est normal qu'elles ne durent pas, étant donné la résistance passive de la Matière et de l'espace-temps. Toutes les forces adverses n'attendent qu'une chose: que notre ego essaie de tirer la Force pour faire descendre autre chose à la place.

L'Agenda de Mère donne une idée de la Manifestation supramentale, et tient lieu d'autorité en la matière. Pour autant, Mère n'a vécu qu'une infime partie de ce qu'autorise l'Infini conscient de Lui-Même, et d'autres feront des expériences que la Mère elle-même n'aura pas eu le temps de faire. Il y a de grandes lignes dans la Manifestation supramentale, et les mutants solaires passeront par certaines expériences pratiquement identiques, mais il est probable que chacun « creusera » dans une direction particulière, et que chacun puisse être le seul à passer par certains lieux, certains ressentis, tout en appartenant au même processus.

L'Agenda de Mère permet de comprendre l'œuvre de Sri Aurobindo, à partir de faits sensibles, d'aveux spontanés, de récits précis et de descriptions, mais il n'est pas recommandé à ceux pour qui vivre s'apparente à la simple jouissance, sophistiquée ou non, d'être un individu. Ce long texte ne cesse d'aborder toutes les frictions qui se produisent entre le Supramental et les forces universelles multiples, et ceux qui ne sont pas prêts à endurer, encaisser les épreuves indispensables, ne pourront que « mettre de côté » tout ce que nécessite ce yoga pour le dénaturer, le réduire, l'amputer, et le désirer par simple narcissisme, alors que le vrai travail dérive des attentes bondieusardes, des idéalismes mous, et des pragmatismes crispés sur les résultats. Le « surrender » demeure la clé, mais comme il bouleverse l'image de soi en profondeur, peu s'y livrent.

C'est un texte réservé à ceux et celles qui souffrent de leurs limites, mais attention à ne pas cultiver cette douleur. Ceux qui n'en souffrent pas ne peuvent pas le pénétrer car ils ne sentent pas l'utilité absolue de changer la perception. Son but n'est pas pour autant de présenter le yoga comme un combat. Le fait que le yoga supramental soit un combat constitue une conséquence de la dégénerescence de l'humanité, mais le but du Divin n'est pas de fourbir une guerre entre les élus supramentaux et les croyants au Supramental d'un côté, et les autres êtres qui vivent librement ce qui leur est donné. Se sentir supérieur en se cachant derrière une lecture des avatars de Pondichéry constitue le meilleur moyen d'attirer les forces adverses. Tant que le supramental n'est pas touché, chaque être humain reste un débutant, et il le demeure même au cours de la transformation, qui démultiplie les perspectives de la Perception. Il vaut mieux cesser tout commerce avec Mère et Sri Aurobindo, si cela permet d'émoustiller l'orgueil, la vanité, — le sentiment d'appartenir au cercle des initiés, et si cela permet de noyer la sadhana dans un imaginaire qui prend le pas sur la rigueur, sur le travail quotidien d'observation de soi, qui n'a nul besoin de posture transcendantale. Le risque d'angélisme n'est pas à négliger pour les thuriféraires du Supramental, par une nouvelle forme d'autohypnose, en quelque sorte holistique.

Je n'ai pour ma part rien à redire à l'Agenda. Je regrette que Mère ait été si évasive sur certains points, comme son éducation, la source de ses revenus jusqu'à l'ashram d'autant qu'elle voudra interdire l'héritage. Le rapport avec ses parents n'est pas précisé. Sa maternité presque accessoire est aussi quelque chose de difficile à admettre. Son mariage avec Paul Richard, un véritable oxymore institutionnel, reste une énigme, et peut paraître incohérent. La nature de ses rapports avec Théon et la femme étrange qui l'accompagnait, personnages dont on ne parvient à saisir ni le rôle ni les intentions, et qui ont joué un rôle déterminant dans sa vie, constitue un thème que beaucoup auraient aimé voir dévéoppé. Si l'on s'en tient donc à une « analyse », comme nous disions dans les années soixante-dix, la vie de Mère n'explique pas son incroyable aventure, et l'aborder avec une logique étroite permet de discréditer ce personnage facilement. Heureusement, certains passages de l'Agenda sont si puissants que notre jugement doit finalement finir par accepter la part de mystère qui survit autour de l'histoire de Mère, alors qu'en comparaison la vie de Sri Aurobindo est claire comme de l'eau de roche. Belles études en Angleterre, élan révolutionnaire dès le retour en Inde occupée par les Anglais, un mariage « sacrifié », puis révélations divines en prison, et enfin, retraite définitive, sans plus jamais bouger, à Pondichéry.

Ce qui dépasse notre entendement dans l'Agenda peut être laissé de côté. Nous pouvons en revanche nous laisser emporter par ce qui nous touche, ce qui est amplement suffisant, et passer sur ce qui nous paraît hors de portée, fantastique, incompréhensible. Certains passages sont très « chargés », et entraînent des prises de conscience, si l'on sait les recevoir en pleine innocence, sans solliciter le mental.

La Mère est loin d'apparaître comme un être parfait avant 1956, et cela est rassurant. L'aspiration au Divin SOULEVE des compulsions psychologiques chez chacun d'entre nous et il serait temps de le reconnaître, consentir au travail d'Ulysse qui consiste à localiser les résistances, les affronter, puis les transformer. Chez Mère, c'était des compulsions « saturniennes », dont héritent de nombreuses âmes qui ont horreur de se laisser aller, — une sainte horreur de la négligence, et qui peuvent facilement faire des choses très difficiles par devoir ou intégrité. Quand elle dit à une petite fille « moi à cinq ans je pensais déjà au Divin », ou quelque chose dans ce goût-là, avec un reproche caché derrière, elle est psychologiquement à côté de la plaque. Le plus merveilleux c'est qu'elle a reconnu ses propres travers après les grandes expériences de 1956, quand le supramental s'est manifesté sur le plan physique.

Notre aspiration au Divin peut toujours équilibrer notre culpabilité. Hériter de la « Nature » constitue un poids considérable. Et c'est le statut de l'incarnation.

L'Agenda est indispensable pour se libérer des formations créées par le monde Surmental, sans pour autant les critiquer. Elles ont encore un rôle considérable à jouer dans l'Histoire, mais ceux qui veulent se libérer de l'obéissance au Christ, à Shiva, à Krishna, au dieu créateur par exemple, parce qu'ils préfèrent obéir au Divin, peuvent trouver dans l'Agenda (et les œuvres de Sri Aurobindo) le seul témoignage crédible aujourd'hui sur l'existence d'un Etre Suprême, dont certains ont eu une intuition extrêmement vague dans les derniers siècles... un Être bien plus profond et énigmatique que le dieu créateur des religions du Livre, auxquels plus de quinze siècles d'Histoire ont voulu nous persuader que nous avions des comptes à rendre ! Le déconditionnement que nécessite l'accès au Supramental est considérable, et ce déconditionnement ne s'effectue ni dans le ressentiment ni dans la vanité, les deux faces d'une relation fausse à la vie, mais dans l'amour de découvrir des plages de conscience plus limpides, —quelles qu'aient été les raisons pour lesquelles notre propre histoire nous en a privé avant d'entreprendre la voie divine.

C'est alors qu'on peut trouver l'ultime secret, qu'il n'y a pas d'opposition entre la conscience impersonnelle et le flux de l'être psychique. Ces deux flux de conscience peuvent alterner, et même se mélanger sans heurts, ce qui permettrait de clore le débat strérile entre les partisans du Soi impersonnel et les adeptes de Sri Aurobindo vraiment engagés, eux qui sacrifient le sentiment confortable de l'unité statique, de la non-dualité, en plongeant dans le subconscient de toute l'espèce, et jusqu'au fond de l'Inconscient, en accueillant les turbulences que les éveillés (ou certains d'entre eux), évitent, dans leur long sommeil immuable...

Le malentendu perdure entre ceux qui servent, et ceux qui veulent seulement endimancher leur existence d'une réalisation narcissique et certifiée conforme par le passé poussiéreux.

L'Agenda de Mère permettra de mieux comprendre (pour ceux qui ont commencé à s'intéresser au Supramental par mon intermédiaire) Feuille de route pour l'Apocalypse, et naturellement, les « Principes de la Manifestation ».

En ce qui me concerne, je trouve inutile d'épiloguer sur de prétendues erreurs de Mère (ou de Sri Aurobindo), Mère elle-même ayant affirmé dans l'agenda de 1962 qu'elle pouvait dire des choses d'apparence contraire, selon la nature spontanée de ses expériences, et je considère donc qu'elle est allée très loin dans l'expérience supramentale, compte tenu de son âge, et qu'elle devait percer les premières résistances quasi incoercibles. Que dans l'ensemble quelques phrases ne soient pas exactes, ne me paraît pas un argument pour remettre en cause quoi que ce soit, le cas échéant. Si la conscience supramentale de troisième degré est absolument infaillible, celle qui a inspiré la vie divine, l'énergie supramentale descend au lieu de surplomber, et AGIT dans le corps et les corps subtils. Son but n'est pas de fabriquer un être qui aurait réponse à tout dans le détail, mais de créer une NOUVELLE PERCEPTION de la réalité, qui s'évase vers le sans limites, voit autrement et dans l'esprit de Vérité, tout en réactivant le cerveau d'une manière nouvelle, ce que le Soi Impersonnel est incapable de faire !

En revanche, le sentiment d'être détaché de sa propre identité, comme le vivent certains maîtres traditionnels, peut plus ou moins s'incorporer au travail du yogi supramental dans la Matière, selon des phases spontanées. Il est donc impossible de légiférer sur les proportions, variables, entre la vision impersonnelle qui « débarrasse du sujet », la vision de l'être psychique plus adhésive à l'incarnation et touchée par l'avenir de la Terre, et la vision à proprement parler nouvelle, dans laquelle tout l'ensemble du moi est rattaché par la perception physique au mystère supramental et à l'onde divine, dans une unité inaliénable et indescriptible de TOUS LES PLANS.

Les différences de perception, à partir de l'éveil, trouvent de toute façon toutes leur origine dans le Divin, ce que Sri Aurobindo s'est acharné à montrer dans la vie divine, en distinguant les nombreux plans supérieurs qui se présentent dans l'évolution, et qui chacun possède un caractère spécifique qui n'entrave pas la manifestation des autres.

Ces trois modalités de perception, Soi impersonnel, amour psychique, relation physique avec le Supramental, peuvent se dissocier, alterner, puis s'épauler, et enfin se combiner selon les besoins du yoga. Il est inutile de les opposer. Chacune possède un caractère adaptatif selon « ce qui se passe », et elles ne se séparent plus vraiment, mais l'accent peut changer d'un moment à l'autre. Et il est probable que les mutants n'adopteront pas les mêmes combinaisons, et même qu'ils verront varier avec surprise aussi bien le sentiment du moi que celui que le non-moi inspire, dans une spirale infinie, qui n'a pas de raison de rencontrer d'osbtacles durables.



Je vous ferai remarquer sans vous commander que les grandes manipulations qui ont été effectuées sur l'humanité l'ont été à partir « d'appellations contrôlées ». L'idée de faire de Jésus le fils de Dieu, ce qui est parfaitement absurde, a permis d'asseoir définitivement la réligion catholique, qui n'est pas vraiment un modèle spirituel. Au lieu de se contenter du message de Krisna, on a renchéri dessus en disant que c'était un avatar, comme si cela pouvait ajouter quelque chose. Grotesque, cela fait penser à des personnes qui seraient prêtes à trouver fabuleux un vin ordinaire, parce qu'on a mis sur la bouteille une étiquette de chateau-Pétrus. Tous ces surenchissements de la pensée sur le message libérateur permettent de le récupérer. On ne suit plus une « grande âme » parce qu'elle dit comment se relier à la source, mais parce que c'est une grande âme, et qu'il faut l'avoir dans sa poche. Le cas est particulièrement grave pour Sri Aurobindo, que beaucoup d'abrutis, souvent d'origine indienne, ne peuvent pas aborder tout simplement à travers son histoire, ce que j'ai fait personnellement, et qui révèle sans chichis les étapes de l'homme. Non, d'abord ils l'intitulent super avatar, c'est-à-dire qu'ils remettent une couche de complaisance sur la phrase de Mère qui dit simplement, Sri Aurobindo, c'est l'action du Suprême. C'est laconique, clair, et ça devrait suffire. A ce moment-là, il faut respecter ce qu'il dit et s'y conformer. Point barre.


Trop simple et trop difficile.


Vaut bien mieux commencer par le mettre au-dessus de tous les autres, en le comparant à l'immense cheptel (ben oui, quoi, Hanuman, Ganesh sont plutôt pas humains et ils font partie de la nomenclature divine), et puis lui faire des petites simagrées. On l'admire, on l'adore, on le vénère, et voilà, le yoga se fait tout seul, le tour est joué.


Il y a donc un pouvoir mystificateur terriblement efficace dans l'érotisation, oui je dis bien l'érotisation du spirituel à travers des considérations émotives et affectives. L'Eros doit revenir exclusivement au désir sexuel, c'est là son domaine. Les «embellissements » de l'autre pour l'amour, ou les préparations savoureuses à la rencontre de l'autre sont des faits tout à fait légitimes, esthétiques et vénusiens, qui n'ont rien à voir à voir avec les fantasmes bestiaux. Célébrer l'existence avec l'érotisme assumé avec reconnaissance, si cela est bien conduit, — ce qui est d'ailleurs très rare, et plus courant chez les femmes que chez les hommes, constitue une donnée naturelle de l'existence derrière laquelle tous les humains courent, qu'ils se l'avouent ou non. D'où les termes d'amour, voire de coups de foudre, qui sont réels pour certains (perso, j'en ai subi trois, mais je ne peux pas dire que l'amour que j'éprouve pour le Divin provienne d'un coup de foudre, c'est autre chose de difficile à exprimer).


En caricaturant, bien sûr, je dirais que le dévôt stupide essaie de séduire (à l'insu de son plein gré) Sri Aurobindo en le certifiant conforme avatar des avatars, en l'estampillant ainsi. Cela en jette autant qu'une guépière rouge ou noire brodée en soie, sur le corps moelleux d'une fille sexy qui prend une pause avantageuse. Tant pis pour ceux qui ne suivent pas. Qu'ils aillent lire la définition des verbes renchérir et surenchérir. Je les invite à séparer leurs gunas, ceux qui ont besoin de faire de l'icône pour travailler pour le Divin, qui en ont plein la bouche en parlant de Mère ou de Sri Aurobindo, comme si la gourmandise subltile guérissait de l'addiction au chocolat. Les mouvements de la pensée qui forment des « blasphèmes » ou leur contraire, soit ces « oeillades mystiques » vers les plus grands que nous, proviennent en droite ligne du singe, qui sourit à son dominant pour passer à côté sans se prendre une baffe.


J'exagère ou j'exégèse. Les paris sont tout verts.


Les grands instructeurs ne demandent pas qu'on les vénère, ni qu'on les admire, mais qu'on apprenne à travers eux à aimer le Divin, ce qui n'est pas évident. Même si l'on ne peut pas se forcer à aimer, sur ce sujet il ne faut pas dire n'importe quoi, aimer le Divin revient à accepter les moments pendant lesquels Il se manifeste de manière indirecte, lointaine et confuse, c'est-à-dire accepter les moments où l'appel radical se fait sentir dans le moi sans pour autant que la piste se dessine, puisqu'il faut collaborer plutôt que suivre.... Ces moments ne durent pas. Le mental sécurisant essaie un peu plus tard de s'en débarrasser, d'en saper le bien-fondé s'ils ne se reproduisent pas assez rapidement (antagonisme originel 2/3 en méditation quantique). L'appel, même le plus confus et le plus fragile, c'est déjà le Divin qui se recherche à travers vous, et vous donne une chance d'accéder à l'évolution consciente. Mais n'attendez pas que votre pensée et que votre personnalité aux prises avec le champ, soutiennent ces moments-là. Il n'y a que trois alliés possibles pour consolider les appels,
le sentiment que l'âme personnelle commence à exiger quelque chose,
le besoin du coeur de participer à l'amour et de découvrir une vérité harmonieuse,
et le pur Intellect, le Mental Universel, qui en tant que pure intelligence suprasubjective vous déconditionne, et pressent qu'il retrouvera sa propre source en allant à contre-courant de l'ego et du petit moi contingent. A contre-courant de l'ensemble des personnages qui constituent une identité historique et sociale (quitte à trahir sa caste, sa famille, sa religion, et tout son passé, dans l'intention holistique pure, soit le chemin informel de la non-dualité).


Il y a donc bien quelque chose de tourné vers le cosmique, l'intemporel, voire l'Eternel dans l'appel spirituel, et la manifestation nouvelle de ces immenses champs exige donc du discernement. Sinon, l'imagination remplace la pensée rationnelle, et les « progrès spirituels » sont faux, n'étant que des constructions d'un nouveau genre. Un des grands maîtres du discernement est sans conteste René Guénon, qui comme moi-même, mais d'une manière plus sèche et plus impersonnelle, a fait en sorte que les « chercheurs » s'habituent à la « relativité » de leur propre voie, au lieu de se gargariser de la leur et de s'enfermer dans l'idée que leur propre paradigme est naturellement meilleur que les autres. Il en est de même pour les « gourous ». Le meilleur pour vous n'est pas forcément le meilleur dans l'absolu, mais celui dont la tournure d'esprit vous est la plus proche, ou celui dont le mode d'incarnation vous est le plus naturel.


Il y a trois modes fondamentaux de transmission,
la connaissance pure, qui renonce à l'action,
la bakti pure, qui donne inconditionnellement sans attendre de recevoir,
et l'action pure, qui est une consécration absolue du moi à une oeuvre divine, clairement perçue, et sur laquelle il ne peut y avoir le moindre doute. Ces transmissions s'exercent librement, se développent sans imposer de coercition. Le supramental permet aujourd'hui de combiner ces approches, et le mieux est de le faire naturellement si vous avez compris Sri Aurobindo. Chronologiquement, en sentant les « champs » qui doivent être approfondis les uns après les autres, vous pouvez suivre un ordre naturel. Quitte à changer de prépondérance au cours de la sadhana. Le champ total et indistinct demande à être assimilé si nous nous consacrons à l'expérience terrestre, dans laquelle il faut venir à bout de tout ce qui semble hétérogène, et qui est en fait relié par des liens secrets. Le côté exploratoire que je mets en avant dans mes écrits et mes recherches, ne concerne peut-être pas tout le monde, et il peut sembler dangereux à certains. Ne pas se forcer. Mais comprendre aussi que l'état d'urgence planétaire appelle des risques supérieurs, des engagements puissants, parfois dans la vie concrète, avec des fronts de résistance écologique.


Je reconnais que je n'ai pas froid aux yeux, que j'appelle un chat un chat, que j'aime la vie, mais je ne me serais pas lancé dans une apologie de l'expérience personnelle tous azimuths, si je n'avais découvert quelques nouvelles caractéristiques de notre époque et de notre mentalité collective...


Je le maintiens donc et le répète : Le besoin de « vivre sa vie » augmente depuis 1930, avec la découverte de Pluton, depuis les années soixante avec les beatniks et les hippies, depuis les années 80 avec la nouvelle mode vibratoire du « professionalisme » que j'ai personnellement ressentie lors d'un de mes voyages à Paris, une identité-conscience puissante, un champ d'ondes collectif qui a favorisé les meilleurs individus sociaux (dépourvus de toute msytique) en boostant l'amour de l'apprentissage et de la performance. L'idée que l'accroissement démographique a également intensifié le besoin existentiel-individuel ne peut pas être mis de côté non plus, si les chréodes de Sheldrake existent. Les tendances, plus elles sont partagées, plus, peut-être, sont puissantes... Devant la gravité de ces faits, des forces centrifuges nouvelles et variées qui poussent chacune dans une direction différente la masse vers des formes subjectives de conditionnement, il était nécessaire plus que jamais de présenter la Voie comme le seul contrepoids nécessaire à une force d'engloutissement obscur de la masse humaine dans une vie trépidante et presque exclusivement vitale, le mental étant tiré systématiquement vers le bas, le monde contingent. Certaines forces poussent à vivre pour vivre, et d'autres à vivre pour réussir, d'autres poussent quelques-uns seulement à vivre pour être. Il fallait prendre une position claire. L'intensité de vie arrive, en développant le pire autant que le meilleur, of course.


Je défends une spiritualité foncièrement terrestre, mais inspirée par le Divin proprement dit, bien différent de n'importe quel Dieu, au-dessus des meilleurs comme Krisna. Et si c'est le champ de la vie qui doit être transformé, celle-ci doit être connue. Je ne suis jamais en contradiction avec le Shivaïsme, le vrai tantrisme ou le taoïsme, trois voies qui n'ont jamais eu peur, ni de la vie ni de la mort, et qui sont donc aux antipodes des religions du Livre, dont certaines ne sont peut-être pas aussi innocentes qu'on se l'imagine. Si l'on juge l'arbre à ses fruits, la consternante mentalité contemporaine de l'Europe a été en partie façonnée par les très nombreux siècles de main-mise politique de l'Eglise sur l'Histoire. Seul un ésotérisme rare et fragile est authentique aussi bien dans le judaïsme, que le christianisme ou l'islam, mais naturellement, comme c'est la foi qui compte, les vrais croyants ne sont pas victimes des superstructures fausses de leur religion. Seuls tombent dans le panneau ceux qui se moquent de Dieu d'une manière ou d'une autre, et qui s'accomodent de l'imaginer selon leurs fantasmes. Ceux-là sont victimes du dogme, car leur niveau d'évolution ne leur permet pas d'aimer la Vérité. Ils prétendent donc la suivre, par sens narcissique du devoir (confusion générique soleilsaturne), et il n'y a rien de spirituel dans cette attitude, qui est morale, et rien de plus. Les religions n'aident que les âmes déjà prêtes à s'investir quelque peu dans une responsabilité cosmique, et ce sur point je rejoins Sri Aurobindo qui ne les attaque pas, ce qui est peut-être naturel pour lui, parce que les religions de l'Inde et de l'Asie sont, qu'on le veuille ou non, plus riches et ouvertes que « les nôtres ». Les croyants sans foi, sans feu, sont manipulés, quelle que soit leur origine, mais c'est bien pire à l'ouest du Bosphore.


Tout développement spirituel authentique permet de se démarquer du dogme et de le dépasser, ou de le voir comme une nécessité pédagogique seulement, une mauvaise publicité pour « Dieu ». Quelques hommes et femmes remarquables sont restés dans leur religion d'origine tout en dépassant dans l'absolu toutes les prescriptions, interdits, devoirs, et soi-disant règles de leur obédience. Les écritures demeurent exclusivement le miroir de notre propre psyché. Je vois la même chose ou presque dans toutes les voies, car je possède la voie, et je ne peux donc me faire escroquer par un itinéraire. Mais celui qui croit au chemin plus qu'à sa propre foi s'est déjà fourvoyé.


Je me permets donc de vous dire qu'il est beaucoup plus utile de consolider les appels qui se manifestent en vous et vous concernent donc dans votre chair, que de baver d'admiration ou d'amour sentimental devant la photo d'un grand Instructeur, ou même de vous énivrer de la carte topographique du bouddhisme tibétain, de la kabbale, ou du tantrisme du Cashmere. C'est excellent d'approfondir, je n'en disconviens pas, d'autant que personnellement je suis passé par là. J'ai pris énormément de plaisir à apprendre sérieusement l'astrologie Rudhyar/Ruperti, ou à travailler trois mois sans interruption sur le Tao-të-King après la révélation de la réminiscence. Sans compter nombre de lectures « professionnelles » dans de nombreux domaines pour ne pas dire n'importe quoi dans mes écrits... Mais ce qui me paraît toujours être le plus important, c'est l'état d'esprit dans lequel une étude est abordée, ou celui dans lequel on regarde la photo d'un grand homme ou d'une shakti. S'il y a la moindre avidité dans ces regards, si vous tirez à vous la couverture : regarde-moi parce que je te célèbre, ou bien je me félicite de le savoir, vous pouvez être sûr que ce n'est pas la peine de vous référer à un texte ou à l'image d'un précurseur.


Une couche subconsciente de cet ordre peut se glisser là, et pervertir l'intelligence. Ni comprendre ni aimer ne se résument à une forme d'appropriation, même utile. La magie imitative a fait son temps. Si l'autre vous permet de personnifier vos attentes, laissez-moi vous dire qu'il est instrumentalisé et que vous ne le voyez pas.


Si l'étude doit vous conforter dans l'idée que vous savez, alors qu'on ne sait rien avant l'éveil ! vous faites fausse route. Néanmoins, si vous avez le détachement nécessaire, rien ne vous empêche de mettre chez vous la représentation fidèle d'une grande âme, c'est-à-dire une photo. Une effigie bien comprise, et non pas superstitieusement installée comme une assurance-vie ou un garde-fou, peut avoir un certain pouvoir spirituel ou radionique. C'est-à-dire d'un côté, une certaine protection, de l'autre une certaine stimulation. Ne me reprochez pas d'oublier certains. Je vous donne les meilleurs. Je ne vous incite pas non plus à le faire, c'est juste une suggestion ludique, peut-être pragmatique pour quelques-uns, c'est donc entièrement facultatif. Néanmoins j'établis l'hypothèse d'une procédure, et il y a une règle à respecter : éviter les interférences en n'allant pas au-delà de quatre effigies par lieu de vie. (Cinq crée une force centrifuge par principe). Pour ceux qui ont déjà de nombreuses effigies, ils peuvent ne pas tenir compte de ce que je raconte, mon intention ultérieure n'ayant pas à sabrer la leur plus ancienne. Mais ils peuvent, pourquoi pas, en tenir compte et sélectionner les quatre maîtres les plus « opératifs » pour eux en ce moment (quitte à changer de temps en temps, le mouvement est la loi de la vie). Voici la liste (pas la peine d'en rajouter, les absents ont peut-être des raisons de ne pas être là et il est probable que certains puissent faire partie de la liste mais que je ne les connaisse pas, peu importe, c'est mon choix pour le moment, et ces « diamants » sont largement suffisants).


Les photos de ces figures peuvent être trouvées car toutes sont contemporaines, ou de l'époque du début de la photographie. Je les ai choisies non pour leur intelligence, leur pouvoir, ou leur notoriété, mais pour leur pureté.


Sri Yukteshwar
Sri Yogananda,
Swammi Vivekananda,
Ma Ananda Moyi,
Sri Ramakrisna,
Sri Aurobindo,
La Mère de Pondichéry,
Kalu Rimpoche,


Amma,
Sri Tathata,
Mère Meera.


La symétrie menant l'univers, il y a deux figures archiconnues à éviter, mais je ne peux me permettre de les dénoncer... A vous de voir. (Deads, les deux).


C'est le mental diviseur qui voudrait attribuer des notes à ces personnes. Elles ne sont peut-être pas toutes allées aussi « loin », mais là n'est pas la question. Ce sont des vies vraiment consacrées, sans parcelle d'ego, de pouvoir, ni d'auto-satisfaction. Tous ces êtres ont terrassé la soif de l'existence individuelle : ils ont servi la cause supérieure de la Conscience, sans chercher le moindre salut personnel, ce qui vous arrivera aussi quand le Divin sera pour vous plus important que tout le reste. Cela est possible. La «dissidence divine» devrait vous permettre de comprendre votre potentiel. Il s'agit d'un chemin naturel, cosmique, qui transcende toutes les voies particulières. Et il est plus que jamais stupide de s'imaginer qu'une voie est supérieure à une autre puisqu'il n'en existe qu'une, qui se résume à dépasser la soif de l'existence individuelle. C'est aussi le même chemin qui permet de passer au-delà des trois guna, et il ne dépend pas de la qualité de nos représentations, mais de la profondeur de l'engagement, comme je le dis dans « Feuille de route pour l'Apocalypse ». Nous sommes tous des apprentis sujets à l'erreur face à la Mère divine. Elle s'en moque, de nos erreurs, elles constituent la preuve que nous avançons et que la Voie se trace.


Le ciel et le terre durent sans pouvoir cesser
ils ne vivent pas pour eux-mêmes

Lao-Tseu



P.S Le discernement, la consécration, et l'action désintéressée, sont les seules véritables conditions nécessaires, car elles sont intérieures. Toutes les voies sont extérieures en tant qu'itinéraires, et l'on peut donc se tromper d'interprétation sur la marche à suivre. Ne vous culpabilisez pas de ne pas avoir dépassé la soif de l'existence individuelle, elle doit mourir toute seule, elle est très puissante, vouloir l'assassiner peut même la renforcer. Faites en sorte qu'elle ne s'oppose pas à votre sadhana, c'est tout-à-fait possible, et elle diminuera d'elle-même.



Si le tout est solidaire de chacune de ses parties, l'accès au supramental ne peut pas se produire sans une sorte d'assentiment passif de la Réalité. Qu'on lui mette un petit r, et la réalité devient plutôt le samsâra, l'Histoire et le temps, avec bien sûr la vie, l'apparence. Qu'on lui mette un grand R, et la Réalité constitue l'ensemble des choses manifestées accompagné de ce qui leur a permis de se produire, les Principes. Le mépris de l'humain pour les principes le voue à sa perte. La vie n'a cessé de grimper vers des principes qui lui étaient étrangers au départ. Un jour ou l'autre, une première fois, elle est tombée sur le mental, et nous sommes prisonniers de cette histoire-là Bien peu d'humains ont compris la fonction du Mental. Utilisé n'importe comment, il nous pousse vers l'abîme, car nos sociétés refusent le Divin. On peut peindre les murs de la prison, et mépriser les barreaux en se disant « de toute façon je n'ai pas envie de m'évader, l'apparence me suffit »... Mais la souffrance individuelle nous poussera à nous poser chaque jour davantage la question de notre place dans un monde qui nous échappe, et dans lequel le cerveau collectif, mal utilisé, prépare la mort de l'homme, ou sa mutation dans un ultime sursaut, in extremis, et c'est à nous de le décider.


Et si la conscience cherche à s'accroître dans l'homme, tout simplement parce qu'elle le peut par le principe même de l'évolution, elle dénoncera la souffrance. La plupart des souffrances sont créées par l'homme lui-même : elle combattra ces souffrances-là. Car la vie ne peut pas être faite pour souffrir. Elle permet de découvrir le champ infini du non-moi, dès que le mental s'en mêle, dès que l'espèce verticale apprend l'univers. Et toutes les cultures possèdent leurs explorateurs, chamans, mystiques, poètes, aventuriers du sens, réfractaires aux normes, rebelles incandescents, sages, saints, idéalistes absolus, éveillés. Toute cette petite masse minoritaire de « jouisseurs subtils », d'émerveillés responsables, ne s'est jamais contenté de la société: souvent elle a même voulu la réformer, au risque d'encourir supplices et condamnations. Le levain des hommes vrais n'a pas suffi à améliorer la vie humaine, qui s 'enfonce aujourd'hui dans la fuite en avant du Désir, mis à la portée de tous par différents stratagèmes.


Mais au moment même où la matière pour la Matière peut l'emporter, l'Esprit redouble d'activité sur Terre, grâce au Supramental et à d'autres énergies « cachées », comme si l'univers refusait d'abandonner la vie à elle-même, cette vie qui plafonne dans l'humanité du moi triomphaliste et égoïste, qui se décline partout. Et qui est encouragée partout. Aucune vision globale n'est en marche pour le moment, sauf le commerce mondial. Aucun soin de l'avenir. Moi, mon travail, mes loisirs, mes petits plaisirs, le petit clan que j'aime, — le reste n'est pas de mon ressort. Cette imprévoyance oblige les plus conscients, soit à laisser tomber la terre dans l'ivresse nouvelle de l'éveil pour jouir du Vide transcendant, qui extrait de la Manifestation, soit à se jeter plus loin dans le Mystère, vers les seules réalités qui peuvent changer quelque chose dans la vie humaine: les énergies divines.


La plus haute et plus puissante est le Supramental. « La perfection d'un seul homme peut encore sauver la terre », dit Sri Aurobindo, déjà pessimiste à son époque, malgré la victoire sur le nazisme. L'Histoire depuis n'a plus suivi les mêmes voies. «  Les grandes guerres » ont laissé place à de multiples guerres plus petites et plus insidieuses. L'art du combat s'est reporté dans le commerce, avec le marketing, l'ennemi est devenu celui qui n'achète pas. La forme de l'Histoire en a été bouleversée. Une apparence grosso-modo plus sereine mais une réalité plus profondément contestable, avec un progrès remarquable dans l'art de la guerre étendu à tous les domaines.


La démagogie pilier de la démocratie.
La sacralisation de la richesse et des « people ».
Le développement d'une identité personnelle fondée sur des critères purement extérieurs, et indépendants de la valeur morale. (Etre compétent, réussir, faire passer l'entreprise avant la qualité relationnelle entre cadres et employés).


La Matière pour elle-même livre un combat assidu contre l'Esprit. La foi en l'avenir ne mobilise même plus les adolescents et les étudiants, accablés par la précarité de l'emploi, dépassés par la nouvelle des dettes des Etats (l'impôt sur le revenu en France ne sert qu'au remboursement d'un prêt selon V.G.E dans le magazine le point), amers face à l'emploi difficile et la menace sur les retraites. Ils peuvent oublier aujourd'hui les problèmes cruciaux en développant une subjectivité tribale sans limites grâce aux réseaux sociaux, et s'énivrer d'un présent sans lendemain, lâche dans tous les sens du terme, élastique, filandreux, et déconnecté de la réalité. La profondeur est méprisée, l'intelligence qui met en doute le social, rejetée. Il s'ensuit une élite d'êtres naturellement plus conscients que les autres, désorientés et blessés facilement face à des groupes entiers d'être humains insensibles, conformes aux normes, béats avec trois fois rien comme les matchs sportifs ou les émissions de realityshows, irresponsables et naïfs, mais qui commencent à subir eux aussi les conséquences de la grande incurie de l'espèce en général et des dirigeants en particuiler. La puissance exponentielle de la cupidité nous a tous embarqué sur la même galère, dépendre de pouvoirs sociaux, politiques et économiques incompétents, obsolètes, et même rétrogrades.


En revanche,
Le pouvoir de l'objet est devenu absolu, et c'est le grand cache-misère passe-partout.


La preuve, le wi-fi. Des desseins, des musiques, des textes, des informations vous arrivent du monde entier en quelques secondes par les airs, sans fil. Miracle suprenant de la technologie scientifique attaquant les plate-bandes de la magie à distance et de la radionique. Internet permet de fabriquer des bombes artisanales, d'acheter moins cher toutes sortes de produits, et de faire le tour d'une question avec un bon moteur de recherches. Il s'ensuit que chacun pourra dorénavant donner toute la mesure de son être ou de son ego avec le même matériel, d'où l'espérance prophétique de Jeremy Rifkin, la dernière utopie à la mode... La décentralisation créative... Le web sert les révolutions autant que les traders. Il est utile aux terroristes en puissance, qu'il déniche dans n'importe quelle banlieue défavorisée autant qu'il permet à des « éveillés » de donner une information sur l'au-delà du mental.


Pour résister à la sorcellerie de l'objet, il faut aujourd'hui avoir beaucoup de courage, et abandonner les postures sociales « ancrées », aussi bien que les profils narcissiques qui font vivre à travers Facebook ou d'autres partages subjectifs une vie parallèle rêvée. Tout détourne de l'intérieur aujourd'hui pour proposer de l'extérieur sur-mesure. Trouver du temps pour se voir en tant qu'être devient un exploit. Le gaspiller dans des rôles, lucratifs ou ludiques, la loi. Autrement dit, le samsâra s'améliore, l'illusion gagne de nouveaux territoires dans tous les domaines, la carte remplace le menu, et chacun cible d'autant mieux ses ambitions, choisit d'autant mieux ses chimères, tout en se barricadant dans sa tour d'ivoire, la nouvelle tour d'ivoire que constitue l'ordinateur disposant du web, permettant à chacun d'être soi, n'importe comment, avec ou sans génie, avec ou sans créativité, avec ou sans âme. La Matière veut gagner, et l'Esprit aussi. Chacun est capable de « récupérer l'autre », et la vie, au milieu, hésite entre les deux. A moitié matérielle avec sa racine biologique, à moitié spirituelle par l'élan mental incoercible et sans limites, par l'interrogation joyeuse tournée vers l'Infini, elle hésite encore à choisir son maître, la vie dont nous sommes l'otage.


Par l'homme et pour l'homme, la vie peut se soumettre au Divin.


Aidez-là à la faire basculer du côté de l'Esprit, de la néguentropie et du Présent.
Achetée par la Matière, la vie ne s'en remettra(it) pas.




Bien que cet article puisse tout autant appartenir à la rubrique supramentale, il ouvre des perspectives pour tous à partir de ma propre expérience. Quelques jours après le 2 janvier, jour vraiment mémorable entre tous, une sorte d'intuition violente s'est emparée de ma perception, c'était presque comme une voix qui me parlait, autant dire que je ne pouvais pas y échapper. J'avais enfin l'explication de ma propre existence présente. A 63 ans presque révolus, mieux vaut tard que jamais ! Bref, il me fut révélé que j'étais parvenu jusqu'ici parce que j'étais « complet ». Il est possible aussi qu'un être immatériel ait été présent pour me souffler cette explication, à moins que je me sois retrouvé dans une nouvelle dimension capable en un seul coup d'oeil de voir et d'évaluer le passé. Mais d'où qu'elle provienne, cette prise de conscience était nettement détachée de mes perceptions habituelles, et m'a permis de comprendre pourquoi j'ai pu poursuivre le yoga supramental. Je ne me suis jamais caché de l'extrême surprise qu'a provoquée l'illumination de janvier 1977, suivie d'un an presque jour pour jour, d'une dégringolade que je qualifierai d'exponentielle. Je me suis donc retrouvé en état de survie à 27 ans, et c'est sur cette base, un organisme à moitié mort tout juste soutenu par un filet de conscience, que s'est construit le yoga pendant les sept années suivantes, avec un nouveau départ fulgurant (comme celui d'une fusée) l'hiver 78.


Au moment où les choses semblaient s'être « normalisées », le début de la dégénérescence physique à 49 ans (1999) m'a à nouveau précipité dans un nouvel état d'urgence. L'hiver 2001 fut marqué par l'explosion de mes gènes, avec, trois fois, le sentiment de frôler la mort. Je reviendrai sur cet épisode qui a marqué un tournant pour toute l'humanité. Les choses se sont à nouveau « normalisées » en 2005, mais en février 2008, une nouvelle dégringolade, de l'ampleur de celle de 1977 m'a emporté « au fond du trou », patiemment jour après jour pendant dix-huit mois, chaque jour me donnant l'impression de m'enfoncer davantage et de régresser. Je n'en suis sorti « vainqueur » qu'en janvier 2012, et j'en ai profité pour écrire dissidence divine, le livre le plus exigeant qui soit, et qui ne cadre donc pas avec les attentes pleines de complaisance des soi-disant « chercheurs spirituels », avides de voir le Divin leur lécher les bottes, et qui prétendent que l'éveil met fin aux souffrances, ce qui peut être vrai quand on reste bloqué dans le Soi, mais entièrement faux dès que le Supramental prend le relais. Pour autant, je ne justifie pas la douleur, elle semble être un passage obligé récurrent, à certaines périodes, et il vaut mieux savoir y consentir que s'imaginer qu'un stratagème quelconque va la tenir à l'écart. Ce qui est confirmé dans la synthèse exceptionnelle de l'agenda de Mère que Satprem a commenté dans « le mental des cellules ». Bien que je trouve le titre assez mal choisi, à la relecture, cet ouvrage contient l'essentiel du travail de Mère dans les profondeurs, et il est sans doute nécessaire de le lire pour comprendre également mon propre cas, et la défense que je dois assumer, comme avocat de la douleur devant le tribunal des chercheurs spirituels. Cette sensation, divinisée dans le terme de souffrance, est le compagnon de route obligé de la conscience dans la matière, un point sur lequel il convient de méditer, tout en sachant qu'au final, la douleur peut être vaincue et le Divin se faire jour dans sa béatitude originelle.


En gros, je n'avais jamais eu le temps de me préoccuper de savoir pourquoi le Divin m'avait choisi pour cette tâche. Cela doit vouloir dire que l'idée que j'ai poursuivi dès l'adolescence, le moyen d'améliorer le monde, avait en fait un réel pouvoir, celui de me guider à travers les embûches. Mais cela suffit-il à être complet ? Non. J'ai également intégré les principes universels, ce que certains éveillés n'ont pas encore fait, car ils sont parvenus « empiriquement » au non-mental, et il leur reste donc à approfondir leur expérience s'ils ne veulent pas se cantonner dans la douce candeur du soi qui semble, au début, indépendante de l'existence. Dans cet ordre d'idées, je continue de voir que l'intelligence peut se délecter de presque l'ensemble des œuvres de René Guénon, qui en tant que tout, sont les seules à ma connaissance à dépasser les rivalités des particularismes, avant, bien entendu, les œuvres de Sri Aurobindo qui dépassent le cadre traditionnel envisagé par l'initié français.


Mais tout cela suffit-il pour être complet, c'est-à-dire avoir une chance de parvenir jusqu'au supramental et de l'intégrer physiquement ? Non. Même si les représentations sont assez pures pour produire des visions, c'est-à-dire des intégrations de la réalité et de ses principes (jnana-yoga), il est sans doute nécessaire d'avoir quelques affinités sensitives avec l'ensemble de ce que l'on peut appeler la dimension immatérielle, — soit l'invisible, l'énergétique (prana ou ki) et l'occultisme. Le sens universel de la mort doit être compris et l'échéance pour soi-même consentie, ce qui donne au passage du temps une immense valeur ajoutée. En même temps, prendre du recul sur sa propre incarnation présente sans lâcher l'enracinement permet de démultiplier l'ordre des perceptions possibles.


Mais le plus difficile reste encore à faire. Et c'est là que le Divin « attend au tournant » la plupart des candidats, même très évolués, au changement d'espèce. Car il s 'agit ensuite d'obéir au Divin une fois qu'Il s'est manifesté, et cela est très contraignant. Le sentiment de la liberté, qui est souvent une douce ivresse pour les âmes très évoluées, doit céder le pas à une soumission draconienne, — d'autant plus qu'elle doit être consentie plutôt que forcée — et voilà donc pourquoi nous sommes si peu en ce moment même à pousser loin le yoga supramental. Vous trouverez confirmation de ces allégations dans « notes sur le chemin », les entretiens de Mère qui datent de 1965/66, que je relis en ce moment. Elle dit bien qu'au début le supramental sera « réservé » à ceux qui pourront en supporter les exigences, mais que cela — le petit nombre — n'entame pas la crédibilité du projet.


Si vous avez horreur des contraintes, et Dieu sait si c'est courant chez les âmes affranchies, seule la mise en place d'une véritable discipline — qui au départ prendra des allures masochistes pour vous décourager, vous permettra de vous rapprocher d'un rôle universel à jouer, que seul le Divin pourra vous octroyer. Si vous êtes réticent avec l'invisible, il faut le découvrir sans peur, et avoir quelques lumières. C'est là que tout se passe: la matière est au bout de la chaîne. Il est nécessaire de s'affranchir des préventions contre ce qui ne tombe pas sous la juridiction des sens, ou de la logique formelle et causale. Lire Dante, le bardo Thodol, le livre des morts égyptiens, avant de compléter avec toutes les connaissances que la Mère de Pondicherry a fournies sur ce sujet.


Enfin, il s'agit de ne pas inférioriser le Soi au nom de la Vie, tentation courante, et d'éviter l'inverse également, ce qui est difficile pour les hommes emportés par l'impersonnalité, car ils ressentent moins la légitimité de l'existence physique que les femmes, elles qui accompagnent la vie. Ce sujet pourrait se développer des heures tant il est constitutif de la spiritualité. Nous y retrouverions la haine du corps, en général prônée par des hommes, ascètes ou saints, qui pensent que la condition matérielle éloigne de Dieu, tandis que les femmes vont au contraire jusqu'à évoquer leurs noces avec le Christ, ce qui montre bien que la dichotomie chez elles est moins prononcée. Les femmes parviennent plus facilement que les hommes à l'équilibre entre l'intérieur et l'extérieur, mais en revanche elles ont en général moins besoin de se soulever vers les hauteurs transcendantes. Elles sont plus homogènes, mais risquent de niveler leurs besoins et leurs aspirations, tandis que les hommes vivent davantage de dualités mais sentent plus facilement les limites de la nature. La différence des genres n'a pas encore fait l'objet d'une anthropologie spirituelle qui distinguerait de près les capacités masculines et féminines dans l'ascension, mais de toute façon le nouveau paradigme est en marche, qui forcera le fonctionnement mental à dépasser les caractéristiques du genre sexuel. Les femmes se mettent aujourd'hui d'arrache-pied à la différenciation, comme les hommes se jettent bras ouverts dans l'identification, ce qui a d'ailleurs provoqué un nouvel essor de l'homosexualité dans les civilisations urbaines, pour qui la culture l'emporte largement sur la nature.


Les sujets masculins doivent de toute façon travailler leur enracinement, puisqu'au départ il fait défaut, étant inutile dans leur constitution — d'où les fuites vers le haut si décriées par Satprem et Sri Aurobindo, et les refuges dans les plans immatériels, ces fameuses tours d'ivoire célestes ou philosophiques, ou encore ces ascèses brutales qui tournent le dos au monde. Les mâles de notre espèce distribuent la vie et adorent anticiper, mais il ne leur est jamais revenu de la gérer comme savent le faire les femelles, qui sont potentiellement des mères. Les hommes ont donc un travail particulier à faire pour se sentir appartenir à la Terre, alors qu'ils sont au contraire souvent ravis d'appartenir au monde de la pensée, qui donne de l'éclat au libre arbitre, mais brouille les pistes du présent. Or, la nécessité de l'enracinement est passée sous silence dans bien des doctrines, et il faut donc y revenir si l'on s'intéresse au supramental. Pour progresser vers la réceptivité supramentale, la jonction du bas et du haut est nécessaire — § voir pratique intégrale du Tao sur le site.


Les périodes d'enracinement peuvent sembler lourdes et moins inspirées, — trop concrètes —, mais sans elles, le socle existentiel n'est pas assez puissant pour suivre le mouvement rapide qu'impose le supramental, avec de nombreux événements qui semblent hétérogènes et inassimilables. Alors qu'une assise parfaite permet d'absorber sans préjudice émotionnel des imprévus hostiles, même s'ils « remuent » fortement la perception quand ils se manifestent. La difficulté consiste donc à continuer à ressentir la valeur divine de la vie, même pendant les périodes remplies de souffrance. La mère de Pondicherry est parvenue à cet exploit, qui est accessible à tous ceux qui aiment le Divin, puisque l'intuition soutient l'épreuve, en faisant comprendre que cette douleur ou cette souffrance est aussi le Divin. Bien sûr, il faut plusieurs années pour habituer le mental à transformer la souffrance en consentement à la volonté divine, mais il y a en l'être un potentiel qui permet de voir les choses comme cela sans tricher. Néanmoins, le corps peut avoir besoin « de se plaindre », et il est bon alors de savoir lâcher prise, dormir, pleurer, faire des exercices de respiration lente dans l'abdomen, tout en lâchant toutes les préoccupations matérielles. Il est fort probable qu'une authentique ouverture de la conscience au Divin, bien avant que le Supramental ne se manifeste, provoque des dégâts émotionnels étant donné tout ce que le sadhak sent devoir lâcher sur le chemin. Le passé n'est pas si dégagé du présent qu'il en a l'air pour le mental, qui suit l'instant à sa vitesse propre. Dans le corps et les habitudes subconscientes, le passé est dans le présent, ce qui explique primo, la difficulté de l'ascension et le fait historique que beaucoup de chercheurs abandonnent dès qu'ils sentent que les belles idéalisations sont insuffisantes à changer la nature, secundo que ceux qui continuent sont à nouveau décimés quand une révolte de la nature conséquente vient réclamer ses droits sur les juridictions suivantes, le plaisir sexuel, le besoin de sécurité matériel, le besoin d'éliminer les contrastes émotionnels et les dangers d'un abandon à la réalité de la Vérité.


Ces quelques considérations permettront sans doute à certains d'ouvrir leur esprit à des zones qui n'ont pas été d'ores et déjà assez explorées... .C'est Lui, le Seigneur qui dispose de nos vies, et les périodes sombres sont parfois nécessaires comme préparation, non pas que le Divin cherche à nous tester, mais tout simplement parce que la vie ordinaire s'écarte de notre chemin, alors que rien de tangible ne la remplace. Consentir aux « jachères psychologiques » est absolument nécessaire, comme un plongeur en eau profonde doit accepter les paliers de décompression à la remontée. Ou encore, comme le dit Mère reprenant Sri Aurobindo: la victoire est au plus endurant. Installer une autre vie, une nouvelle manière de voir les choses, se heurte à toutes les forces existantes ou presque.